Miroir, miroir, dis moi quel « survivor » je suis ?

Publié le 13 avril 2018
6 min

« Koh Lanta », « Pékin Express », « Alone », « À l’état sauvage », “Wild”: les émissions de survie ne cessent de croître. Chaque pays a ses variantes. Les aventuriers, les professionnels de la survie, comme Mike HORN, Bear GRYLLS ou Nicolas VANNIER, sont de plus en plus mis à l’honneur. Les Ironmans, les treks jugés impossibles à terminer, attirent de plus en plus de participants. Pour les moins entraînés, les courses folles apparaissent partout, sous le nom de « Frappadingue », ou « La Boueuse ». De plus, les séries post-apocalyptiques où la survie est constante, se multiplient. L’Homme se sent déconnecté de la nature, incapable de survivre (en dehors de la jungle urbaine).

Toutes ces observations m’amènent à poser une question : sommes-nous en mal d’aventure ? La réponse est oui, et cela profite au secteur touristique.

En dehors du phénomène des « backpackers » qui partent à l’aventure avec leurs sacs à dos. Il semblerait que ce contexte soit à l’origine d’un nouveau marché touristique (juteux ?), celui des stages et voyages de survie !

La survie : une offre encadrée

Aventurier ? Oui !  Mais pas tout seul…

C’est en partant à l’aventure sur internet, que j’ai découvert à ma grande surprise qu’il existe déjà une multitude d’offres de stages et voyages de survies. Des opérateurs ou des particuliers, se sont même spécialisés dans cette thématique. Ci-dessous, on peut observer un échantillon de l’offre disponible.

Ainsi, l’agence Survivor Attitude annonce la couleur. Les visuels sombres et mystérieux, nous promettent une immersion en milieu sauvage. Ils nous promettent d’en baver !

Ainsi, une question me vient à l’esprit : pourquoi ? En dehors de ceux qui souhaitent se préparer à un éventuel cataclysme, ces séjours servent à se tester, à dire “je ne suis pas une chochotte ! ”, puis à crier “maman !”. Ils servent également à “remettre les pieds sur terre” en s’immergeant dans la nature, à reconsidérer sa place d’Homme vis-à-vis des forces de l’univers, etc, etc.

Au passage, notons que cette aspiration à tester la survie semble très Occidentale. Il n’y a que des personnes dont la sécurité physique et alimentaire, est assurée, qui peuvent aspirer à ce genre d’expérience. Outre cette prise de conscience, la survie ne s’improvise pas. En effet, elle a son lot de dangers. Prudence ! Une petite confusion sur un champignon ou une plante sauvage, et vous connaîtrez le même sort que Christopher McCandless, dans Into the wild.

De fait, beaucoup souhaitent se faire accompagner par des professionnels, d’où la naissance d’opérateur tel que Survivor Attitude. Dans ce cadre, vous ne payez pas le petit-déjeuner, ou le nettoyage de vos draps, mais bien l’encadrement du professionnel.

À titre d’exemple, vous pouvez prétendre à un stage de survie encadré de 3 jours, avec l’agence Kazaden, pour 159 €. Néanmoins, il est paradoxal de souligner qu’en théorie, la survie ne coûte rien, mais qu’il faille payer pour en faire l’expérience.

Aventures “soft” pour tous les budgets

Pour ceux qui sont en panne de budget, mais qui souhaitent tout de même partir à l’aventure, sans pour autant chasser du gibier, et dormir sur de la mousse, vous pouvez toujours vous inspirez auprès de la communauté Chilowé, qui prône les valeurs et bienfaits de la “micro aventure”.

Phénomène de mode, ou tendance qui va se développer ?

Bien qu’il s’agisse pour l’instant d’un marché de niche, ces stages et voyages de survie séduisent déjà des groupes de professionnels et des particuliers. En effet, les professionnels viennent fédérer leurs équipes autour d’un feu de camp. Les sportifs viennent tester leurs limites. Les parents viennent faire dormir leurs enfants à la belle étoile, et leur faire découvrir les plantes comestibles.

Quelle évolution de l’offre ?

Notons que le facteur “nature”, oriente plutôt ces offres vers les espaces à dominante rurale et montagneuse. De fait, cette nouvelle tendance pourrait générer de nouveaux flux dans ces espaces, bien qu’à priori cela ne profiterait qu’indirectement aux hôteliers et restaurateurs. Mais peut-être que bientôt, au même titre que l’on réserve une excursion en canoë-kayak, nous pourrons prévoir une “nuit de survie” durant notre séjour (s’agirait-il toujours de survie ?).  Nous évoquions en début d’article, le développement des courses “déjantées” sur le territoire. Pourquoi ne pas rebondir sur cette thématique de survie pour développer des offres complémentaires en terme d’animations, et d’activités durant le week-end de la course : un « week-end survie » pour préparer la course (ou en complément de celle-ci), des activités ludiques pour les enfants, etc.

Pour les budgets les plus importants, on peut imaginer que l’expérience de survie sera peut-être poussée à l’extrême, agrémentée de sensations fortes, et encadrée individuellement par des pointures du domaine (ancien militaire, aventuriers reconnus, etc.). Ou bien, la survie se fera dans des conditions “toilettées”, qui assureront un minimum de confort, voir de luxe. L’association de ces concepts est-elle possible ? La magie du tourisme et l’imagination de l’Homme peuvent nous surprendre.

Survivre à nos pires cauchemars !

En parlant d’associations folles et d’imagination, l’évolution de la réalité augmentée, de l’intelligence artificielle, le phénomène de gamification, et l’expansion des sagas de sciences fiction, constitueront peut-être, le terreau d’une nouvelle offre de loisirs et de tourisme, façon WestWorld.

Pour ceux qui ne connaîtraient pas, WestWorld est une série de science-fiction diffusée par HBO. WestWorld est un parc d’attractions dernier cri, où les visiteurs s’immergent dans un décor de Far West, afin de revivre la conquête de l’Ouest Américain. Les visiteurs sont “déguisés” en cowboys ou demoiselles de l’époque, afin de se fondre dans une ville peuplée d’androïdes à apparence humaine, persuadés d’être humain. Ces entités robotiques n’ont aucune conscience de la mascarade qui les entoure. Le principe est simple, les visiteurs viennent assouvir leurs fantasmes, vivre une fusillade ou une course-poursuite à cheval. Ces aventures au sein du parc, leurs sont ouvertes comme des niveaux de jeux vidéos qu’il s’agirait de débloquer, en rencontrant l’un des personnages du parc. Les sensations et émotions sont réelles, néanmoins, à l’instar des androïdes, les visiteurs ne peuvent être tués. Ils sont à mis-chemin entre l’aventure et la survie, bien qu’ils ne craignent pas de perdre la vie.

Alors, fiction ou réalité ? L’éternelle question reste de savoir est-ce l’Homme qui nourrit la science-fiction ou la science-fiction qui nourrit l’Homme. Toutefois, notons qu’il existe déjà un parc “The Walking Dead” à Hollywood, dans lequel il s’agit de fuir des hordes de zombies, dans les décors les plus effrayants de la série. À ce jour, les zombies ne sont que des figurants très bien maquillés, mais qui nous dit qu’avec les progrès de la réalité augmentée, et celle de l’intelligence artificielle, influencés par les jeux vidéo et saga post-apocalyptiques, certains ne seraient pas tentés de créer des parcs à la Hunger Game, ou à la West-World ? Qu’il s’agisse de zombies ou de tribus qui s’affrontent, le thème reste le même : la survie. Vous n’y croyez toujours pas ? Pourtant, si ça vous intéresse, vous pouvez plonger dans le passé, et vivre “l’expérience Goulag”, grâce au parc à thème “Soviet Bunker”, en Lituanie. Au programme : simulations d’interrogatoires par des agents du KGB, essayages de masques à gaz, fouille au corps et visite d’un bunker.

In fine, cette thématique de la survie est investie de façon plutôt classique pour l’instant, mais elle offre des perspectives de développement assez “inédites”, notamment au travers des parcs à thèmes. Peut-être que d’ici quelques décennies, il ne s’agira plus de survivre à la nature, mais bien de survivre à nos pires cauchemars, comme dans l’épisode « Playtest »,  de la série Black Mirror !

Dans ce scénario, le héros est directement confronté à ses phobies, grâce/à cause d’une puce connectée à son cerveau. Le personnage est placé dans un décor physique réel, mais dans lequel il affronte des « apparitions » simulées, grandeur nature. Actuellement, des scientifiques et professionnels du jeux vidéo travaillent déjà sur cette combinaison cerveau/ordinateur/réalité augmentée.

En somme, dans une société du spectacle, ne peut-on pas imaginer que les “consom’acteurs” souhaiteront  bientôt intensifier l’expérience, quitte à rentrer à la maison avec quelques bleus (dans un premier temps). Rappelons-nous qu’en l’an 105 avant J.C, les combats de gladiateurs étaient autorisés publiquement, et que ce spectacle soulevait les foules ! Pour l’instant soufflez, tout cela n’est qu’un mauvais rêve !

Et vous, quel “survivor” êtes-vous ? 😉

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Étudiante en Master 2 AGEST (Aménagement et Gestion, d'Equipements, Sites et territoires Touristiques), c'est son amour pour les territoires et sa fibre créative qui l'ont motivé à intégrer cette formation. Originaire des Landes, Mérédith aime les bonnes choses et la convivialité. Titulaire d'une licence en géographie, elle est passionnée de nature et de paysage.
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