Organiser un événement, quelle formule choisir ?

Publié le 3 février 2021
10 min

Pas simple en ce moment de survivre dans le secteur de l’événementiel ! Centres des Congrès, salles de séminaires, traiteurs, standistes, accueil ou régisseurs, le chômage technique se poursuit pour beaucoup d’entre eux.

Et pour les organisateurs, qu’il s’agisse d’un séminaire, d’un atelier, d’un symposium ou d’une conférence, il s’agit d’être agile et d’envisager tous les plans possibles : distanciel, mixte ou présentiel lorsque l’on est suffisamment en amont, puis de prendre une décision en fonction des inconnues et des risques d’annulation encourus quelques semaines avant le jour J.

Je vous propose, au vu de mes expériences de ces dernières semaines, un petit tour d’horizon des diverses options, de leurs avantages et inconvénients, et des éléments à mettre en place pour malgré tout réussir au mieux son événement.

Le distanciel

Le webinar, webinaire, websem’ est devenu le grand classique de ces derniers mois. Nombre de formations, d’ateliers, de manifestation prévues à l’origine en présentiel ont dû se tourner vers des solutions en ligne pour maintenir le programme initialement prévu.

Jean-Luc avait déjà parlé des diverses solutions existantes dans ce billet en mars dernier, et l’adoption forcée de ces outils a permis une acculturation qui rend de plus en plus rares les problèmes de connexion, de micro ou de casques des moins aguerris aux outils en ligne.

Zoom a incontestablement pris le lead, avec divers types d’exploitation, selon les situations.

a) Les intervenants en visio, avec ou sans présentations, les participants en écoute passive

C’est le format le plus classique que l’on a pu observer. Il est simple à mettre en oeuvre, permet de convier de nombreux participants (sur Zoom, gratuit jusqu’à 100 personnes et 40mn, 14€/mois ou 140€/an pour une durée illimitée, 19€/mois ou 190€/an pour aller jusqu’à 300 participants).

La MASCOT Bourgogne Franche-Comté, POT’ – Plateforme des Organismes de Tourisme des Hauts-de-France, OTN, Fédération Régionale des Offices de Tourisme de Normandie et la MONA – Mission des Offices de Tourisme de Nouvelle Aquitaine se sont associées pour proposer SADI’Inspi, plusieurs épisodes avec des témoignages d’offices de tourisme, réalisés sur ce mode.

Six intervenants en Zoom, en vignette pendant le partage d’écran pour la diffusion des présentations.

Le Périgord Noir a maintenu ses Rencontres du Tourisme fin novembre en optant pour cette solution, avec intervention et animation sur Zoom.

Diffusion en direct sur Facebook live, puis disponible en replay.

L’inconvénient majeur est de limiter les interactions, sans toutefois les interdire, puisque le chat/converser permettra de poser des questions, d’apporter des commentaires et observations après les traditionnels salves de « Bonjour depuis… » qui inaugure généralement les discussions.

b) Tout le monde en visio

Ca se gère en nombre limité (une trentaine au max), l’avantage étant bien entendu que tout le monde se voit, peut prendre la parole, voire présenter un contenu en partageant son écran en tant que de besoin. Il s’agira par contre de définir les règles du jeu, d’avoir un animateur, voire des co-animateurs, prêts à rappeler ces fameuses règles, couper le son de ceux qui prennent un appel en coupant le haut-parleur mais pas le micro… bref, à éviter la cacophonie !

Une collecte de secrets avec l’équipe de Landes Atlantique Sud.

On peut aussi aisément séparer un grand groupe en plusieurs sous-groupes de travail ou de réflexion, et donc créer virtuellement une salle plénière et des salles d’ateliers. Nous l’avions expérimenté contraints et forcés en mars 2020 lors du Campus de préparation des #ET16, à 25 personnes, et s’il manquait bien entendu la convivialité liée à ces moments, la productivité était elle bien au rendez-vous !

c) Des intervenants en visio, on fait entrer au fur et à mesure des participants qui veulent témoigner, poser une question

On s’y était essayé avec les amis Agitateurs Pierre et François, nos collègue belges Denis et Laurence, ainsi que Géraldine, en avril dernier, lors d’un après-midi pour donner la banane intitulé « Vivement Bientôt« . L’idée était de générer plus d’interactions, de permettre aux participants de venir faire un tour de façon plus active, de donner la parole à tous. Par défaut, tout le monde avait son et caméra fermés, et l’un de nous, en charge de cette régie, les débloquait au moment où ils devaient prendre la parole (pour les intervenants), au moment des questions/réponses (pour les participants), avec la possibilité via le chat de ne s’adresser qu’à la/les personne-s concernés pour les prévenir quelques minutes en amont.

Bon, le fait d’être près de 500 n’a pas simplifié la tâche, et la solution consistant à promouvoir un participant en intervenant (dans le format Webinaire proposé par Zoom, 130€ pour un mois) n’est pas des plus souples, puisqu’il y a tout de même un temps de latence qui rend moins fluide que ce qu’on espérait ce type de manoeuvre.

d) On fait péter la régie !

J’ai eu le plaisir en décembre dernier d’animer les 8 wébinaires organisés par la Tangente, nouveau nom de l’Agence d’Innovation Touristique du Nord. Cet événement « Data, Inno & Rando », était prévu à l’origine en présentiel sur une journée et demie, au mois de juin, puis repoussée en décembre, avant de basculer courant septembre sur un format distanciel. Rapidement, le choix a été fait d’exploser les contenus sur une semaine complète, avec des séance de 1h à 1h30 en fin de matinée et début d’après-midi. S’agissant d’un événement de lancement de l’Agence, l’équipe souhaitait marquer le coup et a fait le choix de faire appel à un régisseur vidéo qui a eu pour mission de créer des habillages graphiques, transitions vidéos, gabarits pour afficher les bobines des intervenants ou plus ou moins grand selon qu’il soit en train de parler ou non, pendant une présentation, ou une vidéo, …

Les intervenants se retrouvaient 30mn avant chaque session pour effectuer les tests vidéos et sons avec la régie, caler les différents gabarits selon les types de supports utilisés ou non, le nombre d’intervenants. La régie utilisait ensuite le flux Zoom pour une intégration et une diffusion sur les multiples réseaux sociaux de l’Agence, avec une priorité sur Twitch, la plate-forme des gamers, dont était d’ailleurs issu le régisseur.

Le rendu est évidemment beaucoup plus pro et l’investissement se justifiait de par l’importance de l’événement pour La Tangente.

Pour résumer, les avantages du distanciel :

  • on évite le déplacement des intervenants comme des participants (gain de temps, plus écoresponsable)
  • technique simple à mettre en oeuvre, et coûts extrêmement réduits
  • une assistance souvent plus importante que celle que l’on aurait pu espérer en présentiel
  • des enregistrements qui permettent de les porter sur les diverses plates-formes et augmentent ainsi encore l’audience
  • des intervenants de renom, de qualité, ou très lointains qui acceptent de passer une heure avec vous derrière leur ordinateur alors qu’ils ne se seraient pas déplacés.

Les inconvénients du distanciel :

  • on perd bien évidemment de la convivialité, les échanges autour du café d’accueil, les discussions en sortie d’ateliers ou conférences, entre participants et avec les intervenants
  • pour les intervenants, on perd le contact visuel avec les participants : est-ce que les gens rient ou soupirent à la vanne que tu viens de faire, ils s’ennuient ou sont captivés ?
  • on perd aussi de l’attention : même le participants le plus motivé et intéressé risque de jeter un oeil sur son smartphone, ses emails, son facebook, de se dire qu’il peut rédiger une bricole tout en écoutant… ce qui n’est bien souvent pas le cas
  • il faut le préparer/le timer/l’animer encore plus qu’un événement en présentiel : si le rythme baisse, s’essouffle, attendez-vous à une fuite des participants !
  • tout l’écosystème économique autour de l’événement est évidemment totalement squizzé.

L’événement mixte

Dans ce type d’organisation, une partie ou la totalité des intervenants sont présents en plateau, sont filmés, et leurs échanges retransmis soit en direct, soit a posteriori après un éventuel montage vidéo.

La Fédération Régionale du Tourisme de l’Île de La Réunion a organisé des Explore Tours réguliers, avec un plateau TV mobile avec régie réunissant l’animatrice et les équipe de l’IRT/FRT, les intervenants étant eux sur Skype, avec une mise en forme par la régie. Les sessions ont été directement retransmises sur la page Facebook de la FRT, où elles sont toujours en ligne.

Plateau TV, intervenants via Skype, et la régie qui alterne l’un, l’autre ou les deux selon.

Le 22 octobre dernier se tenaient à Grenoble les Rencontres d’Isère Attractivité, que j’ai eu l’honneur d’animer. La situation sanitaire avait contraint l’organisation à prévoir une jauge réduite à la moitié de l’amphithéâtre, mais l’annonce du couvre-feu le mercredi précédent, puis les chiffres alarmants communiqués dans les jours qui ont suivi ont conduit l’exécutif a annuler la présence du public 48h avant la tenue de la manifestation.

Néanmoins, la dizaine d’intervenants qui se succédait au cours de cet après-midi a maintenu le déplacement, et la régie, qui était d’ores et déjà prévue, ont permis de filmer intégralement les débats, cette fois-ci, pour une diffusion ultérieure, le 10 novembre, sur Youtube.

Plateau TV filmé comme s’il y avait un public.

Les 8 et 9 mars prochains, le CRT Bretagne, accompagné par l’Open Tourism Lab, a prévu de tenir ses Rencontres du Tourisme sur le même mode opératoire (prévues initialement les 14 et 15 décembre, elles avaient été reportées). Des intervenants qui font le déplacement jusqu’à Rennes, des échanges filmés en plateau TV et par contre retransmis en live pour tous les participants qui souhaitent y assister (il est encore temps de vous y inscrire !). Vous imaginez bien qu’à cinq semaines de la tenue de l’événement, le plan B est néanmoins à l’ordre du jour.

Ces événements mixtes, ou hybrides, voire même « phygital » (j’ai toujours du mal avec ce néologisme qui me fait davantage pensé à une maladie vénérienne !) ont évidemment le vent en poupe et de nombreux Centre de Congrès le proposent dans leur offre, comme on peut le voir sur cette page du site de France Congrès.

Les avantages de l’événement mixte :

  • les échanges entre intervenants sont plus fluides qu’en 100% distanciel où il est délicat voire impossible de parler en même temps
  • on dispose de système de captation, de régies, plus professionnelles en terme de rendu
  • des rencontres locales, départementales ou régionales peuvent néanmoins prétendre à une assistance plus importante et plus éloignée.

Les inconvénients de l’événement mixte :

  • les intervenants doivent pouvoir/vouloir se déplacer
  • le coût est plus important : régie, location d’espaces même s’ils sont réduits, logistique de déplacement et d’accueil des intervenants
  • nécessité d’un protocole sanitaire : distanciation physique des intervenants, désinfection des sièges, micros, et autres dispositifs utilisés

Le présentiel

Alors bien sûr, difficile de l’envisager dans l’immédiat… Mais d’ici A/la fin du printemps – B/cet été – C/cet automne – D/2022 ??!!, on va pouvoir à nouveau l’envisager comme une sérieuse option.

On a eu la chance avec les Rencontres du etourisme, mi-octobre dernier, de passer juste entre les gouttes (et on espère bien que ce sera bon pour la prochaine édition !), mais il a fallu mettre en oeuvre pas mal de procédures et envisager presque jusqu’au bout les plans B et C qui correspondaient aux deux précédents paragraphes.

La difficulté est évidemment de déterminer la date ultime du go / no go, qui correspond généralement aux frais/arrhes à engager après des divers fournisseurs, les déplacements des intervenants (mieux vaut prendre du modifiable/remboursable désormais, même si cela peut être un surcoût), et sécuriser les participants sur leurs propres déplacements. Sur les #ET16, l’annulation du présentiel a failli provenir du peu d’inscrits à moins de quatre semaines de l’événement, qui ne permettait clairement pas d’équilibrer les dépenses (hormis le traiteur, il y a beaucoup de charges fixes sur ce type de manifestation). De façon bien compréhensible, les participants attendaient le dernier moment, la certitude que l’événement aurait lieu pour engager les coûts et le temps passé à s’inscrire, gérer le déplacement, s’assurer d’un risque acceptable, un minimum maîtrisé.

Laurent-Pierre Gilliard a très bien décrit dans cet article, le protocole mis en oeuvre, grâce à l’ensemble des prestataires avec qui nous travaillons en confiance, depuis de nombreuses années. Il n’en reste pas moins que le budget s’en est trouvé impacté de près de 25% !

Par contre, pour les personnes présentes, quel plaisir de pouvoir se voir, se parler, presque se toucher, bien évidemment à travers un masque, mais cela change tout !

Nous avions l’habitude depuis déjà plusieurs années, grâce à notre prestataire vidéo, de retransmettre sur Facebook ou Youtube la quasi intégralité des débats en live. La jauge réduite cette année, et les craintes ou interdictions qui ont empêché de nombreux fidèles de faire le déplacement cette année nous avait conduit à envisager une prestation plus qualitative, devenue payante afin de combler en partie le surcoût évoqué.

C’est probablement une des conclusions que nous pouvons d’ailleurs tirer de ces derniers mois : les organisateurs d’événements sont probablement aujourd’hui condamnés à prévoir une retransmission plus qualitative, et probablement s’attendre à une baisse de la fréquentation présentielle en faveur du distanciel, quitte à le faire payer. Les modèles économiques vont devoir s’adapter dans cette filière également, et les régies se renouveler.

Et vous, qu’envisagez-vous pour les mois à venir ?

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Ludovic a démarré sa carrière en Auvergne, à l’Agence Régionale de Développement, puis dans un cabinet conseil sur les stratégies TIC des collectivités locales. Il a rejoint en 2002 l’Ardesi Midi-Pyrénées (Agence du Numérique) et a plus particulièrement en charge le tourisme et la culture. C'est dans ce cadre qu'il lance les Rencontres Nationales du etourisme institutionnel dont il organisera les six premières éditions à Toulouse. À son compte depuis [...]
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