De la place des femmes dans le tourisme institutionnel

Publié le 13 novembre 2023
7 min
Les grands enseignements des Rencontres du etourisme institutionnel 2023, suite et fin, après les billets de Jean-Luc Boulin sur les intelligences et de Jean-Baptiste Soubaigné sur les transitions vues par le prisme des mobilités, nous clôturons ici le cycle par la thématique « Meufs ».

Qu’a-t-on dit et qu’en a-t-on retenu ?

UNE CONF’ DE MEUFS EN PLéNIèRE

Depuis quelques temps, les ET s’ouvrent par des prises de paroles qui ont vocation à donner le ton de l’édition et à poser les bases des thématiques, reprises sous forme de parcours au gré des ateliers et des 15 chrono des 2 jours.

Ainsi, le public des Rencontres a-t-il pu se familiariser avec la notion de sexisme ordinaire et questionner la place des femmes dans le milieu du tourisme institutionnel, lors d’une conférence à 4 voix que vous pouvez visionner sous ce lien.

Les objectifs de cette conférence :
– prendre conscience de l’existence du sexisme et de sa quotidienneté dans nos métiers,
– comprendre en quoi il s’agit d’un système culturel fortement ancré depuis 2000 ans (emoji bleu d’effroi),
– décrypter les ressorts sociétaux qui ancrent les femmes et des hommes dans des rôles sociaux prédéterminés depuis l’enfance,
– identifier comment le sexisme ordinaire se traduit dans nos organisations du travail et empêche les femmes d’exprimer le meilleur d’elles-mêmes, voire de s’exprimer tout court.

Atelier « Femmes, je vous like »
par Cécile Valero – Studio Avéré

Réseaux sociaux et féminisme font-ils bon ménage ?
Quand on pense aux raids de masculinistes, au cyber-harcèlement ou encore aux filtres « beauté » qui déforment l’image de soi, on pourrait penser que non… Et pourtant ! Facebook, Instagram, X (ex-Twitter) et consorts ont permis ces dernières années de donner la parole à des personnes invisibilisées par les médias traditionnels en échappant partiellement aux stratégies de contrôle du patriarcat (source : HCE). Tout n’est pas rose sur les internets : c’est un fait. Cependant les réseaux sociaux ont permis d’avoir des représentations féminines plus justes, plus vraies et plus honnêtes. Les femmes ont la possibilité, ici, de se représenter telles qu’elles le souhaitent, dans toute leur diversité. 

Les fonctionnalités les plus récentes comme le canal Instagram ou les serveurs Discord permettent d’avoir des espaces de discussion restreints, plus « safe » pour s’exprimer, échanger en toute liberté ou diffuser des ressources. Entre les lives Twitch d’une voyageuse solo, une vidéo TikTok sur des recommandations de destinations touristiques pour les femmes et la nouvelle application Threads qui permet d’avoir des échanges d’égal à égal avec sa communauté : les réseaux sociaux permettent aux femmes de créer des contenus qui leur ressemblent, qui génèrent un fort sentiment de sororité et facilitent l’accès à l’information. L’objectif ? Demain, tous en formation pingouins.

Un exemple concret dans le secteur du tourisme : Olivia Mahieu, blogueuse voyage / rédactrice / formatrice, s’est rendue compte que les femmes de 45 ans et plus étaient complètement absentes de l’espace médiatique. Non pas parce qu’elles avaient subitement disparu, mais parce que personne ne leur donnait la parole ! Elle a donc créé un canal Instagram #InvisiblesNonMerci avec des ressources pédagogiques et son cheminement personnel, elle réalise des interviews de femmes de 45 ans et plus pour parler de leur métier et leurs projets (qui sont nombreux !), et elle envoie également une « newsletter pas sage » pour aller plus loin sur ces réflexions. Un sujet qui résonne fortement chez sa communauté, qui ressent aussi ce besoin de voir des femmes qui leur ressemblent voyager, écrire, travailler, rêver… À quand une destination qui s’engage sur ces sujets, et représente dans sa communication digitale des « vraies » personnes ?

Pour tout savoir sur ce sujet, écoutez le podcast de l’atelier de Cécile.

Atelier « Le voyage solo au féminin »
par Sophie Moreau – We Bloom

Loin du cliché de la jeune et jolie voyageuse partant sac à dos faire le tour du monde, le voyage solo au féminin représente aujourd’hui pour les destinations touristiques un véritable marché à conquérir. Or ce marché a pendant fort longtemps été complètement ignoré. C’est ce que sont venues nous partager lors de cet atelier en plein air, Méryl Piau et Angèle Pelé qui ont fait leur mémoire de recherche sur ce sujet*.

L’histoire du voyage a été racontée à travers une multitude de récits d’hommes aventuriers. Or de nombreuses femmes ont dépassé aussi les limites de ce qui était possible à leur époque. Ce fut le cas de Jeanne Barret, première femme exploratrice et botaniste à avoir fait le tour du monde de 1766 à 1769 ou de Nelly Bly, journaliste d’investigation ayant fait le tour du monde en 72 jours en 1889.

Méryl et Angèle ont constaté dans leur enquête menée auprès de plus de 400 femmes, que les femmes françaises sont de plus en plus nombreuses à souhaiter partir voyager seules. Mais elles se heurtent à de nombreux freins. Elles ne sentent pas libres de voyager où elles le souhaitent, ni de pratiquer les activités qu’elles souhaitent (pour des raisons principalement de sécurité). Et quand elles sont prêtes à passer le pas, elles rencontrent de nombreux freins venus de leur famille, de leurs amis, de la société tout entière qui ne voit pas toujours d’un bon œil cette émancipation de la femme.

Il y a un vaste chantier à engager sur ce sujet pour les destinations touristiques, que cela soit dans l’accompagnement des hébergeurs à mettre en place des actions sécurisant les femmes dans leur établissement, dans le déploiement d’actions de rassurance pour que cela soit “safe” d’emprunter les chemins de rando, de vélo ou même de participer à des évènements en solo et qu’une communication engagée soit développée pour montrer en toute transparence la réalité de ce qui attend les femmes sur place. 

* “Voyager seule. L’émancipation et la place des femmes françaises au travers du voyage en solitaire et du prisme du genre”

Crédit Maria Alberola

Atelier « Liberté, égalité, sororité », par Claire Louërat

Comment travailler l’égalité femmes-hommes dans sa structure ? Une fois la prise de conscience passée, comment mettre efficacement en place des mesures qui permettent d’y parvenir ?

Petit rappel sous forme de définition de l’égalité professionnelle, qui se traduit par « l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes en termes d’accès à l’emploi, à la formation, à la mobilité, à la promotion et en termes d’égalité salariale ».

Voici quelques idées ou outils à s’emparer pour travailler sur les questions d’égalité professionnelle femmes-hommes dans son entreprise touristique :

  • Calculer son index d’égalité professionnel pour faire le point sur la situation
  • Faire apparaître les avantages au sens large de son entreprise (mutuelle, dispositifs sur la mobilité, déplacements, régime de retraite, espace de détente, etc.) sur son site web ou dans ses offres d’emploi
  • Être attentif.ive à la sémantique utilisée dans ces offres d’emploi. Pour éviter les biais de genre subtils, faites le test du décodeur de genre
  • Lors des entretiens d’embauche, éviter les dérivés sexistes
  • Sensibilisez vos équipes au sexisme par le biais de formations, de conférences, de temps d’échanges, de workshops ou via des dispositifs ludiques comme la fresque du sexisme.
  • Dans votre communication grand public ou corporate, mettez en avant des profils féminins pour les rendre visibles
  • Lors de vos rencontres professionnelles, invitez plus de femmes à prendre la parole lors des tables rondes ou des ateliers. On peut retrouver des expertes sur de nombreuses thématiques touristiques chez les femmes du tourisme ou les mountain sisters
  • Dans la négociation salariale, les femmes sont en reste puisqu’elles demandent moins d’augmentations salariales que les hommes. Alors, mettez en place des outils d’objectivation : commissions ou outil de suivi d’écarts des salaires entre femmes et hommes
  • Proposez des actions simples de parentalité apaisée : éviter les réunions avant 9h ou après 17h, favoriser la flexibilité chez les hommes (pour donner par répercussion plus de flexibilité à la femme ou à l’autre personne du couple), espaces intimes pour tirer son lait, services mutualités d’espaces colis, de paniers du marché, etc.

Vous voilà devenu.e un.e pro de l’égalité femmes-hommes en entreprise ! Et comme dit la formule célèbre : « on ne naît pas (féministe), on le devient » ; il est important de se questionner, de s’informer et d’échanger sur ces sujets pour monter en compétences collectivement, en commençant naturellement par regarder le replay de l’atelier de Claire.

LA Cerise sur le sundae féministe :
le 15 chrono de Sébastien Garcin

Non content.e.s d’avoir visionné l’intervention de Sébastien, vous pourrez continuer à le suivre via Héraclès, sa newsletter féministe à destination des hommes, où il décode des notions telles que le mansplaining, le concept d’allié, et tant d’autres encore.

TOU.TE.S DES ALLIé.E.S !

Notre intention en bâtissant ce parcours « meufs », c’était qu’on y aille toutes et tous ensemble, et cette intention a été formulée collectivement par la vingtaine de personnes présentes lors des Campus des ET en mars dernier.

Nous avons eu énormément de retours de la part de nombreux personnes, femmes et hommes, pendant et après ces Rencontres.

Nous avons vu que certain.e.s ont été touché.e.s personnellement.

Nous avons vu qu’il y avait eu des prises de conscience, sur le côté anodin des choses, sur des comportements considérés comme normaux tant ils sont habituels.

Nous avons vu que ça avait généré de la discussion dans des équipes.

Nous sommes conscient.e.s que ce n’est pas un sujet facile, qui doit prendre le temps d’infuser, qui doit se digérer. Maintenant il est de notre ressort à toutes et tous de continuer à s’informer, à observer, à se questionner, à changer les codes, à essaimer autour de nous pour que demain le sexisme ordinaire ne soit réellement plus un sujet.

Signé les meufs, dans un formidable exercice d’autodérision :
Sophie Moreau, Cécile Valero, Claire Louërat, Laurence Giuliani
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Laurence Giuliani dirige Akken, agence de production sonore pour les destinations touristiques et les lieux de culture. Anciennement responsable d'un Office de Tourisme en milieu néo-rural (ou péri-urbain, comme vous voulez), manager d'artistes, productrice en label indépendant, Laurence cultive la curiosité comme carburant du quotidien. Ses marottes : le son, le tourisme culturel et le "komorebi", cette lumière qui filtre entre les arbres, comme des fêlures de timidité entre les [...]
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