Papier, mon amour

Publié le 17 juillet 2025
7 min
credit photo : Liza Leloup – Réseau Sensation Bretagne

Certaines universités ont franchi le pas de réintroduire la prise de notes sur papier, allant même jusqu’à interdire les ordinateurs lors de certains cours. Elles ont constaté que cela avait un impact positif sur la concentration des étudiants et sur les interactions avec les professeurs.

Et si, dans nos structures touristiques, on s’autorisait à remettre du papier pour soutenir l’efficacité de certaines réunions ? Pas pour faire machine arrière ou délaisser l’ordinateur. Mais pour simplifier, remettre du vrai et ajouter un supplément d’intention, d’attention, et de douceur.

POURQUOI CA COMPTE

Avez- vous, vous aussi, le souvenir d’une note, écrite en patte de mouche, par votre N+1, pour partager sa vision d’un futur projet ? On pouvait y percevoir l’attention que la personne avait mise dans cette note (ou pas 🙂 ) , sa façon de penser (dans les tirets, les annotations, la grosseur des mots…) et parfois même son humeur… Sans en faire une analyse graphologique, cette note manuscrite en disait bien plus, qu’un long mail froid et distant.

Je me souviens également de la première fois où j’ai osé ressortir les feutres pour prendre des notes visuelles lors d’une rencontre collective. J’étais reboostée par une formation en facilitation graphique, et par l’intérêt que j’y voyais de prendre des notes de cette façon. Mais quelques remarques un peu moqueuses (“on dirait un dessin de maternelle”) ont été distillées. Peu importe si ces remarques étaient justifiées ou pas, le fait est qu’elles peuvent vite décourager, si on ne sait pas bien pourquoi on fait ça.

ce qu’on PEUT y gagneR

Quand on s’autorise à prendre une feuille de paper board pour noter les avancées de la réunion, alors l’énergie du groupe change. On ne prend pas juste des notes, mais on écoute autrement, on échange autrement, on travaille autrement.

On y gagne en effet :

. Une attention plus forte aux autres : On (re)commence à se regarder. Soyons honnêtes : quand il y a un PowerPoint, on perd vite le contact avec les autres, c’est comme si nous étions hypnotisé.es par l’écran. Quand on enlève l’écran, on retrouve la possibilité de se (re) regarder pour de vrai 😊. Et on capte de nouveau les émotions, les signes de perte d’attention, les haussements de cils de désapprobation, les sourires d’encouragement…On reprend contact ensemble.

. Une concentration plus évidente sur le sujet de discussion : Quand on prend des notes sur notre ordinateur, la tentation est grande de se laisser séduire par quelques notifications. Elles nous laissent croire que c’est toujours plus urgent, plus important, plus excitant même parfois… que ce qui est en train de se passer devant nous. Or en mettant une feuille au centre de la discussion, on remet l’attention sur “une chose à la fois”. Exit les interruptions, on se retrouve naturellement concentré.es sur le sujet du moment. C’est d’une simplicité déconcertante.

. Un certain retour à une lenteur performante : Ecrire à la main, c’est accepter de ralentir. Cela demande plus de temps, c’est certain…Mais c’est justement ça qui change tout : on réfléchit à ce qu’on va écrire, on pèse ses mots, on trie ses idées. Et puis pour beaucoup d’entre nous (celles et ceux qui ont une mémoire visuelle), cela laisse une trace plus durable : on se souvient mieux de ce qu’on a écrit, bien plus que ce qu’on a parfois survolé à l’écran. Finalement, la lenteur du moment est un vrai gain de temps pour la suite.

. Une information claire, visible et partagée : Le compte-rendu, une fois affiché, crée une autre dynamique. C’est là que la magie opère : les discussions continuent naturellement autour du sujet, un peu comme devant la machine à café. On échange, on complète et on partage avec les celles et ceux qui étaient absent.es. L’information ne reste pas cachée dans un ordinateur : elle circule, elle vit. Et si on est manager, cela peut permettre de gagner un temps fou. Plus besoin de réexpliquer en continue, de convaincre et de raccrocher sans cesse autour du projet. Tout le monde s’approprie le projet, cela devient la responsabilité de tous et ça, ça change tout.

Ce qui resiste

Mais alors….pourquoi est-ce si difficile de remettre un peu de papier dans nos quotidiens ?

. l’argument écologique : le papier est une ressource précieuse et l’idée n’est pas de tout rebasculer en papier, cela n’aurait aucun sens. Mais si on choisit avec parcimonie ce qui peut l’être, cela peut-être une bonne option. Et n’oublions pas que le stockage numérique a lui aussi un coût environnemental.

. le mythe du professionnalisme : Ce qui est sérieux, c’est ce qui vient de Word, PowerPoint, ou des tableurs Excel. Produire sur ordinateur, c’est montrer notre professionnalisme et notre côté innovant. Comme si reprendre le papier, était était une sorte de retour en arrière. Mais à être trop sérieux, on en est arrivé à uniformiser nos façon de mettre en page nos documents, avec notamment des typologies très similaires. Alors que l’écriture manuscrite, elle, garde un peu de spontanéité.

. la créativité : Le papier ne permet pas juste d’écrire mais cela ouvre la porte à un peu plus de créativité. On peut utiliser de la couleur, lier les idées, s’affranchir des lignes, faire des flèches, des schémas. On peut même se surprendre à dessiner (et parfois on découvre des talents insoupçonnés parmi ses collègues). Et quoi de mieux qu’un dessin pour clarifier une pensée ou débloquer une discussion. Mais cela demande d’oser d’autres schémas.

. la rature : Quand on écrit à la main, l’erreur est visible : un mot corrigé, une phrase barrée, un schéma modifié. Compliqué d’effacer discrètement comme sur un ordinateur. Alors que fait-on de cette erreur ? On l’assume ? On la regarde différemment, comme une partie du processus de réflexion et pas comme un problème ? On ne le sait que trop bien que l’erreur fait avancer car elle montre qu’on ajuste, qu’on affine, qu’on construit ensemble. S’autoriser la rature permettrait aussi d’en faire un reflexe sain loin du perfectionnisme illusoire.

. et surtout la vulnérabilité : Mais ce qui résiste encore plus que tout, c’est une certaine vulnérabilité liée à l’écriture manuscrite. Trop personnelle. Trop visible. Trop imparfaite. L’écriture montre un peu de soi. Quand je propose aux groupes que j’accompagne, d’utiliser les feutres pour prendre les notes, il y a pour certain.es une forme de résistance « Non, mais moi, ce n’est pas possible, j’écris trop mal ». Et si justement, c’était ça qui comptait ? Montrer son écriture, assumer un peu de soi, prendre le risque d’être lisible…ou pas. Mais être là. Présent.e et Impliqué.e .

on commence par quoi

Mais avant de passer à l’action, avez-vous un intérêt à basculer certains moments collectifs avec une prise de note écrite ?

. Oui, si vous ressentez une perte d’attention de la part de vos collègues sur certaines réunions avec cette hypothèse que certain.es soient happé.es par d’autres tâches ?

. Oui, si vous ressentez une certaine lassitude à répéter sans cesse les mêmes choses pour embarquer votre équipe ?

. Oui, si vous avez des doutes sur le fait que les absents lisent bien les compte-rendus des dernières réunions ?

Si vous avez au moins un oui, c’est peut-être le bon moment d’insuffler un peu de papier dans vos prochains moments collectifs.

Imaginez votre futur moment collectif : une grande feuille de papier en guise de prise de note, une équipe concentrée sur le sujet et un engagement à la fin de la réunion.

Voici quelques conseils pour passer rapidement et simplement à l’action dès cet été . Si vous avez des réunions prévues prochainement. Préparez une grande feuille de paperboard et installez-la au milieu de la table si c’est possible ou sur un paperbaord et prévoyez quelques feutres, cela sera plus amusant. Notez les grands thèmes à aborder (vous pouvez les préparer avant sur la feuille) et laissez en dessous de l’espace pour écrire. Confiez le crayon à un.e volontaire avec la consigne de bien prendre en note ce qui est dit. Puis après la réunion, affichez ce compte-rendu dans un espace de passage. Les absents prendront naturellement connaissance du compte-rendu et les conversations continueront spontanément autour des sujets abordés. On peut même prévoir de se servir de cet outil pour assurer le suivi des actions décidées .

pour finir

Ce n’est donc ni de la nostalgie, ni une lubie du moment mais simplement une façon de réfléchir à ce qui compte vraiment dans nos réunions. Prêter attention au lien à l’autre n’est-il pas un gage d’engagement et d’efficacité pour la suite.

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Experte en approches humaines innovantes, j'accompagne les destinations touristiques à engager leurs équipes sur les sujets qui leur tiennent à cœur. J'utilise la facilitation en intelligence collective pour accompagner ces projets et ces conduites de changement. J'étais, jusqu'en avril 2019, Directrice de l’Office de Tourisme du Pays d’Ancenis -Val de Loire, où j’avais notamment en charge les missions traditionnelles concernant le management d’équipe, les stratégies de communication, l'ingénierie de projet, [...]
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