Et si on développait la “touristhérapie” ?

Publié le 7 août 2023
3 min

Cet article d’Amélie Perrin a été publié en avril 2023 sur le blog.

On parle beaucoup des nouvelles tendances au slow tourisme, de la volonté des voyageurs de partir à la rencontre des habitants. La plupart du temps, on se place naturellement sous le spectre du touriste et de ce que l’échange avec l’habitant peut lui apporter. C’est dans ce cadre que j’ai pu lire l’expression “touristhérapie”, faisant référence au fait que le tourisme serait une forme de thérapie personnelle. 

En utilisant spontanément cette expression, je pensais plutôt à ce que le touriste peut apporter à la population locale. J’écrivais le mois dernier un article sur ma recherche de sens dans nos métiers du tourisme. Mon idée était pour les suivants de mettre en lumière des projets qui donnent une dimension positive au tourisme, afin de continuer ma quête de sens et de vous la faire partager. 

Deux jours plus tard, je me rendais à Chambéry pour un workshop international (qui a suscité à nouveau de nombreux doutes dans mon esprit). Arrivée à la résidence dans laquelle l’assistante de direction m’avait réservé une chambre via Booking, je découvre qu’il s’agit en fait d’une résidence services pour seniors. Je discute un moment avec la directrice de l’établissement qui m’explique ce concept hybride de mixité touristes / séniors, et tout le bien que l’ouverture à l’extérieur peut apporter aux personnes âgées, souvent isolées. 

J’ai été saisie par cette idée qu’on ne réfléchit peut-être pas assez à ce que les touristes peuvent apporter aux populations locales (cette question existe bien dans les travaux de recherche mais plus souvent sous le prisme du touriste occidental qui voyage dans les pays en développement). Pour en  savoir plus sur la démarche de la Villa Sully et sa philosophie, je me suis entretenue avec le directeur régional. Il ne s’est pas caché qu’il ne s’agissait pas au départ d’une motivation purement philanthropique, mais d’une idée pour occuper les chambres vacantes dans les différentes résidences du groupe. 

Les appartements sont de haut standing, spacieux, tout équipés, domotisés et donc totalement adaptés aux publics en situation de handicap. Les résidences sont dotées d’une conciergerie et d’un service de restauration et sont situées dans des villes à forte fréquentation touristique. Tous les ingrédients étaient donc réunis pour pouvoir diversifier l’activité et assurer une occupation partielle des appartements vacants. Le groupe a donc testé une présence sur Booking l’été dernier et se dit très satisfait de l’expérience. Outre le CA que génère cette diversification, ils notent qu’elle apporte de la notoriété à leur résidence (pour sa fonction initiale de résidence de services pour séniors), de la mixité, de l’envie et de l’emploi. Pour les résidents, d’une part, cela permet de croiser un public différent, cela leur apporte de la vie, du dynamisme. Pour le personnel d’autre part, ce nouveau public apporte une autre forme de contact et de gestion au quotidien. Enfin, il faut souligner que ces résidences, en cours de labellisation PMR, sont complètement adaptées à ce public qui jusqu’ici, et malgré les gros efforts entrepris par les professionnels du tourisme ces dernières années, reste limité dans le choix en hébergements.

Ce que je retiens personnellement de ce concept, c’est la mixité des publics. Je lisais dans mes échanges avec la directrice de l’établissement de Chambéry un grand enthousiasme, tant pour elle et son équipe, d’être au contact de personnes différentes et venues d’ailleurs, que pour les résidents. Je l’ai sentie très soucieuse d’instaurer des temps de partage pour ce public souvent trop isolé. 

Même si le concept n’est pas totalement exploité par la Villa Sully à ce jour, il insuffle l’idée que nous pourrions explorer davantage les pouvoirs des échanges entre touristes et populations locales, non pas uniquement pour ce que cela apporte au touriste, mais pour tout ce que la rencontre peut apporter aux locaux, en dehors du gain financier. 

On pourrait imaginer créer des espaces d’échanges entre touristes et habitants pour permettre à des publics ciblés de bénéficier des échanges avec ces personnes venues d’ailleurs. La piste des personnes âgées mériterait d’être creusée, tout comme pourraient l’être celles des personnes en situation de handicap ou les scolaires, tout spécialement un public défavorisé n’ayant pas lui-même accès aux vacances. 

Je concluerai en citant Jean-Didier Urbain : « Le touriste, même le plus suiviste, est un agent de valorisation du pays qu’il découvre. C’est un naïf dans le bon sens du mot. Il s’extasie devant les moindres coutumes qui paraissent banales et quelconques aux habitants. »

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Diplômée de l’ESTHUA de l'Université d'Angers en conduite de projets touristiques, Amélie Perrin a d'abord été chargée de promotion pour l'Agence Touristique de la Touraine Côté Sud à Loches. Elle est ensuite partie en Inde s'occuper d'une association humanitaire, et a vécu deux ans en Chine où elle était lectrice de français à la Faculté de Tourisme de l'Université de Ningbo. Après une expérience de directrice d'office de tourisme dans [...]
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