Tourisme et biodiversité : ces expériences où le vivant prend sa place

Publié le 24 juillet 2025
6 min

En ce moment, un nid de fourmis à élu domicile dans mon bureau. Allez savoir si elles ont influencées cet article ou bien si c’est les actualités autour de la loi Duplomb ou encore si c’est l’appel des vacances et du grand air qui se profile mais en ce mois de juillet, une question m’accompagne : quelle place la biodiversité occupe-t-elle vraiment dans nos pratiques et offres touristiques ?

Insectes, mousses, lichens, papillons ou plantes communes : le vivant est partout autour de nous. C’est un pilier écologique mais aussi culturel, paysager et économique et le tourisme en dépend directement. Pourtant, la faune et la flore restent souvent reléguées au rôle de « décor » dans l’activité touristique. 

Ce constat m’a donné envie d’aller voir de plus près : comment certains territoires intègrent-ils la biodiversité dans leurs pratiques touristiques ? Quelles formes cela peut-il prendre ? Et surtout, comment dépasser la simple sensibilisation pour faire du vivant un élément central de l’expérience de visite ? Voici le fruit de ces quelques initiatives qui remettent le vivant au coeur du séjour touristique pour un tourisme plus attentif, plus ancré, et tout simplement… plus vivant.

Pourquoi la biodiversité est-elle souvent le parent pauvre du tourisme ?

Démarrons par un rappel sur la définition de biodiversité qui, selon l’Office Français de la Biodiversité désigne l’ensemble des êtres vivants, les écosystèmes dans lesquels ils vivent, ainsi que les interactions qu’ils entretiennent entre eux et avec leur milieu. 

Si cette biodiversité est surtout connue pour la matière première qu’elle apporte, elle est également une ressource qui est fortement menacée par l’activité humaine. En effet, selon l’Observatoire national de la biodiversité, 18% des espèces ont déjà disparu et 78% des habitats sont dans un état de conservation défavorable. Comme nous le rappelle cet article décryptage de Bon Pote, aujourd’hui on parle d’une véritable crise de la biodiversité.

Source : source : IPBES, 2019 via l’article « Au fait, c’est quoi la biodiversité (et pourquoi on devrait en parler plus) ? » de Bon Pote

Sachant que la biodiversité est indispensable pour le cadre touristique elle mériterait donc une attention particulière. Mais alors pourquoi ce sujet n’est-il pas plus souvent abordé dans le secteur touristique ? Voici trois pistes de réflexion que je vous invite à abonder en commentaire pour qu’on agrémente collectivement cette ressource commune ;-).

  • de part sa définition, la biodiversité est un sujet complexe qui n’est pas évident à appréhender et qui, par manque de connaissance, peut vite être considéré comme un sujet scientifique, complexe à vulgariser ou encore réservé aux experts naturalistes.
  • le tourisme et la nature, sont deux secteurs qui ont longtemps évolué dans des sphères séparées voire opposées, l’un tourné vers l’attractivité et la fréquentation alors que l’autre est davantage tourné vers la conservation, avec de nombreuses politiques ou actions qui peuvent parfois paraître restrictives et donc sans point commun.
  • enfin, certains champs de la biodiversité sont plus parlants que d’autres, ainsi, la faune (grands mammifères, oiseaux emblématiques…) attire plus facilement l’attention que la flore (plantes, arbres, lichen, mousses…) qui est plus discrète voire banale et semble moins porteuse en termes d’image touristique.

découverte de la biodiversité : Quand la pédagogie devient expérience touristique

Même si le sujet de la biodiversité est complexe, si on veut en faire un véritable levier touristique, il faut lui donner des clés de compréhension et cela passe par de la pédagogie. Qui, avec une médiation adaptée, peut devenir une véritable expérience touristique, à l’image des initiatives suivantes :

  • Transmettre et éveiller la curiosité : en rendant les savoirs naturalistes accessibles à tous, sans les appauvrir. Par exemple, à la réserve naturelle du Marais d’Yves, en Charente-Martine, des visites guidées à thème sont organisées (oiseaux migrateurs, amphibiens…) pour différents types de publics (scolaires, familles, groupes…) et permettent ainsi de vulgariser ces notions.
  • Faire ressentir et créer un lien avec le vivant en invitant à ralentir : en valorisant la posture d’écoute, de patience et de contemplation. Par exemple, au Parc ornithologique du Teich, un parcours de 6 km permet de se balader le long de cet écosystème préservé et invite à prendre le temps de voir, à ralentir via une mise en récit adaptée (fenêtres d’observation, stations sonores, livrets illustrés…). Une entrée sensorielle qui constitue tout le parcours de visite.

Sciences participatives : quand les visiteurs qui deviennent contributeurs

Même si l’on associe encore souvent les sciences participatives au monde de la recherche, elles trouvent aujourd’hui une place croissante dans l’expérience touristique, notamment dans les territoires engagés pour la biodiversité, comme c’est le cas des Parcs Naturels Régionaux. Ces dispositifs permettent à tout citoyen d’agir et de contribuer en documentant la biodiversité. Ainsi, on transforme la manière dont on regarde un territoire et on devient un véritable acteur, pas un simple passant.

Par exemple, la Région Nouvelle-Aquitaine organise chaque année les 48h Nature, un événement relayés par les organismes de tourisme et qui permet aux habitants et touristes de rejoindre des ateliers nature, pour la gestion active de milieux naturels (ex : nettoyage de berges, arrache d’invasifs…) ou encore de participer à des inventaires de faune et flore, encadrés par des naturalistes, sur des sites touristiques emblématiques.

Cette action a ainsi un triple bénéfice elle permet de :

  • développer un sentiment d’utilité  du côté du touriste qui va devenir un contributeur de données scientifiques,
  • découvrir un territoire autrement : en visitant un territoire de façon différente, non plus pour son aspects esthétique mais aussi utile,
  • faire naître un sentiment d’appartenance : à la fois au territoire mais aussi à un collectif en mettant en place une action de façon collective directement sur le territoire en question.
extrait de la page des 48h nature avec la cartographie des actions à réaliser

Et si les Organismes de Gestion de Destination s’emparaient vraiment du sujet ?

Ces exemples montrent des actions bien souvent réalisées par des acteurs comme les Réserves Naturelles ou Parc Naturels Régionaux et pour lesquels les OGD sont souvent de vrais alliés pour diffuser l’information, sensibiliser les touristes et promouvoir les actions. Mais est-il possible d’aller plus loin ? Voici quelques pistes d’actions concrètes pour que les OGD prennent pleinement part à cette dynamique :

  • faire entrer le vivant dans les locaux et les récits : à l’office de tourisme du Val de Garonne, tout un fil conducteur expérientiel a été mis en place autour d’un produit local :dans l’office de tourisme : la tomate (des explications de l’espace d’accueil, en passant par les produits boutiques ou les pieds de tomates qui poussent dans le patio) ou encore l’office de tourisme Grand Roissy a installé une ruche
  • développer son éco-exemplarité et créer des micro-habitats dans les espaces touristiques : l’office de tourisme La Domitienne, dans l’Hérault, c’est engagé en devenant Refuge LPO et ainsi en protégeant et favoriseant la nature sur l’un de ces bureaux d’information touristique.
  • cartographier les lieux où la biodiversité s’observe : à Nérac l’office de tourisme de l’Albret, a ainsi été associé à la création d’un atlas de la biodiversité piloté par la collectivité.
  • former les équipes et par ricochet les différents partenaires : à l’ADT Alsace, un programme de formation en micro-learning a été créé pour sensibiliser les touristes au tourisme durable et on y la mention de la biodiversité.
    D’autres actions

Un petit panorama qui est loin d’être exhaustif et que je serais curieuse d’agrémenter. Alors, si vous connaissez d’autres exemples d’initiatives inspirantes où la biodiversité occupe une place centrale dans une démarche touristique, n’hésitez pas à les partager en commentaire ! Ensemble, enrichissons ces réflexions pour remettre la biodiversité au coeur de l’expérience touristique. Non pas en se contentant d’ajouter une touche de « nature » à l’offre touristique, mais bien de transformer notre manière de concevoir et de vivre la biodiversité qui nous entoure.

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Dans la lignée de mes engagements personnels, j'accompagne au quotidien, les offices de tourisme vers un tourisme plus durable. Au sein de la MONA, mon terrain de jeu s'étend sur tout le Sud Ouest que j'aime arpenter et connaître dans les moindres détails. Toujours à la recherche d'inspiration, de partage et d'apprentissage, je suis à votre dispo pour échanger autour de mes sujets de prédilection (durable, communication, numérique, elearning et [...]
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