Mobilité et tourisme carbone neutre : le défi des quotas

Publié le 6 octobre 2023
9 min
Dans l'azur infini, là où les oiseaux chantent,
Les voyages en avion, autrefois, étaient une fête.
Mais sous ce ciel d'acier, aujourd'hui plane une ombre,
Celle des quotas carbone, un défi que l'on sombre.
Les quotas carbone, une voie vers la durabilité,
Un appel à la réflexion, à la responsabilité.
Voyager en avion, un privilège à préserver,
Pour les générations futures, il faut s'engager.

Alors, dans le ciel, levons les yeux avec espoir,
Vers des voyages plus verts, des choix à revoir.
Les quotas carbone, un défi à surmonter,
Pour que notre planète continue à respirer

La semaine dernière sont sortis les chiffres clefs sur l’empreinte carbone des français par le Citepa (Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique) et l’ABC (Association pour la transition Bas Carbone). Malgré une tendance à la baisse affichée de 4.2% cette année (merci l’inflation), on est bien loin des ambitions annoncées dans l’Accord de Paris. La moyenne française pour une personne seule est estimée à 8,5 tCO2e / an. Sans surprise, le transport pèse 25% de nos émissions. Le tourisme, pour rappel, représente 11% des GES dont 41% juste pour le transport aérien (ADEME, 2021). Le dernier rapport GIEC (mars 2023) nous invite à réduire considérablement nos émissions de GES. Alors, allons droit au but, s’il y a un effort à faire c’est bien sur le trafic aérien. Sans partir dans le débat de la liberté de circulation, quels sont les enjeux de la mise en place de quotas carbone pour les voyages en avion ?

Ce billet s’inscrit dans le dossier MOBILITÉS écrit avec Brice Duthion et Cédric Chabry avec une dernière chronique musicale sortie en juin dernier car « ça plane pas pour moi »

50 nuances de carbone

Empreinte carbone

Selon l’INSEE, l’empreinte carbone représente la quantité de gaz à effet de serre (GES) induite par la demande finale intérieure d’un pays (consommation des ménages, des administrations publiques et des organismes à but non lucratif et les investissements). Elle comprend les GES des ménages, de la production intérieure de biens et de services et associées aux biens et services importés (ne tient pas compte des exportations). L’empreinte carbone permet d’apprécier les pressions sur le climat de la demande intérieure française quelle que soit l’origine géographique des produits consommés. Un super article par Carbo qui t’explique tout ICI.

Neutralité carbone

La neutralité carbone, ou zéro émission nette, signifie que les émissions de gaz à effet de serre d’une organisation sont équilibrées par des mesures visant à réduire ou à compenser ces émissions. En d’autres termes, l’entité ne contribue pas à l’augmentation des émissions de carbone dans l’atmosphère. La France a un objectif ambitieux visant à réduire ses GES à un niveau net zéro. L’objectif de la loi Climat et Résilience de 2021 vise la neutralité carbone d’ici 2050 (en lien avec les engagements de l’Accord de Paris sur le climat).

Pour le tourisme, les enjeux de la neutralité carbone résident dans la nécessité de réduire au maximum les émissions de gaz à effet de serre associées aux voyages, à l’hébergement et aux activités touristiques, tout en compensant les émissions résiduelles par des mesures telles que la reforestation, la capture du carbone, ou le financement de projets environnementaux.

Bon Pote nous parlait du leurre de la neutralité dans un article de 2021.

Stratégie nationale bas carbone pour nuls – by Carbo

Compensation carbone

La compensation carbone est une mesure visant à contrebalancer ses propres émissions de CO2 par le financement de projets de réduction ou de séquestration du carbone. Le but est d’équilibrer les émissions de gaz à effet de serre générées par une activité ou un secteur en investissant dans des projets qui réduisent ou éliminent des émissions équivalentes ailleurs(Observatoire de néologie du Québec). Dans le tourisme, les enjeux de la compensation carbone consistent à offrir aux voyageurs et aux entreprises de voyage la possibilité de compenser les émissions liées à leurs déplacements en soutenant des projets écologiques, tels que la plantation d’arbres, le développement d’énergies renouvelables ou la protection des écosystèmes. Clin d’œil au réseau ATR (agir pour un tourisme responsable) et à son directeur Julien Buot pour leur travail.

Taxe carbone

Une taxe carbone est une mesure fiscale visant à encourager la réduction des émissions de gaz à effet de serre en imposant un coût financier sur les émissions de carbone. Les entreprises ou les individus doivent payer une taxe en fonction de la quantité de carbone qu’ils émettent. Dans le tourisme, une taxe peut inciter les voyageurs à choisir des modes de transport moins polluants, à opter pour des hébergements et des activités plus respectueux de l’environnement, et à prendre conscience de l’impact climatique de leurs voyages. Comment se fait-il qu’en 2023, le train soit toujours 2x plus cher que l’avion alors qu’il est 100x moins polluant comme le rappelle GreenPeace dans un rapport sorti cet été ? Il reste tout de même pas mal d’inégalités voire d’injustices entre l’avion et le train (publicités, pollutions, subventions, avantages fiscaux, …).

Regarder Sur le Front d’Hugo Clément sur le sujet.

En bref

L’ADEME dans ses scénarios de transition écologique du trafic aérien propose une « modération du trafic » qui passera donc par une maîtrise et réduction du trafic. D’ailleurs ça ne devrait plus être un débat comme le suggère (encore) Bon Pote. N’en déplaise à certains opérateurs touristiques ou de transports, et attendant la révolution (ou illusion) des biocarburants, il faudra réduire le trafic si nous voulons réduire nos émissions. La guerre entre IATA et les agents de voyage est-elle déclarée comme le titre La Quotidienne (International Air Transport Association) ou encore, l’aérien est-il à bout de nefs face aux taxes dans ce billet de l’Echo touristique ?

Vers un épargne voyage ?

Quota des 4 vols à vie

Janco a osé dire tout haut ce que les gens pensent tout bas. Sans s’enfermer dans le nombre des 4 vols à vie, Jean-Marc Jancovici, président du Shift Project (qui a édité avec les bénévoles Shifters « voyager bas carbone ») a lancé le débat au micro de France Inter. Il est allé jusqu’à démontrer son cheminement sur LinkedIn comme l’a analysé Linda Lainé, rédactrice en chef de L’Echo Touristique. L’expert est clair : il va falloir faire des compromis si nous voulons respecter nos limites planétaires (la 6e venant d’être dépassée). Quid de dépendance de certaines destinations qui ont déjà souffert de la fermeture des frontières avec la COVID19. Le voyage en avion est en effet, un secteur particulièrement vulnérable face aux crises conjoncturelles (terrorisme, guerre, inflation, crise énergétique, …). Le voyage long courrier est un privilège (d’une élite) qui doit rester accessible mais raisonnable. Il faut changer d’imaginaires (ou revenir en arrière), que trajet fasse partie intégrante du séjour (et pas que la destination finale). Et puis les français ne sont pas si fermés à l’idée de réduire drastiquement l’avion comme le montre cette étude de Here et CSA.

Etude de HERE et CSA (consumer science and analytics, 2023)

La voie du rationnement carbone ?

Un rationnement carbone (ou allocation, compte, budget) est une limite réglementée sur la quantité totale de gaz à effet de serre qu’une entité (comme une entreprise, un pays ou un secteur industriel) est autorisée à émettre sur une période donnée. Il s’agit d’un instrument clé pour contrôler les émissions de carbone et lutter contre le changement climatique. C’est de plus une mesure plus juste que la taxe et la tarification des GES.

Le principe ?

  • Les gens sont dotés d’un budget carbone annuel qui décroit de 6% chaque année (conformément aux objectifs de neutralité d’ici 2050) ;
  • Une étiquette « point carbone » sont affichés sur les produits et services commercialisés ;
  • Les gens gèrent librement leurs dépenses en euros et en points carbone ;
  • Les règles de fonctionnement du budget carbone sont proposées par consultation citoyenne et les ajustements par une organisation indépendante (type agence carbone) pour considérer certains inégalités sociales (accès possible aux transports en commun, disparités géographiques, profession, cas particuliers pour la famille ou la santé, …) ;
  • Les gens peuvent revendre ou épargner les points carbone non consommés.

Vous trouvez que c’est farfelu ? Le collectif Allocation Climat a édité des rapports de faisabilité sur la mise en œuvre d’un tel dispositif (sans tomber dans une usine à gaz, il s’agit d’une démarche efficace et éthique).

Gouvernance du compte carbone par Allocation Climat

D’autres initiatives proches et partenaires planchent sur le sujet :

  • Compte Carbone (initié par Pierre Calame de la Fabrique des transitions), poussé par la convention citoyenne pour le climat. Il s’agit d’un mécanisme de justice climatique & sociale pour stopper doucement les gaz à effet de serre. Leur triptyque : garantie des résultats (réduire les dotations de 6% chaque année, répartir entre tous les citoyens, stimuler entreprises et services publics), la liberté individuelle (je choisis si je réduis la viande ou l’avion, c’est moi qui gère mon budget carbone…) et la justice sociale (égalitaire, il valorise la sobriété des plus modestes par un revenu universel climatique…) (initiative soutenue par Dominique Méda, Thomas Piketty et Dominique Bourg) ;
  • Le think tank Forum Vies Mobiles, proche de la SNCF, mène un travail proche à propos de quotas de carbone spécifiques aux transports qui propose une carte carbone (simple de fonctionnement) dédiée aux déplacements qui vise en priorité l’aérien et le routier thermique, qui propose un système progressif avec années blanches, de réguler la place de marché (pour éviter le marché noir, la spéculation et les abus tout en permettant l’échange entre individus), d’avoir des quotas individuels et professionnels, d’établir une comptabilité carbone et de respecter les objectifs de la Stratégie nationale bas carbone.
  • Les décarbonautes, collectif qui demande au gouvernement d’organiser une Assemblée de codécision pour que la France atteigne de manière certaine la neutralité carbone en 2050, basé sur 3 principes : la réglementation (interdictions et incitations dans chaque secteur), le pilotage par les prix (taxe carbone redistributive, crédit climat, éco-détaxe, quota GES individuel) et par le pilotage par des quotas pour les entreprises (l’EU-ETS). (clin d’œil à mon ami Hervé Cellard, membre actif de ce réseau)

Cap ou pas cap ?

Se déroule en ce moment la grande messe des entreprises touristiques : IFTM Top Résa. Merci aux copains d’ATR pour leurs différentes interventions sur le sujet du voyage responsable.

Je vous partage quelques pépites qui montrent que c’est possible :

  • Une entreprise qui offre des congés supplémentaires pour les salariés qui ne prennent pas l’avion ;
  • Le podcast Décarbonez-moi et interview de l’agence de voyage Cybèle Evasion ( <3 Laetitia Varenne) qui ne vend plus de long-courriers ;
  • Jean Christophe Guérin, fondateur de Vie Sauvage qui nous livre son regard pertinent sur l’avenir du secteur pour le podcast Xpérientiel que je cite « Tous les rapports nous invitent à une réduction globale des émissions de CO2 de 5% par an, Jancovici aussi. Cette baisse correspond à un Covid… par an et de manière additionnelle ». L’agence de voyage vise une réduction progressive de 5% des GES par an, soit 56% d’ici 10 ans.
  • Le collectif Itinéraire Bis, qui regroupe des journalistes et influenceurs du voyage prônant la proximité et l’éco-responsabilité, la finalité étant de faire évoluer la couverture médiatique du tourisme pro-avion et international, l’exotisme et le sexy, on peut aussi l’avoir à proximité.
  • Et enfin, rendez-vous dès mardi prochain aux 19e ET de Pau où la mobilité douce et décarbonée sera bien évoquée. On parlera MaaS et isochrones : 1°) Mobilité avec ajout de services : nouveau graal de l’attractivité touristique ? 2°) Décarboner le tourisme : du (très) concret en Nouvelle-Aquitaine ; 3°) Comment communiquer sur une offre de mobilistes douces diffuse et souvent confidentielle ? 4°) Mobilité et tourisme : commençons par les basiques ;
    • Mobilité touristique et lien d’attachement lors de l’animation d’une Fresque du renoncement que j’animerai dès mardi à 14h (auto-promo, comme dirait le Shlag!).

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Dans un secteur touristique en développement continu, il est indispensable d'accompagner les professionnels vers un tourisme raisonné et responsable. Je me décris comme une apicultrice de projets touristiques en transition. J'aime aller m'inspirer ailleurs et je prône la politique du petit pas (penser global et agir local). Je prépare actuellement une thèse doctorale sur la "gouvernance de la performance publique, management hybride de la performance globale pour les OGD".
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