Viennez donc, mais sans vos smartphones !

Publié le 17 décembre 2018
3 min

La ville de Vienne, celle en Autriche, précisons-le, est réputée pour être paisible, avec ses célèbres cafés et pâtisseries, ses valses, son opéra et ses musées. Mais l’Office de Tourisme n’hésite pas à jouer de cette réputation et de ses valeurs pour de temps en temps faire le buzz.

L’an dernier, une exposition consacrée au peintre Egon Schiele avait beaucoup fait parler d’elle autour de sa communication, la prude Albion ayant décidé de censurer les « nus » faisant la promotion de l’événement sur des affiches. La réplique autrichienne ne s’était pas faite attendre avec de nouvelles affiches cachant les parties les plus intimes et rappelant ainsi le caractère subversif de l’artiste à son époque.

Les affiches de l’exposition dans le métro londonien.

Cette année, Vienne a de nouveau pris pour cible Londres ainsi que ses voisins allemands avec une campagne anglophone et germanophone lancée en novembre sous le slogan « See Vienna. Not #Vienna ». Dénommée « Unhashtag Vienna« , elle bénéficie d’une présentation complète en ligne.

Tout a commencé en live au célèbre Musée du Belvédère, où la Joconde locale est « Le Baiser » de Klimt. La vidéo ci-dessous nous montre l’opération consistant à mettre en place une copie du tableau sur lequel est superposé un immense hashtag… à la surprise des visiteurs ! Le vrai tableau avait quant à lui était déplacé dans une salle voisine.

S’en est suivi une campagne d’affichage stigmatisant les comportements « instagram », peu en adéquation avec les valeurs de la destination.

Une opération de comm’ bien réussie au vu de la couverture presse, et qui continue de la différencier de ses concurrentes voisines et plus lointaines. Mais cela reste de la « comm' » bien entendu, car dans le même temps, le compte Instagram de l’Office de Tourisme, avec ses 107 000 abonnés, continue d’inciter fièrement au partage avec les hashtags #ViennaNow et #ViennaGoForIt. On vous propose néanmoins de passer à l’Office de Tourisme pour vous prêter une sorte de polaroïd, qui ne vous permettra de ne prendre QUE 10 photos… mais je n’ai pas trouvé de retours sur les résultats de cette offre.

Car si la clientèle éprise de culture et de lenteur qui semble correspondre à Vienne pourrait tout à fait se retrouver dans ce manifeste anti-igers, il en est tout autrement de ceux que l’on appelle par commodités les « millenials ».

Une petite recherche sur Google démontre bien que le sujet fait largement réfléchir depuis deux ans, et que le réseau social est aujourd’hui un canal de promotion et de communication indispensable dans le secteur du tourisme. D’ailleurs, Binic, Amsterdam, Versailles, ou la Finlande, pour ne citer que les premiers qui sont sortis lors de ma recherche, font partie des nombreuses destinations à avoir créé sur leur site une page dédiée à l’instagrammabilité de leur territoire. C’est devenu une contrainte intégrée au cahiers des charges des designers et architectes, comme l’illustre ce témoignage du Club Med dans Tourmag., ou encore ce billet sur l’avenir du retail où l’on voit bien que l’instagrammabilité d’un magasin devient de plus en plus importante. Tout cela au risque de collecter des centaines, voire milliers, de clichés similaires, pris au mêmes endroits, avec les mêmes filtres, comme l’évoquait François dans ce billet.

Je vous invite également, si vous ne l’avez pas encore fait, à visionner le récent ID Talks de Guillaume Cromer sur ce même sujet.

Alors au final, la cohabitation entre Instagramers et contemplateurs va-t-elle finir par poser souci ? Faut-il créer des « Instagram Places » pour « parquer » les « Instamalades » et éviter de perturber les hédonistes ? L’opération viennoise n’est-elle qu’une campagne de comm’ sans aucun fond ou cherche-t-elle réellement à modifier nos comportements ? La clientèle qui passe 10mn à shooter son assiette, son profil, à t’envahir ton champ de vision de son smartphone quand tu cherches juste à profiter d’un concert a-t-elle définitivement pris le dessus ?

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Ludovic a démarré sa carrière en Auvergne, à l’Agence Régionale de Développement, puis dans un cabinet conseil sur les stratégies TIC des collectivités locales. Il a rejoint en 2002 l’Ardesi Midi-Pyrénées (Agence du Numérique) et a plus particulièrement en charge le tourisme et la culture. C'est dans ce cadre qu'il lance les Rencontres Nationales du etourisme institutionnel dont il organisera les six premières éditions à Toulouse. À son compte depuis [...]
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