Déjà deux ans et demi que Chat GPT a donné une accélération extraordinaire à l’Intelligence artificielle qui s’immisce aujourd’hui dans chaque recoin de nos vies personnels et professionnelles. Je dis déjà, car au vu des innovations quasi quotidiennes, nous sommes rapidement pris dans ce tourbillon de la nouveauté et de l’effet wouah. Et l’instant d’après, notre enthousiasme est rapidement refroidi par l’ensemble des questions que posent l’IA, sur le plan sociétal, environnemental, géopolitique, etc.
Cette révolution technologique est en ce sens bien différente des précédentes (comme l’apparition du web 2.0, ou de la mobilité), où tout semblait se rapprocher d’un monde merveilleux… Mais nous sommes rapidement passés des printemps arabes de 2011 au scandale de Cambridge Analytica, à la dictature des écrans, et à la guerre informationnelle. Ce qui explique avec raison les retenues que peuvent avoir beaucoup de nos concitoyens sur l’IA.
Aussi, deux ans et demi après, le rythme de l’adoption de l’IA par les entreprises et les organisations n’a jamis été il me semble aussi hétérogène…

Des « opposés » aux « conscients »
La classification que je vais vous proposer repose sur une analyse très personnelle et sur des constats que je peux faire dans mes accompagnements de structure (essentiellement des Offices de Tourisme).
Les opposés représentent une première catégorie. Au sein des organisations, il suffit d’un petit nombre de personnes résolument inquiètes de l’apparition de l’IA pour mettre le sujet de côté. Les raisons d’une opposition à l’IA sont principalement l’impact énergétique et donc environnemental, ainsi que les questions de confidentialité et souveraineté. La crainte de voir disparaitre des métiers et des fonctions est évidemment présente.
Récemment, un DGS d’une importante collectivité, souhaitant faire avancer le sujet de l’IA dans ses équipes, m’expliquait rencontrer une opposition forte de son comité de direction, beaucoup plus que des agents de terrain. Les arguments sur la sécurité des données étant les plus avancés par les cadres; de ce fait, il lui est quasiment impossible de développer une stratégie en interne.
Face à ces opposés, je rencontre parfois des « enthousiastes », qui n’ont de cesse de vanter les prodiges de l’IA, les dernières nouveautés, les gains de productivité espérés. Souvent, au sein des organisations, ces personnes sont assez isolées, car cet enthousiasme n’est pas partagé par l’ensemble de l’équipe. Ils se retrouvent donc à développer leur propre utilisation ou à faire des propositions souvent peu comprises. Parce que le niveau de connaissance de l’IA au sein de l’équipe est encore une fois trop hétérogène. Et que donc le gain de productivité n’est pas encore significatif…
Enfin, je vois de plus en plus d’organisations qui développent un « raisonnement » à propose de l’Intelligence Artificielle. Des organisations où les managers ont compris que l’on ne pourrait pas vivre sans cette nouvelle réalité. Qui ont observé qu’un certains nombre de collaborateurs (les enthousiastes) utilisent déjà des outils, parfois financés à titre personnel. Des dirigeants qui ont pris le temps d’intégrer les bases de l’IA, afin de saisir les opportunités offertes. Et qui en même temps ont bien intégré les dangers potentiels en terme d’organisation, de souveraineté, d’impact environnemental. Les « conscients » ont donc intégré les problématiques dans le projet d’entreprise. Ce qui permet de ne pas rester « à coté » tout en prenant en compte les impacts et les dangers.
Où en sont les acteurs du tourisme ?
C’est la question : comment les acteurs du tourisme sont-ils montés dans ce train qui avance très vite, et dont la destination change en permanence ? Comment suivre avec une technologie qui évolue semaine après semaine? Prenons un exemple : en 2023 et 2024, on ne jurait que par les « prompts »; la rédaction de la commande à l’IA était une compétence obligatoire pour utiliser au mieux Chat GPT ou Gemini. En 2025, si on a bien compris le fonctionnement du modèle d’IA utilisé, c’est lui qui rédigera son propre prompt… aussi, la formation suivie hier sera vite obsolète… Il faudrait donc déjà se remettre en question alors que pour beaucoup de professionnels et d’organisations, on n’a même pas encore commencé à s’y mettre!
A ll’été 2024, le groupe IA & Tourisme a eu l’excellente idée de lancer un sondage pour voir où en étaient les acteurs du tourisme par rapport à l’IA. Les résultats sont éloquents :

Ce sondage avait été rempli par 300 personnes, au Québec et en Europe, dont on peut imaginer qu’elles avaient déjà quelque intérêt pour le sujet. Et il montre l’éloignement important du sujet (72% des répondants ont très peu ou pas de connaissances!).
Il est heureux que le groupe IA & Tourisme ait pris l’initiative de renouveler le sondage cette année, ce qui permettra de savoir comment les choses ont évolué dans la profession. Est-ce que un an après, les acteurs du tourisme auront fait évoluer leur niveau de connaissance ?
Aussi, chers lecteurs du blog etourisme.info, je vous invite à répondre à ce sondage (temps de réponse estimé à 5 minutes). L’observation de l’utilisation de l’IA dans le tourisme est un sujet essentiel pour notre industrie, afin de voir comment les TPE, majoritaires dans notre activité peuvent être accompagnées pour se saisir du meilleur de l’IA tout en évitant le pire…