Tourisme urbain : la capitale n’est plus le point capital

Publié le 7 mars 2018
5 min

Une fois n’est pas coutume, ce matin encore je vais gentiment « taper » sur nos amis Parisiens. Même si la Ville Lumière demeure de loin la plus visitée, les flux touristiques en France et en Europe apparaissent de plus en plus diffus et élargis dans les capitales de province. Toutes proportions gardées, l’heure de la revanche des régions a enfin sonné. Comment y sont-elles parvenues ? Retour sur trois règles « capitales » qui ont fait leurs preuves et déjà séduit des dizaines de millions de citybreakers… 

RÈGLE NUMÉRO 1 : SOIGNER SON CAPITAL BEAUTÉ

Bordeaux, Nantes, Montpellier. Trois villes à taille humaine et autant de métamorphoses réussies. Leur point commun ? Un centre-ville rénové, qui fait la part belle à la mise en valeur du patrimoine bâti et historique, près desquels les quartiers modernes et “verts” se multiplient. Placemaking oblige.

Les voitures ont été chassées des Place de la Comédie bordelaise et montpelliéraine pour laisser libre court à la flânerie et aux transports doux. Symbole de ce changement, le tramway héraultais a été élu le plus sexy d’Europe selon le New York Times. Le design différent des quatre lignes (c’est à ça qu’on les distingue !) fait référence aux quatre éléments. Les dernières rames sont signées Christian Lacroix. On a demandé au célèbre designer d’associer l’art contemporain avec le développement urbain et social.

Les tramways de Montpellier designés par Christian Lacroix

Toujours à Montpellier, je me souviens également de l’aménagement de l’esplanade Charles de Gaulle, qui invite à la promenade dans un environnement paysagé…

Maigre réalisation face à la rénovation des 4,5 km des désormais célèbres quais de Bordeaux, qu’on ne présente plus. La ville la plus tendance du monde selon le Lonely Planet en 2017 (entre autres distinctions) voyait jadis ses restaurants fermés au mois d’août. C’est aujourd’hui une période immanquable pour l’ensemble des professionnels de l’hôtellerie-restauration. En Gironde aussi, le tramway se fond à merveille dans le “décor” en connectant tous les lieux d’intérêt..

Sur l’Île de Nantes, les friches industrielles des quais ont également laissé place à une floraison de restaurants, bars et lieux d’expression artistique. La capitale de Loire-Atlantique a été élevée au rang de ville la plus agréable par le magazine Time en 2014, notamment pour la qualité de ses espaces verts.

Le Grand Éléphant, une des « machines » de l’île de Nantes

RÈGLE NUMÉRO 2 : RENFORCER SON CAPITAL ACCESSIBILITÉ

Nul besoin de revenir sur l’intérêt des vols low-cost pour le développement touristique des villes de taille intermédiaire. C’est une réalité aujourd’hui démocratisée. La question qui nous intéresse à présent : Peut-on voyager plus loin en partant de plus près ? Ce reportage diffusé récemment dans le 20h de TF1 nous explique comment il sera possible demain de rallier Bordeaux à New York en vol direct et pour 200€ seulement. Je vous le résume : Airbus teste en ce moment l’A321 neo Long Range, un modèle ultra-économe en carburant, dont la capacité n’excède pas les 240 passagers. Un système gagnant-gagnant qui légitime l’arrivée de longs courriers sur des hubs de villes moyennes comme Bordeaux ou Nice.

Un projet qui en enjaille plus d’un !

Côté SNCF aussi, on a mis les gaz ! Propulsée en 2013 à grand renfort médiatique, l’offre OuiGo a depuis étendu sa desserte dans la plupart des régions, à des prix défiant toute concurrence (10€, 20€…). Avec son système de réservation 100% en ligne, le TGV low-cost fait le bonheur des jeunes et des moins jeunes, dont beaucoup déclarent qu’ils n’auraient pas voyagé en empruntant la gamme de trains classique. 

BlaBlaCar n’a qu’à bien se tenir ! Cela dit, le covoiturage préserve son avantage concurrentiel de connecter des villes mal desservies. Il permet aussi de pouvoir voyager d’une région à l’autre sans passer par… devinez où ? 😀

Moralité → Dans les airs, sur les rails ou sur la route : Quand l’offre croise intelligemment la demande, chaque destination devient facilement accessible…

RÈGLE NUMÉRO 3 : ATTIRER PAR SON CAPITAL CONTENU

La notion de tourisme de contenu

C’est sur cet aspect-là que l’évolution de l’offre est la plus intéressante à décrypter. En marge d’une conférence de presse en octobre dernier, le président de l’office de tourisme de Bordeaux mettait en avant la réussite d’un “tourisme de contenu”. Au-delà du cadre urbain à admirer, la métropole a su rayonner par son réveil artistique, gastronomique et événementiel. Le sens caché derrière ces mots ? Proposer des contenus qui ne sont pas destinés à l’usage exclusif des touristes, c’est justement ce qui leur plaît ! Car le touriste n’aime pas être pris pour un touriste. En multipliant les “tiers-lieux” et autres espaces de coworking, d’autres métropoles provinciales ont déjà gagné le pari de provoquer les rencontres espérées entre voyageurs (d’affaires mais pas que) et habitants.

Crée l’événement !

Strasbourg est officiellement la “capitale de Noël” depuis 1992. La fête des lumières de Lyon s’exporte à l’étranger, de Leipzig à Zigong en passant par Dubaï. La désignation de “capitale européenne de la culture” (Lille 2004, Marseille 2013…) est l’occasion pour l’heureuse élue d’engager des opérations de renouvellement urbain; ce qui profite également à enjoliver son image et sa stature internationale.

La capitale alsacienne est « the place to be » au mois de décembre

Du contenu physique au contenu numérique

Qu’il s’agisse de conquérir ou de fidéliser une clientèle, la tendance est résolument à mettre du côté des vidéos de destination. Dans son dernier clip promotionnel, Gironde Tourisme mise sur l’émotion en capturant “Toutes les scènes de vos vacances”, jouées par deux protagonistes amoureux.

Mention spéciale à Cherbourg, récemment primée aux 2èmes Trophées de la vidéo touristique et culturelle, pour son teaser de la Biennale du 9ème art.

Gare aux retardataires ! Les vidéos équivalent à 70% de tout le trafic internet. La dernière étude Cisco prédit que la barre des 80% sera atteinte en 2021.

Travailler avec les influenceurs, les journalistes (notamment internationaux) et les habitants sont désormais affaires courantes dans les stratégies numériques des OGD. La vidéo, et plus largement les contenus numériques, constituent un outil “capital” de votre stratégie. Jouez sur l’affect de vos visiteurs, écrivez et mettez en scène votre propre storytelling. Partez du client en trouvant les mots et les images de ses aspirations et de ses rêves qu’il peut, sans mentir, réaliser chez vous.

LE REFLET D’UN SENTIMENT GÉNÉRAL

Tout compte fait, la popularité des capitales de province n’est pas seulement à mettre sur le compte de l’activité touristique. Les régions urbanisées connaissent une croissance économique et démographique, souvent conséquente aux “rêves de carrière” de l’archétype du cadre Parisien. Que voulez-vous, on trouve toujours l’herbe plus verte ailleurs que chez soi. Y compris à Guingamp ou à Brive-la-Gaillarde.

Le tourisme est le reflet des mutations de notre société.

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Étudiant en Master 2 AGEST à l'université Bordeaux-Montaigne, Charles est passionné par les métiers du tourisme institutionnel. Assistant relations presse et réseaux sociaux à l'OT de Bordeaux Métropole (2017). Assistant mission plan stratégique de l'OT (printemps-été 2018). 
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