La valeur de l’existence* ou comment rendre compte des impacts environnementaux de nos politiques touristiques ?

Publié le 1 décembre 2021
4 min
Source : Pixabay

Ceux à quoi nous tenons ? C’est une bonne question quand on voit le déséquilibre entre les 3 dimensions du développement durable des territoires touristiques. Pour rappel le tourisme émet selon l’ADEME, 11% de gaz à effet de serre , 8% du PIB et selon l’UNAT, plus d’un français sur trois ne part pas en vacances. De coup, qu’est-ce qu’on attend, il y a urgence (climatique) d’agir ?

Toujours plus de clichés sur le tourisme durable

Sans se perdre dans les études sur les aspirations des touristes à consommer responsable (on est d’accord pour se dire que « oui nous aimerions voyager durable ») mais entre les intentions et la réalité, les freins à passer à l’acte persistent :

  • Ça coûte cher ;
  • Ce n’est pas confortable (le débat sans fin « les toilettes sèches, ça pue ») ;
  • J’ai peur de me faire avoir et l’effet du greenwashing ;
  • Je ne veux pas tomber sur une communauté de militants extrémistes ;
  • Je ne sais pas où trouver l’information ;
  • Je fais attention toute l’année et je veux me détendre pendant mes vacances bien méritées.

C’est sûr qu’avec ces arguments, on ne va pas aller très loin, mais il a tout de même urgence. Je vous invite à lire la synthèse du rapport du GIEC à l’intention des décideurs sortie cet été ou encore de lire (attentivement) les articles de Bon Pote très accessibles.

Culture des indicateurs et quête de performance

Hormis les fausses bonnes excuses pour ne pas se lancer, réside le constat du comment faire ? Comment mesurer nos effets et de manière générale de mesurer la performance de nos politiques publiques sur les territoires touristiques ? La performance touristique, souvent enfermée dans le prisme économique et financier, n’est-elle par la finalité de toute organisation ? La performance enregistre un résultat accompli à l’instant T en référence à un contexte, à un objectif et à un résultat attendu quel que soit le domaine. Pour être piloter cette performance doit être mesurée et afin d’être au plus proche des enjeux organisationnels nous invitant à faire du sur-mesure. Qui dit mesure dit indicateur qui renvoie à un instrument servant à fournir des renseignements sur la valeur d’une grandeur. Un bon indicateur se veut mesurable, observable, contrôlable, simple, clairement défini et facile à comprendre (SMART). Ce ne sont pas les guides méthodologiques qui manquent sur le sujet. Le réseau ATD vient de lancer sur guide méthodologique proposant 10 indicateurs de durabilité pour les OGD. On peut citer le guide l’OMT très complet, la monographie de l’OCDE, les normes GRI, …

Guide ATD sorti lors des universités du tourisme durable 2021

Une fois cette acculturation aux indicateurs faite, la question de la faisabilité de la mesure de nos performances reste problématique :

  • On n’a pas forcément d’accès à la donnée et surtout on ne sait pas toujours comment la traiter ;
  • A quelle échelle territoriale doit-on mesurer cette performance ?
  • De quels moyens avons-nous besoins pour regarder le poids et les spécificités du tourisme (technique, financier et temporel) ?
  • Et surtout quelles sont les finalités managériales et quelles sont les mesures correctives prises par les décideurs ?

De l’impact à la performance environnementale du tourisme

J’ai travaillé cette année sur les impacts environnementaux traduits dans un méta-tableau d’une trentaine d’indicateurs spécifiques à l’environnement organisés :

  • Par sujet : eau, énergie, déchet, air, aménagement, biodiversité, nuisance ;
  • Par finalités managériales : de moyens (input), de résultats (output), d’effets (outcome) ;
  • En intégrant : des critères de mesure (calcul, ratio touristique, seuil d’intensité), les références (sources, outils, accès à la data), les effets (direct ou non, positif ou pas, les acteurs concernés et l’incidence sur l’attractivité) ainsi que les verrous méthodologiques identifiés auprès des territoires et les mesures correctives pouvant être prises.

Encore faut-il que ces indicateurs soient parlants nécessitant ainsi une traduction en équivalent : en CO2, en euros, en gestes au quotidien, …

Mon convertisseur de CO2

Le changement c’est maintenant

Au lieu de compter notre performance, si on la racontait ? Déjà je vous invite à débloquer des moyens de sensibilisation et de formation au tourisme durable et pas uniquement le mi-temps dédié sur cette question, cette acculturation doit concerner l’ensemble des équipes et infuser les missions régaliennes des OGD. De quoi rendre fière votre équipe à faire partie d’une organisation engagée et de les fédérer autour de la transition de nos métiers. Comme ça été dit au congrès d’ADN tourisme à Agen « le tourisme sera responsable ou ne sera pas » !

Ensuite il convient de lancer une démarche RSE interne à votre organisation : faire l’état des lieux de vos bonnes pratiques, identifier vos freins et leviers d’actions pour les traduire dans une stratégie et plan d’action orienté démarche de progrès. Vous pouvez trouver pas mal d’outils sur internet, vous faire accompagner par un expert, la MONA vient de sortir sur guide des bonnes pratiques dans le cadre de son programme ADDES (animation durable des destinations en Nouvelle-Aquitaine).

Guest & strategy lance sa charte RSE

Une fois votre engagement en interne réalisé, vous serez davantage légitime face à votre écosystème touristique, notamment les socio-professionnels et la finalité de sensibilisation des visiteurs.

Enfin, je vous incite fortement à participer à une Fresque du climat qui est un outil d’éducation à l’environnement. C’est une association créée par Cédric Ringenbach, ingénieur et spécialiste des questions climatiques, qui de manière participative nous invite à relier les causes et les conséquences de l’activité humaine dans le dérèglement climatique. D’ailleurs, je souhaiterai leur proposer une Fresque du tourisme (car elle se décline sur l’eau, le numérique, l’agriculture, …).

Des intéressé.e.s pour cogiter avec moi sur cet outil dédié au tourisme ? La perche est tendue 😉

*Alexandre Rambaud, maitre de conférence en comptabilité, particulièrement inspirant et je vous invite à le suivre sur LinkedIn (titre de sa thèse soutenue en 2015 : La valeur de l’existence en comptabilité : pourquoi et comment l’entreprise peut (p)rendre en compte des entités environnementales pour « elles-mêmes » ?)

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Dans un secteur touristique en développement continu, il est indispensable d'accompagner les professionnels vers un tourisme raisonné et responsable. Je me décris comme une apicultrice de projets touristiques en transition. J'aime aller m'inspirer ailleurs et je prône la politique du petit pas (penser global et agir local). Je prépare actuellement une thèse doctorale sur la "gouvernance de la performance publique, management hybride de la performance globale pour les OGD".
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