Un Labo de l’Accueil pour cogiter

Publié le 29 janvier 2018
7 min

Les aménagements et agencements des offices de tourisme ont un schéma des plus classiques, dans les standards d’un lieu d’accueil : du personnel, un espace conseil avec ou sans comptoir, un espace information avec des présentoirs, un espace détente ou d’attente, un back-office, parfois un espace boutique. Pour arriver à ce schéma, nous passons par le cahier des charges transmis à des concepteurs via un appel d’offres ou autres dispositifs.
Avant tout cela, que se passe-t-il ?  Comment sont intégrées les problématiques d’usages ? Comment prendre en compte les besoins des usagers internes et externes au lieu ? Comment le futur lieu aménagé s’intègre au territoire ou à l’univers de la destination ? Comment penser ce lieu modulable et évolutif en fonction de la période ?
Et pour répondre à ces questions, quel espace de dialogue existe-t-il entre office de tourisme, collectivité, concepteurs, clients, collaborateurs ?

Ces questions, c’est l’esprit du Labo de l’Accueil qui s’est tenu la semaine dernière. Cette journée rassemblait une trentaine d’architectes, designers, concepteurs, agents de collectivités, animateurs de réseaux et offices de tourisme. La prochaine fois, nous y mettrons des voyageurs, promis ! L’objectif était de croiser les regards et phosphorer sur des problématiques d’aménagements en s’appuyant en partie sur des méthodes utilisées en User Experience. Je ne vais pas vous faire le compte rendu de la journée et des idées trouvées lors des ateliers collaboratifs mais je vous partage bien volontiers quelques principes et retours d’expériences de trois intervenants.

L’évolution dans les approches de conception

Les consommateurs que nous sommes tous sont confrontés quotidiennement à des produits et services qui ont été conçus avec différentes approches de conception. Axel Johnston de Akiani _ qui a travaillé aussi avec la commission prospective Office de tourisme du futur http://officedetourismedufutur.fr _ est revenu sur ce point qui nous renvoie à nos produits du quotidien.

Ceux de la génération « Produit first » : l’objectif vise avant tout un produit fonctionnel et efficace.
Ceux de la génération « Design first » : l’objectif est alors d’avoir des produits jolis et désirables mais parfois des usages moins fonctionnels. Exemple de l’Apple Mouse en rechargement…
Ceux de la génération « Usager first » : l’objectif est de « Penser besoins » et ces derniers évoluent dans le temps pour un même usager.

Qui sont les utilisateurs ? Quels sont leurs besoins ? Dans quels contextes y aura-t-il des usages ? Cette logique est la même pour tout produit, service et lieu pour lesquels il y a une interaction avec les usagers. Les offices de tourisme inclus.

Nous sommes ainsi aujourd’hui à la croisée des aspects Fonctionnels / Utilisables / Fiables / Désirables.

Fonctionnels – Utilisables – Fiables – Désirables

Quatre adjectifs qui résonnent bien au-delà de la simple question des aménagements d’offices de tourisme mais, au Labo de l’Accueil, les participants ont pris le temps de formuler les pires expériences que nous faisons vivre aux usagers. Je vous en propose un florilège, c’est la partie récréation de l’article…

Nous avons de belles vitres… mais ce ne sont pas des portes ouvertes. Mes clients s’en souviennent après coup(s).

La banque d’accueil prend énormément d’espace et ne laisse pas d’espace suffisant aux clients.

L’entrée principale donne accès à un accueil général avec l’administratif et la billetterie puis une deuxième partie après un couloir proposant de l’information touristique… aucun bonjour, aucune signalétique, un client paumé et mal accueilli.

L’office de tourisme a un espace fortement éclairé et une deuxième salle sombre. Cette salle a une fosse intégrée à la scénographie. Le changement de luminosité ne permet pas de voir le trou et il y a(vait) des chutes.

On propose du wifi mais pas de débit suffisant.

Mon espace wifi est pensé comme un espace convivial avec canapé, une table ronde mais l’internaute veut en fait de l’intimité dans son utilisation.

Nous avons une borne tactile à l’extérieur de l’office sauf qu’un malin y a mis Candy Crush.

Nous avons des écrans situés dans un endroit où nous pensions que les visiteurs regarderaient. Raté.

Je n’ai pas de place mais tous mes murs sont occupés par des papiers. C’est la dictature des prestataires locaux, la crainte de changer.

Quand l’office de tourisme est fermé, les clients nous voient dans la partie back office et expriment leur mécontentement en restant dehors.

(Vous en voulez encore … ?)

Mon espace est restreint, nous avons optimisé les lieux au maximum mais au final, je ne peux pas mettre de sièges confortables pour les conseillers derrière le comptoir.

On a un gros flux et beaucoup d’attente des clients. Les équipes font de l’abatage.

C’est l’été et il pleut, tous les clients se massent dans ma « commune-destination ». Ils arrivent bien énervés après des problèmes de stationnement et de circulation.

Une vingtaine de clients ont réservé une visite guidée et stationnent dans l’office en l’attendant alors que le flux est déjà énorme.

Mes toilettes sont dans l’office de tourisme, cela génère un trafic important et une logistique de nettoyage pour mes équipes.

Nous avons un système de consigne utilisable avec de la monnaie… mais nous n’avons pas de monnaie.

Il y a des demandes de billetterie pour des offres de la destination voisine et je dois inviter les clients à faire 20 km pour aller chez les collègues.

Le cadre est posé. Il y a donc matière à réfléchir sur un certain nombre d’usages. Un bon nombre d’entre vous se sont certainement reconnus dans ces expériences. Pourtant, cela fait peut-être 5-10-15-20 ans que vous les partagez et cherchez à les modifier. Avec quelles méthodes trouver des solutions ?

L’exemple du Challenge Gare Partagée pour accélérer les idées

Le Challenge Gare Partagée a été organisé en 2017 par la SNCF avec un soutien d’animation du collectif Ouishare. Marie-Gabrielle Favé de Ouishare nous a exposé, lors du Labo de l’Accueil, le principe de la nouvelle édition de cette opération qui a pour but de trouver de nouveaux usages aux gares. Suite à un appel à candidatures, des start-ups proposent des concepts et solutions pour imaginer et concevoir de nouveaux rôles et services aux gares d’Ile de France. Si elles sont retenues après pré-sélections et pitchs, elles passent à la deuxième étape : un accélérateur de projets pendant trois jours réunissant entreprises, usagers, collectivités, experts. A la fin, les lauréats pourront s’installer dans l’une des gares et déployer leur solution.

Deux aspects importants m’ont particulièrement marqué. Il ne s’agit pas de créer des services qui se dupliqueront systématiquement mais bien de créer des offres de services adaptés selon les lieux, les fréquentations et l’environnement des gares. On reparle encore une fois ici de contexte d’utilisation. Il y a également une approche pluridisciplinaire forte avec un travail de sourcing précieux en amont.

Ce challenge est un concept très intéressant de par son animation et son aspect transposable. Il fait écho à notre sujet des offices de tourisme qui restent très standardisés dans l’approche du lieu d’accueil alors que les offices de tourisme doivent poursuivre leur mutation.

Vous venez de vous regrouper ? Des offices de tourisme trop peu fréquentés vont fermer ? D’autres vont devoir se faire une beauté tout en se ré-inventant ? Vous fermez tout et vous vous appuierez sur les partenaires ?
Vous tenez peut-être là votre Labo de l’Accueil Local ou votre Challenge Accueil Partagée.

L’environnement de l’office de tourisme de Val de Garonne

A force, je ne sais plus si nous devons réellement parler d’office de tourisme pour cette structure et son équipe. Je la nommerais bien « pépinière de concepts ».  Vous avez déjà entendu parler de cet office de tourisme « comme à la maison » sorti de chantier il y a 7 ans maintenant. Justement, nous avons demandé à Marion Oudenot-Piton, chargée de développement, où on en était après toutes ces années. Le concept se décline, ou plutôt la dynamique créative se répand, toujours autour de valeurs de partage, de collaboration extra-touristique et d’expérimentation.

L’esprit « comme à la maison » a pris forme hors les murs dans une épicerie locale d’abord, devenue relais d’information pendant deux ans. L’année dernière, une bulle d’immersion touristique a été installée à la coopérative viticole locale reprenant les codes du concept de l’office mais ré-adapté au lieu. Le dernier venu est un office de tourisme mobile pensé pour le confort des collaborateurs et pour la découverte des voyageurs. Véritable cabinet des curiosités ambulant, pensée avec les futurs usagers, la remorque déploie notamment ses espaces en actionnant simplement un levier.

Dans les tuyaux, le projet d’un non-office de tourisme dans une commune du territoire. Mis en stand-by depuis près de deux ans, le projet est de nouveau sur les rails. Ce lieu totalement hybride aura de nombreux services pour les locaux et les voyageurs mais il ne sera pas géré par l’office de tourisme pour laisser libre cours aux idées de tout horizon.

Les ingrédients : tout un environnement qui s’est construit avec le temps. Pas de challenge en trois jours ici mais une mutation de longue traine de plus de 7 ans impliquant les équipes, les usagers et les acteurs locaux.
Un environnement propice pour s’inspirer de tous les secteurs, créer sans copier, se donner le droit de se tromper, adapter et s’adapter, puis recommencer…

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Stimuler, écouter, conseiller, animer, former, partager, apprendre... est mon quotidien professionnel appliqué au secteur de la formation et du tourisme. Il s'agit de favoriser l'adaptation des compétences, des missions et des organisations en perpétuelle transition. Depuis 2009 au sein de la Mission des Offices de tourisme de Nouvelle-Aquitaine (MONA), son directeur depuis 2020, les secteurs d'interventions et d'exploration évoluent continuellement : transition managériale, transition numérique, transition durable, marketing de services, [...]
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