L’innovation territoriale, créatrice de valeurs pour les projets touristiques

Publié le 8 février 2023
6 min
Source: Ciedel

L’innovation ce n’est pas juste la tech, l’invention ou la modernité. Petit rappel de cours d’économie et de la définition de l’innovation selon Schumpeter. Il s’agit « des nouveaux objets de consommation, des nouvelles méthodes de production, des nouveaux marchés, des nouveaux types d’organisation », innovations de produit, de procédé ou d’organisation donc. Côté territoire, les bretons excellent en matière d’innovation territoriale. J’ai participé au Design sprint organisé par le service tourisme du Conseil régional de Bretagne et son accélérateur des transitions touristique : le Ti Hub. J’y ai découvert BERNARD CUBIQUE, leur outil d’intelligence collective créé pour accompagner l’élaboration des futurs contrats entre la Région et les Destinations touristiques.

Design thinking vs design sprint

Dans la famille « design » je demande la mère « thinking ». Le design thinking c’est une « méthodologie innovante qui permet de transformer les idées et les projets en actions réelles et en prototypes tangibles », l’objectif final étant de booster sa créativité et penser usager. Je vous invite à découvrir le travail du collectif KLAP.IO et leur boite à outils et ouvrages que j’utilise souvent en animation. Le design thinking s’appuie sur 3 concepts : l’humain au cœur des réflexions, l’intelligence collective et l’expérimentation.

Le double diamant du design thinking (source : Onopia)

On distingue par ailleurs 4 grandes étapes dans le design thinking dans un but d’itération (répétition de phases successives de construction incrémentale) :

  • L’immersion : plonger dans l’univers utilisateur et comprendre ses comportements (carte de l’empathie) ;
  • L’idéation : identification d’un problème et de solutions possibles ;
  • Le prototypage : rendre tangible les pistes de solutions avec des critères pertinents pour leur mise en œuvre ;
  • Le test : confronter le prototype aux utilisateurs et ajuster les solutions.

Toujours dans la famille « design », je demande cette fois-ci, le fils « sprint ». Le design sprint est « un processus d’aide à la décision et un accélérateur de projets stratégiques ». Il est fortement inspiré du design thinking, la finalité étant de répondre à une problématique de façon concrète par un prototypage rapide. Il permet de créer et tester des idées sur un temps court, généralement des ateliers étape par étape. C’est un processus accéléré particulièrement efficace, notamment en limitant les incertitudes face à une solution du fait du délai bref des ateliers en sprint.  Cette méthode parait donc particulièrement adaptée pour le Ti Hub.

Innovation territoriale à la sauce bretonne

On parle d’innovation territoriale pour une innovation au bénéfice d’un territoire y compris dans son organisation structurelle ou politique. Une nouveauté qui transforme positivement et socialement les territoires. Il existe différentes phases dans la processus de création et d’adoption d’une innovation territoriale :

  • L’invention (en réponse à un besoin et un problème) ;
  • La conception et l’expérimentation (esquisse d’un projet) ;
  • Favoriser l’appropriation (la finalité d’une innovation étant de créer un changement profond qui nécessite de tester et ajuster le projet auprès des usagers dans une logique d’amélioration continue) ;
  • La promotion et diffusion (démultiplier les usages, standardiser la solution dans les normes sociales).

Pour revenir à nos bretons (un peu de chauvinisme ne fait pas de mal !), Laurence Giuliani avait déjà brossé un joli portrait des enjeux de l’innovation territoriale à la suite des rencontres du tourisme en Bretagne de 2022 dans son article à lire et relire !

Ti hub, c’est la cellule d’accélération des transitions touristiques du service tourisme de la région Bretagne encadré par Stéphane Cevoz, un vrai développeur territorial dans l’âme ! Une belle équipe projet pour créer une culture de l’innovation, rassemblant des designers (Maxime Le Corre designer en UX et Anne Le Gars designeuse en biomimétisme) et d’experts extérieurs comme Evelyne Maitre – experte en ingénierie territoriale, Emmanuel Bobin de l’Open tourisme lab ou Ludivine Seulin du Louvre Lens. La région Bretagne a fait sa tournée des destinations touristiques version design sprint en vue d’accompagner, aux côtés des territoires, l’émergence de projets qui seront demain accompagnés par la Région.

Photo : Jessica Viscart, directrice adjointe du CRT Bretagne

Cette volonté forte de la région Bretagne de travailler main dans la main avec les destinations touristiques est à souligner. La région Bretagne et son Ti hub, contribuent à faciliter la mise en œuvre de projets novateurs par une compétence coordonnée des acteurs (et non partagée) avec pour fil conducteur : la transition et l’identité bretonne, comme le souligne très bien Ronan Le Baccon – directeur de la « direction tourisme et patrimoine » au Conseil régional.

L’identité : une première session de travail autour de la notion d’identité a permis de déterminer, par territoire, les clés permettant de singulariser l’offre au regard des valeurs et spécificités locales. Dans un premier temps, les acteurs des Destinations ont été invités à croiser ces clés avec les thématiques qu’elles envisageaient de travailler (itinérance, nautisme, patrimoine, etc.) pour penser des projets uniques, attachés aux valeurs de leur territoire.

S’agissant de l’élaboration des nouveau contrats pluriannuels de développement touristique entre les 10 destinations touristiques et la région Bretagne, l’exercice portait spécifiquement sur des projets d’aménagement, d’équipement et d’infrastructure ou sur un support de pratiques novateur. L’atelier s’est fini par la production de fiches-projet reprenant le descriptif et le concept du projet (esprit, ambition, déclinaison possible, contextualisation et singularisation).

Quand Bernard cubique apporte de la valeur aux projets

La seconde session du design sprint à laquelle j’ai participé, a permis d’affiner les fiches-projet existantes, en intégrant la notion de besoins usagers et de valeurs de projet.

  • Besoins fonctionnels (détail des fonctionnalités attendues) liés à une prestation (hébergement, restauration, activité, mobilité, information) et à une cible client ;
  • Besoins sensoriels et émotionnels générateurs d’expérience (lâcher prise, quête d’une aventure unique, être en phase avec la nature, revenir à l’essentiel, se reconnecter avec l’humain, transmettre et partager, appartenir à un groupe, …).
Le fameux Bernard Cubique

Une fois ce travail réalisé, les fiches peuvent partir chez Bernard… Cubique (seuls les vrais comprennent !). En effet, petit clin d’œil au bernard-l’ermite, crustacé qu’on trouve facilement en Bretagne. Sa version « cubique » créée pour l’occasion, est un outil d’intelligence collective reprenant les différentes valeurs d’un projet sous forme de jeu de l’oie. Et on est loin de valeurs uniquement économiques (merci <3) ! 40 questions pour finir le jeu et s’assurer des bénéfices globaux du projet.

  • Valeurs d’expérience (à quels besoins répond le projet et comment répond-il à une expérience globale de l’utilisateur) ;
  • Valeurs identitaires, de singularité et de différenciation (l’identité de la destination est-elle suffisamment différenciatrice pour attirer des clientèles et de potentiels investisseurs ) ;
  • Valeurs sociétales (intérêt pour les habitants et lien avec les dynamiques locales existantes, inclusion et accessibilité, bien-être des salariés et collaborateurs) ;
  • Valeurs environnementales (impacts sur les milieux, la biodiversité et les paysages, adaptation aux aléas climatiques, performance énergétique, triptyque circularité / fonctionnalité / sobriété) ;
  • Valeurs économiques (retombées économiques, création d’emploi).

La fin de la seconde session, mais pas des moindre, était dédiée aux modèles de déploiement du projet : nature du projet, emprise foncière, implication possible de la collectivité, notoriété de la destination pour la recherche d’investisseurs, partenariat public-privé, gouvernance, enjeux d’attractivité territoriale, aspect R&D.

La dernière session qui aura lieu en mars, portera sur les indicateurs et critères d’octroi et éligibilité des subventions de la région aux destinations touristiques pour financer et soutenir des projets d’aménagement novateurs et à impact positif.

Bravo à la région Bretagne et à son service tourisme et au Ti Hub, pour le travail de concertation avec les destinations ! On est impatient de voir ce qui ressortira de ces ateliers. Un grand merci à Stéphane Cevoz responsable Ti Hub pour le challenge d’intervenir en BZH (à Brest même), merci à Audrey Bouvard – responsable tourisme et Ronan Le Baccon – directeur tourisme et patrimoine de la région, pour leur invitation. Clin d’œil à Pauline Cornée pour nos échanges riches et passionnants sur la transition des OGD.

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Dans un secteur touristique en développement continu, il est indispensable d'accompagner les professionnels vers un tourisme raisonné et responsable. Je me décris comme une apicultrice de projets touristiques en transition. J'aime aller m'inspirer ailleurs et je prône la politique du petit pas (penser global et agir local). Je prépare actuellement une thèse doctorale sur la "gouvernance de la performance publique, management hybride de la performance globale pour les OGD".
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