Jamais les hébergeurs n’ont été autant dépendants des OTA. En cinq ans, la part de marché des réservations directes s’est effondrée au profit de Booking, Airbnb et Expedia. Leur puissance financière, leur visibilité mondiale et leurs innovations en continu en font des passages quasi obligés pour les voyageurs. Cette domination inquiète : elle fragilise le lien direct entre hébergeurs et clients et pose un défi majeur aux territoires.
Suis-je trop provocateur en posant la question de la fin des réservations directes ? Sans doute un peu… mais à juste titre. Car il est urgent de réveiller nos hébergeurs avant qu’ils ne découvrent que la réservation directe n’est plus qu’une légende racontée au coin du feu.
2025 : l’année de la vraie bascule pour les hébergeurs touristiques ?
Vous allez vous dire que je sors la sonnette d’alarme à chaque article. Mais nul doute que 2025 n’est définitivement pas une année comme les autres…
L’offre d’hébergements touristiques explose
Depuis le Covid, l’offre a littéralement explosé, et 2025 n’est pas en reste. Plus de 1 million d’annonces rien que sur Airbnb, sans compter les autres plateformes, les locations déclarées (ou pas). Un marché saturé, comme je l’évoquais déjà en 2023 dans mon article sur la croissance insolente des locations saisonnières en France. Pour les hébergeurs, la clé n’est plus d’exister, mais de se démarquer par l’expérience, la personnalisation et les services exclusifs.
La loi Le Meur rebat les cartes du jeu touristique
La loi Le Meur change les règles : déclaration obligatoire, quotas, autorisation de changement d’usage et critères énergétiques renforcés. Une contrainte ? Oui, mais aussi une chance pour valoriser les hébergements responsables et protéger l’habitat local. Problème : beaucoup d’hébergeurs ignorent encore ces règles, alors qu’elles impactent directement leur stratégie.
Les voyageurs passent en mode « hybride »
Les voyageurs naviguent désormais entre plateformes et sites officiels : ils comparent, cherchent l’offre la plus avantageuse et espèrent des services exclusifs. Au-delà du logement, c’est l’expérience locale et personnalisée qui compte. L’enjeu est donc clair : aider les hébergeurs à transformer cette recherche hybride en réservations directes grâce à des sites performants et visibles.
Les plateformes sont désormais LA référence des voyageurs
Booking, Airbnb et consorts règnent grâce à leur visibilité mondiale et une expérience utilisateur fluide. Pour les voyageurs, ce sont des réflexes. Pour les OGD, le défi est double : aider les hébergeurs à profiter de cette vitrine tout en préservant la réservation directe. Car si les plateformes possèdent l’audience, l’hébergeur reste maître de l’expérience voyageur.

L’IA devient le nouvel agent de voyages
En 2025, selon différentes sources, entre 20 et 40 % des voyageurs auraient déjà utilisé ChatGPT pour préparer leurs séjours. Les recherches deviennent conversationnelles : il faut donc adapter son SEO, structurer ses informations et publier des contenus locaux précis. Bien maîtrisée, l’IA n’est pas une menace, mais un levier puissant pour aider les hébergeurs — et les territoires — à rester visibles.
Et comme si cela ne suffisait pas, viennent s’ajouter d’autres incertitudes — politiques, climatiques, financières ou urbanistiques — qui accentuent encore la fragilité ressentie par les hébergeurs (et leur capacité à survivre).
Des plateformes qui n’ont jamais si bien répondu aux attentes des voyageurs
Si les OTA séduisent autant, c’est parce qu’elles ont façonné de nouveaux standards de réservation. Flexibilité, réactivité, réassurance… des habitudes devenues réflexes, qui rendent les réservations directes moins attractives si l’hébergeur ne joue pas le jeu.
Annuler sans frais
Les voyageurs veulent annuler ou modifier sans frais, parfois jusqu’à la veille du séjour. Les OTA ont imposé ce standard devenu réflexe. En comparaison, les hébergeurs en direct peinent souvent à offrir la même souplesse, ce qui freine la réservation hors plateformes.
Réserver à la dernière minute
Réserver au dernier moment est devenu la norme, surtout sur mobile. Les OTA rassurent avec des disponibilités en temps réel et une confirmation instantanée. Les sites d’hébergeurs ou institutionnels, rarement aussi connectés, peinent à répondre à cette attente de rapidité et perdent des réservations.
Réserver maintenant, payer plus tard
« Réservez maintenant, payez plus tard » : Booking et Expedia ont démocratisé ces options, parfois même en plusieurs fois. Elles rassurent et fluidifient l’acte d’achat. En direct, cette flexibilité est encore rare, ce qui rend l’offre moins compétitive face aux OTA.
Dénicher l’offre spéciale
Programmes de fidélité, réductions et offres spéciales font partie des codes installés par les OTA. Les voyageurs s’y attendent et les recherchent activement. Sans avantages exclusifs, la réservation directe paraît fade ou plus chère, renforçant l’attrait des plateformes.
Obtenir une réponse immédiate ou c’est « ciao »
Disponibilités immédiates, réponses 24/7, chat en ligne : les OTA maîtrisent la réactivité. En direct, l’attente d’une réponse ou d’une confirmation freine le client. Cette différence de rythme donne aux plateformes une longueur d’avance et relègue la réservation directe au second plan.
Être rassuré toujours et encore
Avis clients, labels, paiements sécurisés : les OTA offrent une garantie de confiance globale, même pour un hébergeur inconnu. En direct, un site mal conçu ou sans témoignages rassurants fait hésiter. Cette réassurance est décisive pour convertir un simple regard en réservation.
Refuser ces nouveaux standards ne changera rien : les voyageurs les exigent déjà. Notre rôle est donc d’accompagner les hébergeurs, même réticents, vers plus de flexibilité et de réassurance. Car sans adaptation, pas de clients… et sans clients, c’est la clé sous la porte.
Des plateformes qui écrasent tout, même les dinosaures
Jamais les hébergeurs n’ont été autant dépendants des OTA. En quelques années, le direct a perdu du terrain face au « big 3 » — Booking, Airbnb, Expedia — dont la domination s’affirme et s’élargit chaque jour. Voici mes explications en détail.
Une dépendance croissante et toujours plus forte
Le graphique ci-dessous, publié par Skift Research est sans appel : la dépendance aux OTA s’accélère. En 2019, 53 % des voyageurs passaient par Booking, Airbnb ou Expedia pour réserver un meublé de tourisme. En 2024, ce chiffre atteint déjà 71 % ! Autrement dit, il ne reste que 29 % de réservations directes. En cinq ans, la progression est vertigineuse, portée surtout par Airbnb qui s’impose comme modèle dominant pour les meublés de tourisme. Une tendance lourde, qui confirme la fragilité du direct et la nécessité pour les OGD d’aider leurs partenaires à rester visibles et compétitifs.

L’oligopole des « big 3 »
Booking.com, Airbnb et Expedia forment ce que j’appelle le « big 3 » : le trio ultra-dominant du marché de la réservation en ligne pour les hébergeurs touristiques. À eux trois, ils concentrent une part écrasante des réservations mondiales, notamment pour les hébergements indépendants :
- Booking.com : la machine la plus performante en chiffre d’affaires avec un total consolidé de 23,7 milliards $ en 2024 se basant sur une commission officielle de 15 à 17 %, mais qui grimpe souvent à 25 % en réalité suivant leurs différents programmes : Genius, partenaires préférés, etc.
- Airbnb : s’inspire du modèle Booking, sans l’égaler en chiffre d’affaires à hauteur de 11,1 milliards $ en 2024. Cette marque s’impose clairement sur le marché des meublés de tourisme au point d’ailleurs d’avoir remplacé le terme » gite » pour la génération Y et les plus jeunes.
- Expédia : il semble souffrir de la comparaison avec les 2 illustres même si son CA reste à la hauteur avec plus de 13,6 milliards $ en 2024 sur une échelle internationale. Sa stratégie multimarques a pu lui porter préjudice sur le marché français notamment depuis le rachat HomeAway, incluant ses marques comme Abritel en novembre 2015.
Ces plateformes sont devenues incontournables… mais à manier avec stratégie et vigilance.
Zoom sur Airbnb qui rêve de devenir l’Amazon du tourisme
Airbnb ne veut plus être seulement un site de réservation. Comme l’explique Brian CHESKY dans son interview pour Phocuswire, son ambition est de devenir une plateforme globale, à la manière d’Amazon ou des réseaux sociaux.
Trois priorités structurent cette stratégie :
- l’IA pour personnaliser et automatiser,
- la communauté pour fidéliser les hôtes et leur proposer des services additionnels,
- l’expansion des offres autour de l’hébergement (expériences, services, etc.).
L’application mobile se transforme ainsi en véritable « one-stop shop », avec filtres optimisés, meilleure UX et recommandations affinées. Pour les OGD, cela signifie agir collectivement afin de maintenir visibilité et attractivité du lien direct.
La douche froide de 2025 : Cybevasion racheté par une « super » OTA allemande
Le rachat de Cybevasion par le géant allemand Holidu a marqué un tournant symbolique pour de nombreux hébergeurs indépendants. Cybevasion, avec ses trente ans d’existence, incarnait une alternative rassurante aux OTA : pour quelques dizaines d’euros par an, il permettait de mettre en avant ses coordonnées et de capter des réservations directes.

Avec Holidu, le modèle change radicalement. Le principe est désormais de diffuser les annonces sur les principales grandes plateformes, de gérer les réservations à la place des hôtes… et de prélever des commissions bien plus lourdes, à hauteur de 6 % TVA non comprise en plus des commissions des portails respectifs. Pour les « tradi », la déception est immense : l’outil qui soutenait leur indépendance bascule davantage dans le camp des OTA.
Ce rachat, et les autres points abordés jusqu’ici, illustre à quel point les indépendants se retrouvent de plus en plus dépendants.
Réserver en direct : la fin d’une bataille, mais pas de la guerre
Se ruer sur toutes les plateformes alternatives n’est sans doute pas la meilleure stratégie. Beaucoup peinent à dépasser quelques milliers de visiteurs par mois et ne garantissent pas de réservations significatives, sauf à cibler une niche très précise. Face aux mastodontes disposant de budgets colossaux, inutile d’espérer rivaliser en visibilité.
Cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas de pistes intéressantes. Certaines plateformes historiques comme gites.com (20 ans d’ancienneté, abonnements abordables, commissions réduites) tirent encore leur épingle du jeu. Petite précision : je n’ai aucune action ni partenariat avec eux.
La vraie solution réside dans une approche multicanale. Autrement dit : combiner intelligemment site web, référencement local, réseaux sociaux, emailings, plateformes ciblées et présence institutionnelle. Chaque canal apporte sa part de visibilité et, ensemble, ils renforcent la capacité des hébergeurs à capter et fidéliser les voyageurs en direct.

En conclusion et pour répondre à la question de cet article : la réservation directe n’est pas morte. Mais soyons clairs : c’en est fini des réservations faciles, quasi gratuites et sans effort. L’avenir repose sur une matrice multicanale où chaque levier — site web, SEO, réseaux sociaux, plateformes ciblées, partenariats institutionnels — joue son rôle dans l’équilibre global.
Dans ce nouvel écosystème, vous — et moi — allons devoir nous relever les manches pour accompagner nos hébergeurs, leur donner les clés pour comprendre les mutations en cours et les aider à rester compétitifs. Cela demande pédagogie, pragmatisme et parfois un peu de fermeté. Surtout auprès de mamie Gisèle, qui peine à remplir son gîte et accuse souvent à tort son office de tourisme…