La mobilité entre bougeons-nous ? et bougeons nous !

Publié le 6 novembre 2023
8 min

Nous poursuivons aujourd’hui l’exercice de synthèse de la 19ème édition des Rencontres nationales du etourisme que j’ai eu le plaisir de réaliser avec Laurence Giuliani et Jean-Luc Boulin lors de la clôture l’événement. Jean-Luc a ouvert le bal avec L’intelligence tout naturellement…, Laurence abordera le thème des Meufs, et aujourd’hui je m’attèle à la Transition par le prisme du sujet mobilité.

Cette édition a fait la part belle à ce sujet avec pas moins de 5 ateliers dédiés que vous retrouvez en replay sur la chaîne des rencontres :

  1. A4 : Mobilité avec ajout de services : nouveau graal de l’attractivité touristique ?
  1. A10 : Décarboner le tourisme : du (très) concret en Nouvelle-Aquitaine
  1. A11 : Comment communiquer sur une offre de mobilités douces diffuse et souvent confidentielle ?
  1. A18 : Mobilité et tourisme : commençons par les basiques
  1. A27 : Visiter Pau en mode 100% mobilité verte, un défi ?

Ils consolident les ateliers de l’année dernière que j’avais déjà pu synthétiser sur cet article : Faites le pont de la mobilité – Octobre 2022

Ce sujet n’a bien entendu pas attendu les Rencontres etourisme et de précieuses orientations, études, leviers d’actions, chiffres, argumentaires et exemples sont au cœur d’une douzaine d’articles rédigés sur ce blog ces 3 dernières années et dont vous retrouvez la liste tout en bas de ce billet.

Revenons à nos rencontres d’octobre 2023 et où en est-on du contexte ? Qu’avons-nous vu ? Qu’avons-nous retenu ? Vers quoI nous projetons-nous ?

Trois points de contexte désormais établis

La mobilité est l’épine dorsale du tourisme, intrinsèquement liée pour venir, se mouvoir su place et repartir. Pourtant, le transport est avant tout réfléchi pour les mobilités du quotidien avec trop peu d’échanges entre les compétences « transport » d’un côté et les compétences « tourisme » de l’autre. Chez les acteurs du tourisme, l’acculturation se poursuit pour déterminer au mieux le rôle que chacun peut avoir à son niveau. Et surtout agir. Agir pour contribuer à réduire les 77 % de GES émanant des transports dans le secteur tourisme. Restons lucide cependant, si tu es un office de tourisme et que tu veux être actif sur la mobilité dans ton territoire, arrête de ne parler que des mauvaises horaires des TER et du manque de place de vélo dans les trains. Les chaînes de décisions et les amortissements sur les investissements sur les rames actuellement en fonction sont des durées que tu ne maîtrises pas. Active-toi sur d’autres choses (création et coordination de services, contenu de mobilité de tes outils de communication et de conseil, formations des acteurs, lobbying collectif, etc) mais ne lâche pas le morceau, quelques lignes bougent.

Les attentes sur la mobilité sont bien connues : voyager rapidement, économiquement, écologiquement, confortablement.

Les irritants du transport sont plus perceptibles que les bons côtés et il s’agit donc de les réduire, voire de les faire disparaitre :

  1. côté client (parcours, attente, paiement, changements, sur-fréquentation, accès aux types de transport, etc)
  2. côté back-office pour mener un projet (donnée, technologie, design de la solution, multi-partenariat, politique)

Deux problématiques entremêlées à traiter

  1. Comment faire pour que deux secteurs, le tourisme et le transport, fluidifient leur collaboration alors qu’aujourd’hui ils ne se parlent que trop peu ?
  1. Comment faire pour que les organismes de tourisme soient utiles sur le sujet transport dans le parcours client ?

Ce que j’ai vu sur le parcours client

Sur la préparation de son voyage

  • La technologie progresse toujours pour agréger les données des opérateurs de transports. Le MAAS, avec pour objectif de faciliter la préparation sur les longs voyages, prend forme à l’Agence Savoie Mont-Blanc avec l’appui d’entreprise spécialisée comme Antidots. (Maas ? => wikipedia)
  • La création et la visibilité d’offres de voyage bas carbone mixant transports, hébergement, activités et visites engagés dans le durable se structurent clairement et efficacement comme en Nouvelle-Aquitaine.

Sur l’offre et l’information sur place

  • La véracité de l’information en-dehors de Google, sa qualification par des communautés, son usage par l’outil cartographique continuent de faire des émules avec Open Street Map et seignanx.com avec 5 ans de recul sur la stratégie.
  • La mobilité douce est toujours un pilier de l’offre et des aménagements avec notamment le vélo qui renvoie à des stratégies et des engagements de long terme avec des équipements, des infrastructures, des services, une animation de la filière comme le présente les Charentes avec là aussi une entreprise spécialisée comme Loopi.
  • La mobilité douce encore avec des solutions mixant planificateur d’itinéraire, inspirations et communautés comme l’exemple de Komoot
  • Quand le transport, l’empreinte carbone, le tourisme, l’alimentation, le développement local se conjuguent, cela donne un zoom sur Le Geste64. Une démarche qui permet aujourd’hui de calculer le bilan carbone de son voyage sur place (5,26 € par nuitée en Pyrénées Atlantiques) afin de proposer une compensation en soutenant un des projets sélectionnés et certifiés sur des pratiques d’agricultures régénératives d’un groupement de 7 exploitations engagé dans le projet « La Terre pour le Climat ».

Ce que j’ai vu sur le rôle des organismes de tourisme

Les leviers d’actions sont fournis. Les collaborations, les choix et les principes de subsidiarité sont légion.

  • L’organisme de tourisme cible les marchés qu’il souhaite travailler au regard de leur impact carbone : c’est ce qu’apporte le calcul de l’impact carbone d’un trajet aller/retour selon les marchés émetteurs présenté l’ADT 64.
  • Il se focalise davantage sur le nerf de la mobilité : la DATA. Aussi bien chez les CRT comme en Occitanie qui développe le “Hub d’information touristique”. Cela centralise toutes les données, fait l’observation, cartographie, génère des tableaux de bord, modélise des cartes isochrones et aide à la décision. Aussi bien dans les offices de tourisme comme Seignanx.com (3 ETP) qui depuis 5 ans s’appuie sur les données libres pour que la cartographie, et donc l’outil par excellence de la mobilité et du conseil pour le tourisme, soit au cœur de la stratégie du territoire.
  • Il contribue au développement de l’infrastructure des mobilités avec ses collectivités de tutelle pour des stratégies de long terme à minimum 10 ans
  • Il contribue à développer des services et à les analyser pour les faire évoluer comme par exemple l’éco-compteur des pistes cyclables qui observe une baisse lors de la période estivale. Quelle analyse de l’impact climatique dans les activités de plein air ? Quelle adaptation des entreprises, de l’offre et des services ?
  • Il joue son rôle d’animateur trans-sectoriel au service du cadre de vie local. Il se forme sur le sujet, il designe l’information et ses outils, il acculture son écosystème, il décloisonne fortement ses approches et met à disposition ses compétences pour le bien commun.

Ça coince sur quoi alors ?

Le nerf de la mobilité est la data mais manipuler la data n’est pas chose facile tant les accès aux jeux de données ne sont pas toujours (jamais en fait) simples.

Il existe aussi une dépendance claire à l’offre des transporteurs locaux, nationaux et internationaux. Quand on travaille sur l’intégration de la mobilité au parcours client avant séjour, les données des horaires de train arrivent 3 mois avant le trajet quand la préparation de séjour et l’acte d’achat de séjour peut se situer à 6 mois. Couac assuré.

Le sujet mobilité n’est pas encore concrètement intégré dans les stratégies des organismes de tourisme. Trop complexe ? Pas assez connu ? Peu de compétences sur ce sujet en interne ? Peu de liens avec les collectivités et organisations compétentes sur le sujet ? En tout cas l’effet de masse n’est clairement pas atteint pour opérer de véritables évolutions tangibles dans le rôle collectif et le pouvoir d’actions des organismes de tourisme sur le transport dans le parcours des voyageurs.

Vers quoi nous projetons-nous ? 

  1. Continuer notre acculturation pour une montée en compétence et en action avec les partenaires tiers.
  2. Développer les exemples de la learning expédition pour manger du parcours client sur le terrain et voir partout où l’organisme de tourisme peut être acteur.
  3. Designer différemment vos cartes touristiques. Combien de minutes à pied déjà entre la place de l’hôtel de ville et le super belvédère à ne pas louper ? Depuis quand l’article « Comment venir ? comment bouger ? » n’a pas été repensé, enrichi, raconté ?
  4. Intégrer la mobilité dans les argumentaires, le conseil, la communication, les cartes, l’animation des prestataires, la gouvernance
  5. Comprendre le Maas pour capter ce qui se passe en back-office
  6. Se projeter sur les enjeux de transformation et de décloisonnement nécessaire qu’amène l’office de tourisme, des loisirs, de la mobilité, de la culture
  7. User de nos compétences multiples pour aider à la décision 

Quel avantage aurions-nous à échouer dans cette réflexion ?

Le principal avantage à échouer, c’est de continuer à s’occuper des sujets que nous maîtrisons déjà bien. Laissons ce sujet être totalement traité par d’autres. Après tout, tout a certainement été tenté ou fait, puis c’est assez complexe au regard des acteurs à mobiliser et à convaincre. Google Map fait bien le job en plus.

Quel inconvénient aurions-nous à réussir dans cette réflexion ?

Le principal inconvénient à réussir, c’est d’y mettre du temps dessus. Un temps et des compétences durables en-dehors des one-shot à durée déterminée largement subventionnés par appels à projets voués à la transition durable. L’inconvénient donc c’est de trouver ce temps que nous n’avons pas, le financer. Cela va donc nous obliger à renoncer à d’autres choses en plus de développer de nouvelles compétences pour un but… celui de traiter le sujet des transports qui représente 77 % des GES de notre activité que nous poussons tous les jours.

Merci aux intervenants des Rencontres sur ces sujets :    

Simon Wiget de Verbier Tourisme
Antoine Pin de Protect Our Winters France
Gregory Guzo de Antidots
Christelle Ferrière de l’Agence Savoie Mont-Blanc
Emilie Roy de l’Agence départemental du tourisme Béarn Pays Basque
Amandine Southon du CRT Nouvelle-Aquitaine
Cédric Chabry de Kairn / ThinkMyWeb
Sébastien Répéto de Kairn / ThinkMyWeb
Gilles Guiral de Agglomération Royan Atlantique
Olivier Amblard de Charentes tourisme
Fabien Ferdinandy de Loopy
Camille Perisse et Michel Canillac du CRTL Occitanie
Jerome Lay de Seignanx.com
Diane Gerbaux de Komoot
Julien de Labaca  Le Facilateur de la Mobilité

Les articles du blog sur la mobilité et transports

  1. Mobilité et tourisme carbone neutre : le défi des quotas par Caroline Le Roy – Octobre 2023
  2. Être mobile, êtres mobiles par Brice Duthion – Septembre 2023
  3. Sur la gestion des flux touristiques par Brice Duthion – Mai 2023
  4. Ça plane (pas) pour moi ! S’envoyer en l’air mais à quel prix ? par Caroline Le Roy – Mai 2023
  5. Sur la mobilité touristique par Brice Duthion – Février 2023
  6. Faites le pont de la mobilité par Jean-Baptiste Soubaigné – Octobre 2022
  7. 1992-2022 : 30 ans de tourisme durable par Brice Duthion – Mai 2022
  8. Tourisme et trajectoire carbone par Guillaume Cromer – Avril 2022
  9. L’empreinte carbone : nouveau critère de sélection pour la mobilité touristique ? par Sophie Duprat-Caouré – Novembre 2021
  10. 2030: Objectif 30 millions de touristes internationaux en France ? par Guillaume Cromer – Octobre 2021 
  11. 2021, année du train ? par Guillaume Cromer – Février 2021
  12. Comment les territoires peuvent favoriser la résilience du tourisme ? par Brice Duthion – Décembre 2020
  13. Un tu train, vaut mieux que deux roues tu l’auras par François Perroy – Décembre 2019
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Stimuler, écouter, conseiller, animer, former, partager, apprendre... est mon quotidien professionnel appliqué au secteur de la formation et du tourisme. Il s'agit de favoriser l'adaptation des compétences, des missions et des organisations en perpétuelle transition. Depuis 2009 au sein de la Mission des Offices de tourisme de Nouvelle-Aquitaine (MONA), son directeur depuis 2020, les secteurs d'interventions et d'exploration évoluent continuellement : transition managériale, transition numérique, transition durable, marketing de services, [...]
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