L’OGD qui devient une entreprise sociale…

Publié le 28 septembre 2022
5 min

C’est l’histoire d’une organisation de gestion de la destination ayant un modèle commercial traditionnel qui devient une entreprise sociale, où l’objectif premier est de réinvestir tous ses revenus de manière à générer des retombées sociales sur le territoire. Dans l’industrie du tourisme, il s’agit d’une toute nouvelle façon de fonctionner. Ce virage s’est accompagné d’un changement de nom : 4VI succède ainsi à Tourism Vancouver Island. S’il est encore tôt pour observer les impacts, l’idée de base – améliorer la qualité de vie de la région – est bien louable. 

Source: Unsplash

D’où cela vient-il ?

L’organisation a 60 ans. Les 50 premières années furent axées sur la promotion et le marketing – avec un succès mesuré en nombre de visiteurs et en dépenses. Tourism Vancouver Island a ensuite évolué pour donner la priorité à la planification et au développement de la destination.

Il faut dire que la destination est convoitée. Le tourisme a généré 22 milliards de revenus en 2019 et représente 130000 emplois. Le territoire est sauvage, grand comme la Belgique et fragile (ne le sont-ils pas tous?). Au début de l’été, l’île se préparait à accueillir des millions de touristes (4,4 millions en 2014), dont près d’un million de passagers débarquant des 360 navires de croisière accostant dans le port. Cet afflux ne passe pas inaperçu auprès d’une population d’environ 864 000 personnes, dont des communautés autochtones. Pas de répit pendant la pandémie : les restrictions de voyage ont généré une affluence massive de voyageurs nationaux, soit une hausse de 16 % de l’achalandage par rapport aux années précédentes, et une forte pression sur les communautés locales.

De plus en plus, l’OGD constate que des résidents et des entreprises se demandent de plus en plus comment le tourisme peut contribuer à faire un endroit où il fait bon vivre… C’est donc en réponse à cette dichotomie que l’OGD a revu son modèle d’affaires.

Qu’est-ce que ça signifie exactement?

Une entreprise sociale est une entreprise génératrice de revenus dont l’objectif est d’avoir des retombées sociales. 4VI soutiendra quatre piliers de la responsabilité sociale, notamment : les communautés, les entreprises, la culture et l’environnement. L’organisation veut s’employer à trouver un équilibre entre la rentabilité commerciale et ces piliers. « Nous souhaitons être les conseillers touristiques respectés de l’île et des investisseurs dans des projets bénéfiques pour la destination et ses habitants », exprime Anthony Everett, président et chef de la direction de 4VI (traduction libre).

Avec ce nouveau modèle d’affaires, 4VI veut se donner les moyens de contribuer directement à générer des impacts positifs et durables sur la destination.

Dans le cadre de son engagement envers le tourisme durable, l’organisation a récemment reçu la certification Biosphere du Responsible Tourism Institute et est devenu signataire de la Déclaration de Glasgow sur l’action climatique dans le tourisme, deux reconnaissances qui se traduisent par de nombreuses actions à mettre en place.

Les défis et prochaines étapes

Pour réussir dans cette nouvelle mission, l’OGD doit trouver des ressources financières. Le financement actuel, issu des communautés locales et des agences gouvernementales, est lié, notamment, à des mandats de services de conseil, de marketing et de recherche. Or, la nouvelle entité vise à investir environ les trois quarts des bénéfices de l’organisation dans des activités de responsabilité sociale. Des projets sont déjà en cours ou dans les plans, tel le nettoyage des débris océaniques, la création d’un institut de tourisme responsable ou des travaux sur l’impact des navires de croisière. 4VI s’activera donc à générer davantage de revenus autonomes, à être moins dépendant des aléas politiques, pour être plus libre d’investir selon ses valeurs.

Ils doivent également continuer à développer une expertise interne et des services. Ce virage et cette expertise ouvrent 4VI vers des partenariats locaux et régionaux, mais également internationaux pour soutenir le développement durable des territoires. 4VI espère générer des revenus de ce partage d’expertise et les réinvestir sur l’île.

Autre défi de la nouvelle organisation : la communication et l’éducation des partenaires et de la communauté sur son nouveau rôle. En tourisme, il n’y a pas une seule personne responsable et le changement nécessite la construction d’une vision partagée grâce à la collaboration entre les secteurs. Le PDG souligne l’importance de travailler de près avec les partenaires et de faire comprendre que l’atteinte d’un meilleur équilibre social signifie qu’il faut renoncer à quelque chose.

Et concrètement…?

Les actions de l’OGD ne changent pas du tout au tout, mais ce qui les motivent n’est plus le même but qu’avant. 4VI gérera toujours des projets marketing et effectuera un travail de conseil, mais ces efforts seront étroitement orientés vers les nouvelles valeurs. Il s’agit toujours d’un modèle entrepreneurial, mais tous les revenus seront réinvestis dans des efforts de responsabilité sociale ou auprès d’organisations qui œuvrent dans le même dessein.

Il s’agit d’orientations ambitieuses, mais à cette étape de la nouvelle entité, peu d’information est encore disponible sur ce que ça implique concrètement ou sur les impacts. Difficile de dire aujourd’hui jusqu’où ira le réel virage.

Selon Jonathan Day, professeur associé à Purdue University’s White Lodging-J.W. Marriott Jr. School of Hospitality and Tourism Management, le changement est important parce qu’il revient sur le « pourquoi » d’une OGD et tente de définir ce que le tourisme apporte de réellement positif pour un territoire. « Ils déclarent clairement qu’ils ne sont pas là que pour servir les touristes et les hôteliers, mais pour améliorer la qualité de vie, et que leur outil est le tourisme » souligne-t-il.

Source: HelloBC.com

Un modèle à reproduire?

Bien que la destination de l’île de Vancouver ait sa réalité unique, tant en termes de territoire que de gouvernance, cette évolution force la réflexion.

Selon le PDG de Travel Foundation, Jeremy Sampson, il s’agit, à sa connaissance, de la première décision de ce type pour une OGD. Il croit que cette approche, dont le but principal est d’avoir un impact social positif plutôt que de se concentrer uniquement sur les indicateurs économiques, sera un exemple phare de l’innovation des modèles d’affaires. Les OGD et les entreprises touristiques reconnaissent déjà l’importance d’un tourisme durable et commencent à mesurer le succès à travers de nouveaux indicateurs. Sampson s’attend à ce que « ceux-ci deviennent encore plus courants alors que les voyageurs, les investisseurs, les gouvernements et les employés commencent à exiger plus de transparence et de nuances sur l’impact à la fois positif et négatif du tourisme ».

Est-on réellement prêt à assumer les conséquences – déstabilisantes au départ, bénéfiques à long terme – d’un changement de paradigme? Si 4VI réussit à faire évoluer l’activité touristique sur son territoire afin qu’elle profite à l’ensemble de la communauté autant qu’aux entrepreneurs, ce sera un bel accomplissement. Un modèle à reproduire alors ? Peut-être. À surveiller? Certainement!

Sources :

Douglas Magazine. « Tourism Vancouver Island’s Industry-Leading Transition Helps Local Businesses Thrive », juin 2022.

Haugen, Joanna. “4VI Creates New Model for Destination Marketing Organizations bu becoming a Social Enterprise”, Sustainable Brands, 20 juin 2022.

Girma, Lebawit Lily. “Early Lessons From Vancouver Island Tourism’s Shift From Marketer to Social Enterprise”, Skift, 18 juillet 2022.

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