Tourisme & adaptation au changement climatique

Publié le 14 mars 2022
7 min

Le GIEC a sorti le 2ème volet du 6ème rapport du GIEC le 28 février dernier. Après la question de la réalité physique du changement climatique présentée dans le 1er volet en août 2021, ce volume est dédié à la question de l’adaptation au changement climatique. L’enjeu est clair. Nous devons très rapidement nous adapter aux effets du changement climatique au risque qu’ils deviennent totalement ingérables si l’on poursuivait la tendance actuelle des émissions de gaz à effet de serre. Nous, acteurs du tourisme, que devons-nous faire ? Que pouvons-nous faire ? Alors que je finalise une étude sur l’adaptation du tourisme au changement climatique, je vous livre ici ma vision sur ce sujet désormais prioritaire.

Urgence climatique, c’est réduire et s’adapter !

Avant de rentrer dans le dur, il faut bien comprendre que face à l’urgence climatique, nous allons avoir 2 sujets majeurs à traiter :

  • Réduire nos émissions de gaz à effet de serre ;
  • S’adapter aux effets du changement climatique.

Ces 2 objectifs sont bien complémentaires. Si nous n’arrivons pas à réduire nos émissions de gaz à effet de serre à un rythme soutenu, nous allons continuer à abonder le stock de CO2 déjà présent dans l’atmosphère. En ne respectant pas les engagements pris lors de l’Accord de Paris (la Stratégie Nationale Bas Carbone en France), les impacts du changement climatique seront d’autant plus forts et difficilement gérables avec des effets variés en fonction des territoires.

La vision française pour réduire ses émissions de GES d’ici à 2050 à travers la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC)

Comme vous le savez depuis la sortie de l’étude « Bilan des émissions de gaz à effet de serre du tourisme en France », présentée l’an dernier par l’ADEME, le tourisme pèse 11% des émissions de gaz à effet de serre français (contre 7% de son apport à l’économie nationale). Il est donc clair que nous avons un rôle important dans cette première question de la réduction des émissions.

Le 2ème point, c’est la question de l’adaptation aux effets du changement climatique qui est le cœur du sujet du 2ème volet de ce rapport du GIEC. Je vous invite à lire les 32 pages du rapport dédié aux décideurs afin de bien comprendre ces questions. Premier point important à savoir. Ces impacts sont bien déjà là comme le montre les schémas suivants (merci Bon Pote !)

Les impacts du changement climatique déjà observés dans les territoires (GIEC / Bon Pote)

Bien sûr, tous les pays ne sont pas exposés de la même manière et sur les mêmes impacts. Le rapport précise qu’il y a sur la planète entre 3,3 et 3,6 milliards de personnes qui vivent dans des contextes très vulnérables au changement climatique ! C’est énorme !

Et ces impacts dépendront inévitablement de l’augmentation de la température moyenne. Sur la base d’une augmentation de 1.5°C par rapport à 1990, cela entraînerait une hausse inévitable de nombreux risques climatiques et présenterait des risques multiples pour les écosystèmes et les Hommes. Il est donc impératif de démarrer dès aujourd’hui les actions d’adaptation pour limiter pertes et dommages. Ensuite, c’est bien chaque dixième de degrés qui va compter (et donc chaque tonne supplémentaire de CO2 émis dans l’atmosphère).

exemple dans le Queensland (Australie) d’impacts incontrôlables du changement climatique

Sensibilité, exposition, vulnérabilité

Nous sommes en train de finaliser une première étude pionnière en France sur la question de l’adaptation du tourisme au changement climatique.

L’objectif était d’accompagner ces différents acteurs à bien comprendre les notions de sensibilité, d’exposition et de vulnérabilité de leur projet touristique avant de leur présenter des préconisations opérationnelles afin d’anticiper au mieux les impacts du changement climatique et de lancer les actions correctives le plus tôt possible. Or, que recouvrent ces différentes notions ?

Voici les définitions issues directement des travaux du GIEC :

Sensibilité : Degré d’affectation positive ou négative d’un système par des stimuli liés au climat. L’effet peut être direct (modification d’un rendement agricole en réponse à une variation de la moyenne, de la fourchette, ou de la variabilité de température, par exemple) ou indirect (dommages causés par une augmentation de la fréquence des inondations côtières en raison de l’élévation du niveau marin, par exemple). Pour notre secteur du tourisme, la sensibilité sera particulièrement présente sur la question des canicules pour le confort des visiteurs mais aussi sur l’accessibilité de certains sites touristiques ou encore les dommages possibles pour les campings en cas de crue ou de tempêtes.

Exposition : degré auquel un système est influencé, positivement ou négativement, par la variabilité du climat ou le changement climatique. Ici, c’est bien les études scientifiques qui vont être analysées pour comprendre l’exposition de tel ou tel site touristique en croisant avec le regard historique des acteurs sur les différents impacts. Par exemple, l’augmentation du nombre de jours de forte chaleur par an, l’élévation du niveau de la mer, etc.

Capacité d’adaptation : ensemble des capacités, des ressources et des institutions d’un pays ou d’une région lui permettant de mettre en œuvre des mesures d’adaptation efficaces.

La vulnérabilité, c’est la sensibilité d’un site multiplié par son exposition auquel on enlève sa capacité d’adaptation. Ainsi un site énormément sensible à un impact et particulier exposé à ce risque va décupler sa vulnérabilité. Et c’est bien ce sujet qu’il faudra traiter en priorité.

Vulnérabilité = Sensibilité x Exposition – Capacité d’adaptation

Quels sujets à traiter pour les acteurs du tourisme ?

A travers cette mission, j’ai pu établir une petite liste des sujets clés que les acteurs du tourisme vont devoir intégrer demain en priorité pour s’adapter aux effets du changement climatique. Tour d’horizon :

Un risque de perte d’attractivité : Avec une augmentation du niveau des océans, c’est sûrement des plages et des traits de côtes qui vont disparaître. C’est potentiellement une érosion de plus en plus forte sur les côtes. C’est aussi toute la question de l’enneigement en montagne. Tout ceci, ce sont une atteinte directe à la matière première de l’attractivité touristique et donc de l’économie de demain, de l’emploi dans les destinations. Prendre conscience de cela doit permettre de repenser complètement les politiques de développement touristique. Or, à ce jour, peu (aucun ?) de schémas de développement touristique intègre cet enjeu-là.

Vers une disparition des plages

Un confort thermique des visiteurs à intégrer : Des parcs d’attractions ou des villages typiques ont pris conscience des risques importants de canicules sur leur site. A Compiègne par exemple, les études scientifiques parlent de 55 jours supérieurs à +25°C d’ici 2050 contre seulement 33 aujourd’hui. Il est donc urgent pour ces acteurs de végétaliser, de débitumer certains espaces afin de permettre aux visiteurs de pouvoir profiter des sites touristiques malgré ces périodes caniculaires.

Alerte canicule dans les Hauts de France et en Île-de-France en juillet 2019

Des potentiels problèmes d’accès : Inondations, tempêtes, vents violents, précipitations de neiges, mais aussi gonflements des argiles dans les sols peuvent dégrader les routes, les chemins de fer, les aéroports. Il est dès maintenant important d’identifier les axes fragiles pour venir sur certains sites touristiques ou dans certaines destinations. Si les visiteurs ne peuvent plus accéder demain à la destination, c’est toute l’économie touristique qui s’écroule.

Penser à la sécurité des visiteurs et des salariés : Les canicules, les tempêtes, les inondations exceptionnelles, les risques d’effritement des montagnes… L’ensemble de ces impacts vont toucher de plus en plus la santé et la sécurité des personnes dans les sites touristiques, que ce soit les visiteurs ou les salariés. Il s’agit donc de prendre en considération ces impacts dans l’évolution des assurances mais aussi dans des actions d’anticipation et de prévention.

De nouveaux coûts pour les collectivités et les pros : Une des conséquences des points précédents est l’augmentation des charges que ce soit pour un privé ou pour une collectivité. Il va falloir investir demain dans de nouvelles infrastructures, dans des rénovations, dans de la végétalisation des espaces, dans du confort thermique, dans des réparations… Tout ceci à un coût. Plus tôt ces investissements seront faits, moins les coûts futurs des réparations des impacts seront. Le mot clé est bien l’anticipation.

Penser aux services supports : Se déplacer, se restaurer, se loger… tout ceci peut-être affecté par des services supports dont nous ne voyons pas directement le lien avec le tourisme. On commence juste à le voir actuellement avec l’augmentation du coût de l’essence qui pourrait modifier demain le comportement des voyageurs. Mais c’est aussi la question des récoltes pour la restauration des visiteurs. En cas d’exposition climatique forte, les cultures pourraient être directement affectées. Si en plus ces cultures font partie de l’attractivité touristique… attention danger ! Je pense directement aux vignobles mais aussi aux AOP à vocation touristique comme la Lavande en Provence, les Noix de Grenoble ou encore les melons charentais…

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Hey! Moi, c'est Guillaume Cromer, je pilote ID-Tourism, cabinet d'ingénierie sur le marketing du tourisme. Historiquement, je suis bien impliqué sur les questions de tourisme durable mais depuis quelques temps, je m'intéresse beaucoup à la question de la prospective du tourisme pour bien comprendre comment vont évoluer les attentes des voyageurs et de quelle manière il va falloir adapter les organisations publiques et privées du tourisme. Hyper curieux et de [...]
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