S’offrir des fleurs (françaises)

Publié le 9 octobre 2023
6 min
Un bouquet de dahlias de chez monsieur marguerite

9 fleurs sur 10 vendues en France sont importées. C’est ce que révèle Hélène Taquet du collectif les fleurs françaises dans l’émission des carnets de campagne. Nos jolies  fleurs ne sont donc pas vraiment clean en matière de bilan carbone. 

Mais quel est le rapport entre les fleurs françaises et les métiers du tourisme ?  C’est ce détour que je vous propose de faire en vous plongeant dans le regard du client qui achète des fleurs pour y trouver des questionnements pour vos pratiques actuelles.

PARALLELES ET QUESTIONNEMENTS

On ne se méfie pas du beau.

Pensiez-vous que votre joli bouquet de roses pouvait avoir un bilan carbone aussi mauvais ?

Les fleurs ont en effet un parcours plutôt surprenant pour arriver jusqu’à nous.  Elles sont coupées encore vertes en Colombie ou au Kenya pour certaines. Elles sont ensuite congelées puis acheminées en avion cargo pour transiter via les Pays Bas. Elles arrivent enfin par camion réfrigéré jusque dans les étals de fleurs. Comment avons-nous pu passer pendant toutes ces années à côté d’une telle information ? Hélène Taquet du collectif des fleurs françaises partage qu’on ne se méfie pas du beau. C’est comme si le beau n’avait pas de défaut et ne pouvait pas cacher un bilan carbone aussi mauvais. 

Nos destinations offrent aussi du rêve. Mais la réalité du voyage cache aussi des pratiques qui ne sont pas toujours aussi respectueuses de l’environnement qu’on le souhaiterait. Aurions-nous en tant que professionnels du tourisme des explications à donner à notre voyageur pour qu’il comprenne l’étendue du problème afin de lui permettre d’agir en toute conscience

On ne demande pas ce qu’on ne connait pas

Avez vous déjà demandé un bouquet de dahlias à votre fleuriste ? ou de cosmos peut-être ? 

Moi pas vraiment parce qu’on ne demande pas ce qu’on ne connait pas. Cela parait d’une évidence folle et pourtant on oublie parfois d’en tenir compte. Prenons l’exemple de la Saint Valentin, cette fête est associée aux roses. Sauf qu’en y réfléchissant bien, on ne sait plus vraiment d’où vient cette tradition et pourquoi nous continuons d’offrir des roses à la Saint Valentin et du chocolat (on pourrait aussi parler du bilan de consommation en eau de la tablette de chocolat, mais bon ne nous éparpillons pas 🙂 ). Sauf qu’avoir des roses en février, cela demande soit qu’elles soient cultivées sous serre chauffée ou soit qu’elles soient importées, d’où l’idée de certains fleuristes lors de la dernière Saint Valentin de proposer d’autres fleurs à leurs clients. Et cela a fonctionné, les consommateurs semblaient prêts à modifier leurs modes de consommation.

Souhaitons-nous aussi en tant que destination touristique emmener les voyageurs vers de nouvelles alternatives, à l’image de ce fleuriste pour la Saint Valentin et comment oserons-nous passer le pas ?

On accepte de ne pas avoir tout tout le temps

Connaissez-vous le calendrier des fleurs de saison ?

Les fleurs, c’est un peu comme pour les fruits et légumes, on ne les récolte pas en continue toute l’année, il y a des saisons. Accepter d’acheter des fleurs françaises, c’est accepter de ne pas avoir toutes les fleurs tout le temps. Mais sommes-nous prêts à accepter ce changement ? Prenons un exemple, demain vous vous rendez chez votre fleuriste, avec la ferme intention d’offrir un bouquet de pivoines à tante Jacqueline, mais il n’y a que deux choix « des glaïeuls et des lys » , comment réagissez vous ? Etes-vous de ceux qui passablement énervés et frustrés commencent à douter des compétences de votre fleuriste et le font savoir ou de ceux surpris mais ouverts sont prêts à entendre quelques explications ? 

Constatons-nous aussi de la frustration chez nos voyageurs qui ne peuvent plus accéder à certaines activités comme avant dans nos territoires ? Avons-nous dès aujourd’hui à gérer plus d’incivilités et de non compréhension face à la frustration de ces voyageurs ? Comment pouvons-nous nous y préparer et quel rôle le conseiller en séjour a-t-il ?

un retour aux essentiels

On aimerait tellement que tout cela puisse être du bon sens, que l’on puisse (re)trouver une façon de consommer simple et vivante avec des produits frais et des services qui respectent vraiment les ressources locales. Mais par où commencer, comment se réapproprier nos compétences en la matière ? Fanny Augier dans son podcast « l’art de l’attention » propose avec son invité le critique gastronomique François Simon de retrouver les gestes simples de l’attention.

La simplicité du produit brut

Retrouver les fleurs locales, c’est retrouver des fleurs fraichement cueillies, qui se suffisent à elles-mêmes. Elles n’ont pas besoin d’être cachées derrière plein d’emballages papier, ni accessoirisées d’une carte de visite, d’un ruban doré roulé ou d’un sachet de vitamines pour fleurs coupées. On ne voit qu’elles et le reste est inutile d’autant plus que la plupart du temps ces artifices terminent dans la poubelle.

Cela fait écho à ce que François Simon, critique gastronomique partage dans la conversation avec Fanny Augier. « Quand le chef d’un restaurant est certain de la qualité de son produit, il n’a rien à cacher. Certains chefs ont peur du produit brut et ils vont lui ajouter des artifices parce que lorsqu’un produit est nu on peut vite voir s’il est frais ou pas. Par peur de la simplicité et de se retrouver seul avec le produit, certains chefs ont besoin d’ajouter quelque chose au produit car soustraire c’est prendre un risque. »

Avez-vous le sentiment qu’en tant que destination touristique, nous avons eu parfois tendance à vouloir emballer nos territoires d’artifices ? Sommes-nous prêts à présenter nos atouts de territoire de façon un peu plus brute ?

L’art du ressenti

Quel plaisir de sentir le parfum de la fleur fraichement cueillie. Quel plaisir de la voir encore en bourgeon quand on l’achète et de l’observer petit à petit éclore dans notre salon. Quel plaisir de ressentir qu’elle a poussé pas très loin d’ici.

François Simon, nous invite à prêter plus d’attention aux détails. Au restaurant, par exemple, il nous propose de prendre un peu plus de temps que prévu pour regarder notre assiette (10 secondes au lieu de 4 par exemple) et de se laisser surprendre par ce que nous pourrions apprendre. Avec un peu de pratique, il est assez facile, selon lui, de pouvoir dire si cette assiette a été préparée avec soin, si ça va être bon ou pas et ce rien qu’en observant le plat. Il serait même possible de ressentir que ces petits pois dans votre plat du jour ont été cueillis à la rosée et qu’ils sont arrivés en camionnette blanche jusqu’au restaurant. Si François Simon est capable de reconnaître toutes ces informations rien qu’en observant son assiette, pourquoi pas nous ? Il s’agirait de réapprendre à regarder, à observer, à prendre le temps de le faire pour ressentir pleinement tous ces signaux.

Observer nos paysages, vivre pleinement nos territoires et ressentir nos produits locaux seraient une véritable passerelle pour mieux les protéger . Alors comment pouvons-nous inviter nos voyageurs à regarder plus longuement ce qui les entoure et ainsi mieux s’imprégner du territoire pour le protéger ?

pour conclure

Réapprendre à ressentir la fraicheur et le parfum des fleurs locales, à savoir qu’elles ont poussé dans des champs pas très loin d’ici et à les observer jour à près jour devenir de plus en plus belles, ce sont toutes ces attentions qui nous font nous sentir vivant. Mais pour y arriver, nous avons besoin de laisser de l’espace dans nos vies. Sans espace, nous continuerons d’aller vite, de voyager vite, de travailler vite, sans véritable conscience de chacun de nos actes.

Et vous racontez-nous ce que vous avez déjà mis en place dans vos territoires ? Partagez-nous toutes ces attentions que vous faîtes déjà pour que les voyageurs puissent agir en toute conscience.

Ressources :

L’émission Carnet de campagne avec Hélène Taquet du Collectif des fleurs françaises (durée 13 minutes) : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/carnets-de-campagne/carnets-de-campagne-du-vendredi-15-septembre-2023-9497164

Le podcast « L’art de l’attention » par Fanny Augier et son invité tout spécial François Simon (durée 50 minutes) : https://podcast.ausha.co/l-art-de-l-attention?s=1

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Experte en approches humaines innovantes, j'accompagne les destinations touristiques à engager leurs équipes sur les sujets qui leur tiennent à cœur. J'utilise la facilitation en intelligence collective pour accompagner ces projets et ces conduites de changement. J'étais, jusqu'en avril 2019, Directrice de l’Office de Tourisme du Pays d’Ancenis -Val de Loire, où j’avais notamment en charge les missions traditionnelles concernant le management d’équipe, les stratégies de communication, l'ingénierie de projet, [...]
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