Quelle part d’éthique dans les réseaux sociaux ?

Publié le 26 juin 2023
9 min

L’engagement éthique est devenu prépondérant, du moins beaucoup plus présent dans notre quotidien de citoyen et de consommateur. Si faire rimer éthique et business fut longtemps considéré comme un délire de hippie, les codes et les modèles ont changé. Aujourd’hui, rien n’est plus simple que de savoir si un tee-shirt utilise du coton bio ou des matières recyclées, s’il est fairtrade ou vegan. Et pour nos outils numériques ? Et pour nos réseaux sociaux ? Dans ce billet, je tente de répondre à quelques questions qu’on peut, pardon, qu’on doit se poser au sujet des réseaux sociaux les plus utilisés en France.  

Les réseaux sociaux sont-ils éthiques ? 

Pour tenter de répondre à cette question, analysons les 5 principaux réseaux sociaux utilisés en France pour faire de la promotion touristique : Facebook, Instagram, TikTok, Pinterest et Linkedin. 

Et regardons plus spécifiquement ce top 5 autour de 4 axes éthiques : 

  • Émissions de CO2 
  • Conditions d’utilisation et gestion des données personnelles 
  • Accessibilité 
  • Bien-être numérique 
Représentation artistique et colorée de l'inclusivité et de la diversité. On aperçoit un groupe de 11 personnes aux origines diverses. Au premier plan, deux personnes en fauteuil roulant. Des bandes de couleurs faisant référence au drapeau LGBTQI+ composent le fond de l'image.

Les émissions de CO2 des réseaux sociaux

Le numérique pollue, vous ne l’apprenez pas en lisant ces lignes. Nous en parlons régulièrement et depuis plusieurs années maintenant avec mon compère Cédric Chabry comme dans ce billet https://www.etourisme.info/sobre-utile-le-numerique-prepare-sa-revolution-touristique et dans celui-ci par exemple https://www.etourisme.info/de-labondance-a-lefficience-du-numerique-touristique

Rappelons que le très gros de cette pollution provient de la fabrication du matériel informatique (80% des émissions de CO2 du numérique français) et moins de 20% sont la conséquence de sa consommation. Ce qui ne veut pas dire que ce n’est pas un sujet, car lorsqu’on ramène cette utilisation à des millions d’utilisateurs quotidiens, cela pèse quelques tonnes. Pour être précis, 1 million de tonnes émissions EqCO2 sur une année pour Facebook en France d’après Greenspector. Alors, même si nous sommes loin des 48 millions de tonnes émises sur une année par le transport aérien du tourisme français, ça pèse dans la balance. 

Connaître les volumes est éclairant et comprendre l’origine des valeurs unitaires est indispensable à toute action sur le sujet. Histoire d’aller plus loin qu’une simple réduction de volume pour faire baisser les émissions. Moins ET mieux. 

Bonne nouvelle, Greenspector vient de mettre à jour ses données sur l’impact CO2 de l’utilisation des réseaux sociaux. Cette étude applique une même méthode d’analyse du parcours utilisateur sur les différents réseaux sociaux. Elle comptabilise ainsi les ressources consommées et les projette en émissions de CO2. 

Voici les résultats pour les réseaux sociaux qui nous intéressent : 

  • Linkedin : 0,47 gEqCO2 / minute de consommation 
  • Facebook : 0,63 gEqCO2 / minute de consommation 
  • Pinterest : 0,66 gEqCO2 / minute de consommation
  • Instagram : 0,87 gEqCO2 / minute de consommation
  • TikTok : 0,96 gEqCO2 / minute de consommation

Sur cet axe, c’est donc Linkedin qui s’en sort le mieux pour plusieurs raisons. Déjà, car le contenu qu’on y partage est plutôt textuel. Et moins de médias = moins de consommation de ressources. Le volume de données chargées au lancement de l’application est aussi bien moins élevé que sur les autres réseaux sociaux. 

Le plus mauvais élève ici est sans grande surprise TikTok. En effet, un réseau social 100% consacré à de la vidéo peut difficilement être le plus sobre énergétiquement. Et l’étude relève aussi que l’app charge dès son lancement un nombre important de contenus, permettant à ses utilisateurs de continuer à consulter l’app un certain temps après avoir perdu la connexion à internet. Pratique pour l’utilisateur, très énergivore pour le consommateur. Enfin, le virage pris par Instagram ces derniers temps autour des reels a fait très largement évoluer ses émissions moyennes à la hausse. 

Du coup, on arrête TikTok ? Encore faut-il déjà l’utiliser ! Plus sérieusement, l’important est d’équilibrer cette approche de greenIT avec l’utilité du support numérique. Quelle utilité pour mon territoire ? Les messages diffusés influencent-ils l’offre touristique pour la rendre plus engagée ou plus vertueuse ? Participent-ils à faire changer les comportements des voyageurs ? Si tel est le cas, on peut probablement considérer qu’il y a une part d’utilité dans ces émissions de CO2. Avec quelques ajustements pour rendre les messages plus efficients. 

Les conditions d’utilisation et la gestion des données personnelles des réseaux sociaux

Bien que contraints au respect du cadre légal des pays dans lesquels ils opèrent, les réseaux sociaux soumettent leurs utilisateurs à leurs propres règles. Pour utiliser le service, il faut commencer par lire en intégralité des dizaines de pages puis en accepter les conditions. La vie étant trop courte pour lire des CGU, le futur utilisateur préfère céder gracieusement ses données personnelles à ces diables de GAFAM sans trop se poser de questions et profiter ainsi au plus vite d’un scroll infini. Mais si c’est gratuit… Vous connaissez l’adage. 

Heureusement, les plateformes ont une gestion parfaitement éthique de nos données personnelles. Enfin, à deux – trois détails près. 

Le projet tosdr.org (pour Terms of service ; Didn’t Read en référence à l’acronyme qu’on trouve sur Internet TL ;DR qui veut dire « Too Long ; Didn’t Read »)  analyse dans le détail les CGU de nombreux services web et classe leur niveau de respect de la vie privée et des données personnelles. 

Et devinez quoi, tout ça n’est pas glorieux. Voici le classement des réseaux sociaux qui nous intéressent ici : 

  • TikTok obtient une note de C 
  • Linkedin obtient une note de D 
  • Pinterest obtient une note de D
  • Instagram obtient une note de D
  • Facebook obtient une note de D 

Tiktok que l’on accuse de tous les maux, “outil de propagande du gouvernement chinois”, s’avère être le plus respectueux de la bande. Même si bon, ses conditions sont très loin d’être clean. Parmi les points négatifs du réseau, on relève la lecture des messages privés (un scandale ! bon, ils le font tous) et le fait de pouvoir supprimer le contenu d’un utilisateur unilatéralement. Bien sûr, la collecte de données et leur utilisation à des fins publicitaires sont aussi pointés du doigt. 

A ce niveau-là, les 4 autres réseaux vont plus loin en stockant des données des internautes qui ne sont même pas membre du réseau. Autre reproche marqué d’une croix blanche sur fond rouge par le site, l’utilisation de votre nom par les marques dans des publicités. Pas classe du tout. Mais aussi le fait de ne pas supprimer de leurs serveurs les contenus que vous supprimez. On oublie le droit à l’oubli. 

Enfin Facebook, le moins bien classé des 5, va jusqu’à lire et compiler vos activités en ligne même lorsque vous n’êtes pas connectés au réseau social. Dis donc Marc, on peut naviguer tranquillement stp ? 

Revente de données, collecte de données biométriques (coucou la reconnaissance faciale), … La liste est longue, puisqu’une cinquantaine de critères sont ici pris en compte et on s’aperçoit que même avec un cadre légal qui se renforce sur le sujet, c’est la grosse teuf de la collecte de données sur les principaux réseaux sociaux. 

Accessibilité des réseaux sociaux  

Côté accessibilité financière, c’est un grand oui pour nos 5 candidats ! Mais à quel prix, nous l’avons vu précédemment. 

Regardons plutôt du côté de l’accessibilité aux personnes en situation de handicap. A ce niveau, des efforts importants ont été fait sur l’ensemble des plateformes. Le sous-titrage de vidéo est dans les codes des réseaux sociaux depuis longtemps, grâce à la consommation des contenus sans le son. Parfois perçu comme une contrainte, l’accessibilité numérique est ici bénéfique à sa performance générale, les algorithmes se nourrissant de cette matière pour recommander les contenus. On retrouve donc des solutions natives sur Facebook, avec de l’IA qui convertit les paroles en texte. TikTok pousse aussi énormément sur le sujet, et le texte a une place prégnante dans un réseau pourtant centré sur la vidéo. Le déploiement de l’option “text-to-speech”, entré dans les trends du réseau social, est aussi une façon de visibiliser ce sujet. 

Pour les personnes aveugles ou malvoyantes, une autre option a été déployée par les plateformes. Bien connu sur le web, le texte alternatif est arrivé finalement assez tard sur les réseaux sociaux. L’option est à présent disponible sur Facebook, Instagram, Linkedin et Pinterest. Elle permet donc d’ajouter un texte supplémentaire pour décrire le contenu d’une image, en complément du wording. Malheureusement, cette option n’est quasiment jamais utilisée et on voit de plus en plus de commentaires de personnes qui demandent aux community managers d’être attentifs à ces détails. Là encore, ce travail d’écriture participe au bon référencement organique du contenu, cerise sur le gâteau pour s’obliger à rendre nos contenus photos accessibles à tou.te.s. 

Si ces deux options sont disponibles pour notre top 5, petite mention quand même pour Facebook et TikTok qui ont fait de ces options d’accessibilité des éléments centraux des publications, utiles à l’ensemble de leurs utilisateurs. De l’accessibilité à l’inclusivité

Bien-être numérique sur les réseaux sociaux  

Instagram n’est pas la vraie vie. Ce réseau a fait tellement de mal à l’imaginaire collectif qu’il ne serait pas déconnant de voir cette phrase dans un manuel scolaire. Le fonctionnement même de ces réseaux, créant de l’addiction grâce à la dopamine, a eu pour conséquence l’explosion du mal-être numérique d’une génération. En effet, 93 % des personnes âgées de 16 à 24 ans affirment que leur dépendance aux réseaux sociaux a un impact négatif sur leur bonheur (enquête ExpressVPN). 

Si les éditeurs de réseaux sociaux se sont longtemps couverts derrière le fait qu’ils ne sont pas responsables des contenus diffusés, la donne est en train de changer avec de véritables partis pris sur le sujet. 

Pinterest, pour commencer, est une plateforme qui a fait du bien-être un élément central de son réseau social. Depuis plus d’an, Pinterest a fait le choix de bannir le body shaming, les produits ou la valorisation de la perte de poids. Une démarche pionnière qui semble faire ses preuves si l’on en croit leur rapport sur la neutralité corporelle.

TikTok ensuite est un réseau qui dès le départ s’est positionné comme une alternative au monde parfait d’Instagram. Les contenus ici se veulent plus spontanés ou du moins plus sincères. Mais surtout ce qui est frappant sur Tik Tok c’est la place de la diversité au sein du réseau. Pour dire les choses, on retrouve beaucoup plus facilement sur ce réseau des personnes en situation de handicap (sans que ce soit forcément le sujet du contenu), d’origines ethniques ou d’orientations sexuelles variées, des personnes aux caractéristiques physiques loin des stéréotypes d’Instagram. Des vrais gens en sorte. Pas étonnant que les plus jeunes générations apprécient ce réseau. Mais TikTok crée une addiction extrême à ses contenus avec un temps passé sur l’app bien supérieur aux autres réseaux sociaux. On notera quand même une volonté de leur part de sensibiliser les utilisateurs au sujet. Question d’image ? 

https://www.tiktok.com/@tiktok_france/video/7195145145036082433

Du côté de Linkedin, l’algo semble aller dans le bon sens après nous avoir fait sacrément flipper. La team growth hackers, gourous entrepreneurs, voir même formateurs en posts linkedin semblait avoir pris le dessus et le réseau regorgeait de posts bullshits. En un mot : l’enfer. 

Si ces tendances n’ont pas disparu, on retrouve à présent sur Linkedin du contenu avec une véritable valeur ajoutée, et en entretenant son algo on peut trouver sur Linkedin de quoi nourrir sa veille. 

Pour terminer sur ce sujet, j’aurais tendance à dire que c’est du côté de Meta qu’il reste encore pas mal de boulot. Facebook a fait des efforts autour de la “désinformation”, faisant du ménage dans ses groupes en particulier. Mais les réductions drastiques d’effectifs de ces derniers mois n’augurent rien de bon sur le sujet de la modération. 

Le réseau social mainstream et éthique n’existe pas 

Mais les principales plateformes tentent d’évoluer au rythme de l’évolution de la société. N’oublions pas qu’ils restent des espaces de diffusion dont nous maîtrisons les sujets. Même contraint par les algorithmes, on peut, pardon on doit mettre toujours plus d’engagement dans nos lignes éditoriales. Comme j’aime à le rappeler, les OGD ont une forte de frappe considérable grâce à leurs écosystèmes numériques et les millions de messages diffusés. 

Une véritable capacité à participer à des causes, à faire évoluer les imaginaires. Reste à choisir ses combats.

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Sébastien est cofondateur du projet KAIRN , société a mission qui fait le lien entre numérique responsable et tourisme responsable. Il est aussi directeur de my destination, agence de communication numérique et engagée. Leur crédo : placer les réseaux sociaux au service des stratégies touristiques.
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