Saison 2022, la difficile équation

Publié le 8 juin 2022
4 min

Un billet post week-end de Pentecôte pour vous donner mon sentiment sur la saison estivale qui s’en vient, et qui j’ai l’impression, ne sera pas simple. Au vu de ce que je vois, lis et entends, voici l’équation qui nous attendrait :

En effet, il y aura du monde, si l’on en croit les chiffres des réservations : les touristes étrangers, notamment européens sont de retour, alors que les français ont pris goût aux vacances en France. Donc, de ce coté-là, on serait plutôt sur une année record. Oui, mais… les dommage collatéraux risquent d’être nombreux!

Ce qui saute le plus aux yeux, c’est la pénurie de personnel, notamment (mais pas que) dans l’hôtellerie-restauration. OK, la crise est mondiale, mais concrètement, sur toutes les zones touristiques en France, personne n’arrive à recruter convenablement. Si les équipes sont complètes, ce sera avec du personnel non formé, et si elles sont incomplètes, il y aura moins de tables ouvertes dans les restaurants, voire moins de chambres dans les hôtels. Sur ce point des ressources humaines, ce n’est pas près de s’arranger, et il faut vraiment une « transformation humaine », comme le détaillait la semaine dernière Brice Duthion dans cet excellent article sur « le mur de la grande démission dans le tourisme« .

Troisième impact : l’augmentation des prix. On peut y voir un double effet. Tout d’abord l’inflation qui se répercute également sur les achats des entreprises touristiques et les contraint à augmenter leurs prix de vente. Mais la baisse de l’offre disponible liée au manque de personnel a une incidence sur la loi de l’offre et de la demande. On note donc des augmentations de prix, notamment dans l’hôtellerie qui sont parfois stupéfiantes !

Ajoutons à ces trois réalités une menace de sècheresse qui va impacter de nombreux atouts touristiques : les rivières sont au plus bas, menaçant dans certaines régions des activités emblématiques comme la baignade ou le canoë. Les ressources naturelles seront impactées dans de nombreux endroits. Que se passera-t-il si la sècheresse perdure durant la saison estivale? Le rejet du tourisme par la population locale, tendance déjà bien amorcée, risque de s’aggraver fortement en 2022.

Bref, le cocktail 2022 est détonnant pour générer de l’insatisfaction client : des destinations saturées, avec un trafic routier dense. Bonjour les week-end de grand départ… Sur place, le visiteur aura des difficultés à trouver une terrasse ouverte pour diner, tout en étant confronté à des hausses de tarif et à un service pas toujours à la hauteur, par manque de personnel formé… Si en plus, en ouvrant le journal local, notre aoutien découvre la dernière pétition des habitants pour dénoncer les effets négatifs du tourisme, c’est désespérant !

Alors, on fait quoi?

En discutant avec des directeurs d’Offices de Tourisme ces dernières semaines, j’ai l’impression que tout le monde partage le même constat : le mur s’approche dangereusement…

Quant aux solutions, elles sont très limitées, et j’ai l’impression que personne n’a trouvé la baguette magique. Mais il y a des essais. Plusieurs Offices de Tourisme, comme celui d’Arles, ont organisé des rencontres avec les professionnels : « Réunion informelle il y a quelques semaines avec des gros porteurs de ma région (traiteurs, hôteliers, restaurateurs…) sur le thème : comment gérer l’insatisfaction de nos clients avec un service plus limité (équipes incomplètes) et un prix plus cher (augmentation ´ des matières premières et fournitures). De façon réaliste : ils considéraient il y a déjà un mois qu’ils leur seraient impossible de recruter sur 100% des postes proposés. Et pour ceux qui y parviendront, ils y parviendront sans doute avec du personnel non formé ou en cours de formation. »

L’idée qui ressurgit lors de ces discussions est aussi celle de la mesure de l’insatisfaction. En effet, comment alerter les professionnels, ou communiquer auprès des clientèles, si on ne connaît pas vraiment l’ampleur des mauvaises expériences clients. La première mesure se fait souvent au comptoir de l’Office de Tourisme, où le personnel d’accueil sera le premier témoin des mécontentements. Il faut sans doute accompagner les équipes pour à la fois qu’elles remontent bien toute remarque, mais aussi qu’elles soient préparées à des réactions peu amènes de la part de visiteurs déçus.

Les sites d’avis seront bien évidemment scannés, et dans les départements qui utilisent déjà des solutions d’analyse des avis, les destinations auront des retours rapides. On peut rajouter à cela de l’écoute client active, pour connaître dans le détail les mauvaises expèriences. Faut-il réorienter les observatoires locaux ou régionaux sur ce sujet ?

Après, faut-il communiquer auprès des visiteurs, pour « désarmorcer » en amont les risque d’insatisfaction ? Certes, cela peut permettre de s’excuser par avance des éventuels dysfonctionnements de la destination. Mais par ailleurs, cela peut donner le sentiment au visiteur estival que de toutes façons, ses vacances 2022 seront un peu gâchées! Bref, les solutions idéales par rapport à cette situation inédite ne sont pas légion!

Si vous avez des idées, témoignages, ou déjà des mesures mises en place par rapport à cette difficile équation 2022, je suis certain que tous les lecteurs du blog seront intéressés!

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Jean Luc Boulin est consultant en tourisme : Intervention auprès des élus et des prestataires touristiques, coaching, accompagnement des équipes et des directions sont ses principaux champs d'intervention. Avec deux exigences : se mettre à la place du client et oser l'innovation. Directeur de l’office de tourisme de l’Entre-deux-Mers (Gironde) et du pays d’accueil touristique du même nom pendant plus de dix ans, Jean Luc Boulin a dirigé la MONA [...]
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