Un discours engagé de Caroline Mignon, présidente de l’association Acteurs du Tourisme Durable, remettant en place un gouvernement malheureusement absent de l’événement et questionnant quelques actualités de greenwashing pas bien sérieuses face à l’urgence de transition, a permis de parfaitement lancer cette 9ème édition des Universités du Tourisme Durable organisées les 21 et 22 septembre à Aix-les-Bains sur le thème : « Sources & Ressources ».
ON FOND TOUS POUR HEIDI SEVESTRE
Comment peut-elle nous dire des choses aussi dures avec autant de bonhomie et de sourires ?
Heidi Sevestre est glaciologue. On la voit de plus en plus dans les médias à nous alerter sur la fonte des glaciers et des calottes glaciaires et sur le lien avec les impacts du changement climatique ici et ailleurs. Lors de cette plénière aux UTD, elle nous rappelle le contexte général qui nous est, au fond, assez méconnu.
70% de notre ressource en eau douce est coincé dans les glaciers et les calottes glaciaires. On en a besoin pour notre vie de tous les jours. Le climat influence fortement la gestion de l’eau. Or, il n’y a pas d’homogénéité en matière de réchauffement climatique. C’est bien un dérèglement climatique globale avec une hausse moyenne de 1.1 / 1.2° depuis l’ère préindustrielle à l’échelle mondiale. Mais dans certaines régions comme en Arctique où Heidi travaille régulièrement, l’augmentation de la température moyenne est bien plus élevée, comme dans nos montagnes.
Tout le monde a vu les conséquences de ce dérèglement climatique. Des phénomènes climatiques extrêmes comme on a pu voir en Grèce ou en Libye avec des précipitations équivalentes à une année de pluie en seulement une heure, ce qui a provoqué les images que l’on a tous vu.
« Mais tout ceci sera du pipi de chat par rapport à ce qui nous attend dans l’avenir » nous prédit Heidi ! Elle nous rappelle ainsi qu’une étude scientifique est sortie il y a quelques mois sur les 600 dernières années sur la durée moyenne d’enneigement dans les montagnes en Europe. On a ainsi perdu une trentaine de jours sur ces 150 dernières années. C’est bien pour cette raison que les projets de neige de culture se développent pour compenser cette diminution et les risques financiers qui vont avec.
Tout ça nous amène forcément à de la tension sur les territoires ! C’est bien sûr l’enjeu de la ZAD de la Clusaz sur le Plateau de Beauregard que nous rappelle Heidi. Or, aujourd’hui, préserver une zone humide ou faire une retenue collinaire pour fabriquer de la neige de culture ? C’est un choix crucial à faire quand on connaît l’importance de cette zone humide, puits de carbone et de biodiversité.
Puis, Heidi nous a emmené au Svalbarg, là où elle travaille régulièrement pour nous montrer la réalité de l’impact du changement climatique. C’est un territoire qui se réchauffe 5 à 6 fois plus qu’ailleurs soit une augmentation de + 5/6° par rapport à l’ère préindustrielle. Le quotidien là-bas, ce sont des glissements de terrain, des avalanches en pleine ville, etc. Le changement climatique tue.
Saviez-vous que la banquise joue un rôle de thermorégulateur en renvoyant les rayons du soleil vers l’espace (vu que c’est blanc !) ? Plus la banquise est vieille, plus elle renvoie les rayons. Or, la banquise fond par les 2 bouts. Depuis 2010, elle a perdu 40% de la surface de la banquise. Et ça a un impact incroyable aussi chez nous ! Si le Groënland fondait, ce serait une hausse du niveau de la mer de 5 à 6 mètres. Et rien qu’une augmentation d’un mètre du niveau de la mer aurait de sacrées conséquences comme le montre ce site de Climate Central.
Et le passage d’une augmentation de 0.5 à 5 mètres du niveau de la mer, c’est la question des points de bascule, les fameux « tipping points ». Une étude récente montre que ce point de bascule est proche voir dépassé en particulier sur l’Ouest de l’Antarctique. Or, Heidi et la communauté scientifique ont du mal à comprendre et visualiser l’avenir des impacts climatiques si on dépasse ces différents points de bascule.
Pour finir, Heidi nous lit ce poème qui en touchera plus d’un dans l’amphithéâtre du Centre des Congrès :
Et je suis éveillé
Parce que mes arrière-arrière-petits-enfants
Ne me laissent pas dormir
Mes arrière-arrière-petits-enfants
Me demandent en rêve
Qu’as-tu fait lorsque la planète était pillée ?
Qu’as-tu fait lorsque la terre se défaisait ?
Sûrement, as-tu fait quelque chose
Quand les saisons ont commencé à défaillir ?
Alors que les mammifères, les reptiles, les oiseaux mouraient tous ?
As-tu rempli les rues de protestations
Lorsque la démocratie a été volée ?
Qu’as-tu fait ?
Une salle comble, debout, avec quelques larmes sur les joues applaudit Heidi suite à ce discours du cœur. Elle nous lâche un dernier mot…
Nicolas Breton : Remettre le voyage dans le bon chemin AVEC ITINERAIRE BIS
Ensuite, c’est Nicolas Breton qui nous présente Itinéraire Bis, un collectif de communiquant qui cherche à changer le regard et l’imaginaire du voyage. Le mindset du collectif est simple : Remettre le voyage dans le bon chemin
Changer les représentations médiatiques du voyage, c’est changer une part de l’imaginaire de notre société. Plus près. Moins souvent.
La vidéo de présentation est parfaite pour tout comprendre!
La galerie de Google Images en tapant le mot « voyages » est assez symptomatique.
Et si on arrivait à transformer ces images grâce à Itinéraire Bis ?
TABLE RONDE SUR LES CONFLITS D’USAGE AUTOUR DE L’EAU
Il s’en est suivi une table-ronde sur la question des conflits d’usage autour de l’eau avec plusieurs intervenants particulièrement intéressants !
Tout d’abord, c’est Charlène Descollonges, ingénieure hydrologue, qui nous a introduit la question de la ressource en eau sur le fonctionnement du cycle de l’eau et des rivières. Sujet globalement peu connu par nous, acteurs du tourisme, Charlène nous a parlé des tensions sur l’énergie qui va engendrer aussi un conflit d’usage supplémentaire et une bataille sur l’eau.
Entre l’énergie, l’agriculture, l’industrie et le tourisme, comment va-t-on gérer la répartition de la ressource en eau ? Qui va prendre la plus grande part ?
Charlène nous a rappelé à plusieurs reprises la bonne question à se poser : « Quelles sont les priorités que l’on souhaite dans l’usage sur l’eau pour un territoire ? »
Or, pour le secteur du tourisme, Charlène explique qu’il manque encore des données pour bien comprendre les impacts sur les ressources en eau. Il y a une vraie nécessité pour le secteur de s’intéresser au sujet et de rencontrer les acteurs comme Vendée dans le département 85.
C’est donc tout naturellement que Gauvain Ramis, responsable de la communication de Vendée Eau, est venu expliquer la spécificité du département. On retrouve 13 retenues de barrage en Vendée qui représentent 95% de l’usage de l’eau du département. Le dérèglement climatique et le développement économique et touristique a poussé un déficit hydrique sur le territoire. Les chiffres sont édifiants: 700 000 habitants. 5 millions de touristes par an. A Noirmoutier, la consommation d’eau est multiplié par 8 l’été.
Du côté de l’Office de tourisme de Serre Ponçon, le DG Alexis Aubespin est venu présenter les problématiques édifiantes de conflit d’usage sur la ressource en eau entre le tourisme sur le lac et les cultures en aval grâce à la Durance.
En 2022, un hiver sans précipitations a réduit au maximum la recharge en eau du barrage. Or, les vergers en aval avaient besoin d’eau. La conséquence a été une perte de 20 mètres de hauteur du lac par rapport à la normale. Cela a créé un impact très important pour les professionnels du tourisme du lac avec une adaptation dans l’urgence pour faciliter l’accès au lac ou tout simplement l’arrêt complet de certaines activités de professionnels.
Enfin, le président de la Fédération thermale et climatique française, Jean-Francois Beraud, nous a rappelé que les stations thermales sont, de longue date, précurseurs dans une gestion rigoureuse des usages de ces eaux thermales issues souvent des grandes profondeurs, aux vertus reconnues. Il évoque l’intérêt de se doter de véritables outils d’observation des usages permettant de suivre des indicateurs et peut être rapidement d’avoir des éléments clés pour organiser une meilleure régulation et équilibre dans les usages.
Selon Charlène, il y a forcément un sujet clé autour de l’agriculture et de l’alimentation pour trouver un meilleur équilibre pour l’usage de l’eau. Quid de la gouvernance dans les parlements de l’eau (comité de bassins & petits parlements de l’eau sur les micro-bassins) qui doivent normalement poser les priorités ? Quid de l’implication des acteurs du tourisme dans ces parlements ? Pour décider de la juste répartition (sur quels critères économiques, sociales et environnementales?) de la ressource en eau, faudrait-il déjà que l’ensemble des acteurs et des secteurs se retrouvent autour de la table…