Incitations au tourisme de proximité : faut-il subventionner ? Exemples canadiens

Publié le 14 avril 2021
7 min
Source: Unsplash

Pour mon premier article sur ce blogue, je vous emmène au Québec – et un peu au Canada – avec un regard sur des programmes publics de stimulation du tourisme domestique. Rien de révolutionnaire sur le principe, mais c’est une première intéressante chez nous qui mérite le partage et le suivi des impacts préliminaires.

Avant même la pandémie, les destinations déployaient déjà des efforts pour stimuler le tourisme intérieur; son importance pour l’économie régionale est vitale. Comme partout ailleurs, le Québec a redirigé ses investissements promotionnels vers la clientèle québécoise. Dans le cadre d’un plan de relance de l’activité touristique à l’été 2020, le ministère du Tourisme du Québec mettait en place, en juin dernier, trois programmes visant à inciter les Québécois à planifier des séjours dans leur province.

Que peut-on dire de leur popularité jusqu’à maintenant et devrait-on penser à les pérenniser au-delà de la pandémie?

Le regroupement d’attraits

Le Passeport Attraits est une initiative permettant de réduire le coût d’accès aux attraits touristiques du Québec à raison d’un rabais de 20 % à l’achat d’un passeport pour deux attraits, de 30 % pour trois attraits et de 40 % pour quatre attraits. Le programme gouvernemental compense les attractions participantes pour le rabais accordé aux consommateurs. Ainsi, le client obtient un rabais incitant à l’achat, mais l’entreprise reçoit 100 % de son droit d’admission. Sa gestion a été confiée à l’association Événements Attractions Québec, mais ce sont les gestionnaires d’attraits qui doivent se regrouper pour créer un passeport, le faire approuver et le vendre directement sur la billetterie en ligne de l’un d’entre eux (qui devient responsable de déclarer les ventes et de réclamer la compensation).

Il n’aura fallu que trois mois pour écouler l’enveloppe initiale de compensation de 5 M$ (plus ou moins 3,4 millions d’euros) grâce à la vente de plus de 100 000 passeports. Devant ce succès, le ministère du Tourisme a réinjecté 8,7 M$ supplémentaires en septembre dernier. À ce moment, on estimait les dépenses associées à cette mesure à 28,8 M$. (Avis aux lecteurs québécois, le programme est toujours ouvert et il est temps de soumettre des offres de passeport pour la saison estivale 2021!).

Cette mesure a certainement eu des impacts très positifs. Si l’on estime un rabais moyen de 30 %, le consommateur aura nécessairement déboursé l’autre 70 %. Bien que certains attraits eussent été visités sans la présence de ce programme, l’achalandage a certainement été stimulé et d’autres attraits faisant partie du passeport ont ainsi été découverts. Selon les estimations du gouvernement sur les dépenses associées, le jeu en valait la chandelle.

Les échos qu’on peut entendre de la part des gestionnaires semblent aller de « bon » à « fantastique », certains ayant vendu un très grand nombre de passeports, d’autres beaucoup moins. Ce programme demande aux gestionnaires d’attraits, du moins au leader d’un passeport, de disposer d’une billetterie en ligne, ce qui n’est pas encore le cas de tout un chacun. La pertinence des alliances entre les attraits, autrement dit la valeur créée, est certainement un facteur de réussite. Une plateforme Web les regroupe tous, mais plus de filtres me sembleraient utiles.

La question sera de savoir si ce programme perdurera au-delà de la saison estivale 2021 comme outil de rétention des clientèles québécoises au moment de la réouverture des frontières… Aussi intéressant pour les touristes que pour encourager les locaux à découvrir les attraits autour de chez eux (et être de meilleurs ambassadeurs de leur destination), ce principe partenarial me semble à poursuivre. L’implication prolongée des instances publiques est-elle essentielle au-delà de la relance du tourisme ? Le retour sur investissement semble, en tous les cas, nettement favorable.

Le Québec en forfaits

Explore Québec sur la route consiste en un soutien financier offert aux agences de voyages, voyagistes et réceptifs pour la création de forfaits vers les régions du Québec, sans transport aérien. Les agences intéressées doivent soumettre une proposition de forfait d’au moins deux nuitées à l’Association des agences réceptives du Québec. Les forfaits retenus sont offerts aux Québécois avec une réduction équivalente à 25 % du prix de vente courant.

Le réseau de distribution – qui connaît une diminution de 90% de ses activités par rapport à 2019 – fonctionne de manière bien différente et ce programme a connu un démarrage plus lent. D’abord, la création de forfaits nécessite habituellement entre 4 et 6 mois et, bien que des agences aient rapidement réussi à organiser des offres, leur mise en marché au cours de l’été ne correspondait pas au moment de planification des vacances des Québécois. De plus, la consigne de ne pas effectuer de promotion touristique ne facilite pas les choses, et de façon générale, les Québécois ont moins l’habitude de traiter avec une agence pour réserver des vacances au Québec. Enfin, ce type de voyage est souvent conçu pour les groupes, ce qui était impossible l’an passé, et le sera fort probablement cet été aussi.

En septembre 2020, seulement 5% de l’enveloppe de 10 M$ avait été dépensé, pour 3700 forfaits vendus et des retombées de 3,2 M$. Ces données seront certainement complètement différentes à l’avenir puisque que les agences ont eu le temps de créer des forfaits (plus de 800) pour cet hiver et cet été. Les ventes battent apparemment leur plein et Explore Québec était déjà la page Web la plus consultée sur le site provincial Bonjour Québec durant l’été 2020.

Les retombées financières demeurent donc à préciser, mais des impacts positifs se font déjà sentir :

  • Les agences de voyages et la clientèle FIT se rencontrent enfin;
  • La clientèle des agences de voyages qui s’envole habituellement vers les destinations soleil se fait aujourd’hui proposer des offres au Québec et redécouvre la variété des forfaits (vacances de golf, de vélo, croisière, etc.);
  • La mesure a démontré la capacité des agences à se réinventer et à devenir B2C, conservant ainsi une partie de leur expertise.

Bien que l’on souhaite que le programme s’assouplisse légèrement – par exemple, l’obligation d’un forfait d’au moins deux nuitées ne répond pas bien au besoin des Québécois dans les régions urbaines – et qu’il atteigne un pourcentage de rabais équivalent au Passeport Attrait, on espère bien qu’il perdurera. On souhaite aussi qu’il s’applique aux voyageurs internationaux lors de leur retour chez nous (doigts croisés) à l’hiver 2021-2022.

Les parcs nationaux

Un petit mot sur la troisième mesure, la carte annuelle du réseau Sépaq, qui consistait à octroyer un rabais de 50 % sur la carte annuelle d’accès aux 24 parcs nationaux du Québec pour 12 mois. L’enveloppe gouvernementale de 5 M$ a été écoulée en 3 jours, 143 000 cartes ont été vendues. Les dépenses touristiques en lien avec ce programme ont été estimées à 21,3 M$. Les frais d’accès dans les parcs nationaux du Québec peuvent être un frein, surtout si l’on doit ajouter le coût de certaines activités ou de location d’équipement. Bref, un rabais est toujours bienvenu et 74 % des détenteurs en étaient à leur 1er achat de carte annuelle Sépaq. Cette mesure aura notamment permis de faire découvrir le réseau de parcs à de nouvelles clientèles.

Source: Unsplash

En amont

Les mesures québécoises ont la particularité de s’appliquer en amont des séjours et non sous la forme de remboursement après le séjour ou en crédit d’impôt.

À titre comparatif, chez nos voisins du Nouveau-Brunswick, le programme d’incitation au voyage Explore NB permettait aux résidents de la province de présenter une demande de remboursement de 20 % pour les dépenses de vacances admissibles faites dans la province jusqu’à concurrence de 1000 $ au cours de l’été. Il semble avoir bien fonctionné, plus de 25 000 demandes de remboursement ont été formulées. Le renouvellement de ce programme pour l’été 2021 n’était pas confirmé au moment d’écrire ces lignes. Le gouvernement peine à traiter les demandes de remboursement reçues, seulement le quart avaient été traitées le 13 janvier dernier.

Ailleurs au Canada, aucun autre programme n’a été déployé, mais des discussions sur de possibles remboursements d’impôts ont cours.

L’approche québécoise « en amont » me semble intéressante puisqu’elle encourage la planification et la réservation. Si les escapades et les vacances ou des visites dans sa propre province se décidaient habituellement à la dernière minute, la tendance de ce printemps est plutôt à la réservation considérant l’expérience de l’an passé alors que de nombreux lieux de vacances affichaient complet. 

Tout ce beau monde (re)découvre la province et devient de meilleurs ambassadeurs

Ces coups de pouce au tourisme de proximité semblent donc bénéfiques. Ils ont contribué à une mobilisation des acteurs de l’industrie touristique qui a tout lieu de perdurer et à la réappropriation du Québec par les Québécois. L’implication – dans sa forme actuelle ou une autre – du ministère du Tourisme demeurera un facteur de réussite et de retombées économiques.

Encourager le tourisme intérieur, n’est-ce pas favoriser l’achat local et une consommation plus durable?

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