N’oublions pas les futurs possibles, mais comment ?

Publié le 19 février 2024
9 min

Un truc me taraude… Comment faire en sorte que le dernier article de veille que j’ai mis en « non lus » ne passe pas aux oubliettes.
Un truc me taraude… Comment faire en sorte que les derniers travaux délivrés à l’automne sur les futurs possibles pour le réseau des organismes de tourisme ne tombent pas aux oubliettes ? … entre la collection des rapports et études à télécharger en ligne, le fillll de nos mails, le fillll des publications LinkedIn et les nombreuses rencontres professionnelles qui ajoutent et ajoutent de la matière à la matière.

Des solutions, je n’en vois pas 36. En parler, essaimer et surtout le faire en mettant en discussion les choses pour comprendre ce qui se joue et ne pas juste consommer. Aujourd’hui, je vous partage donc deux éléments. Tout d’abord l’exemple d’une méthode pour favoriser la prise de connaissance et l’échange à tous les étages des équipes et des gouvernances autour de la prospective. En 2h15 (sans passer par la case conférence). Puis, dans un second temps, l’analyse des apprentissages partagés par 160 participants qui sont passés par ces temps de prise de connaissance et de mise en discussion ces dernières semaines. En bonus à la fin, le kit d’illustrations utilisé.

Rappel :
Fin septembre 2023, les travaux de la commission prospective d’ADN Tourisme sont livrés au réseau et partenaires. Elles sont en libre accès, fruit de presque 3 années d’allers-retours entre groupes de travail et ressentis du terrain sur les orientations. A l’automne aussi, Atout France livre ses travaux sur la prospective dans le tourisme. Il y a 4 ans, l’ADEME partage ses scenarii également.

Des ressources disponibles sur ces productions :
Article sur ADN Tourisme
Article pour Atout France
Article sur ce blog
Conférence en ligne
Collection de podcasts illustratifs

Un exemple de méthode pour des apprentissages partagés

Cette méthode, c’est un clin d’œil à 11 rendez-vous départementaux menés ces derniers jours en Nouvelle-Aquitaine. Les ingrédients :

  • Une « salle apprenante » pour lire, écouter, s’immerger. La salle se recompose en affichant aux murs illustrations, textes, chiffres clés, liens vers des audios, questions en lien bien sûr avec la thématique.
  • 6 temps avec les participants
  • Temps 1 : en collectif, un tour de parole permettant à chacun d’exprimer pourquoi il est là aujourd’hui (10 min)
  • Temps 2 : en collectif, un temps court de l’animateur pour donner d’où vient le sujet, le cadre de la séquence et sa durée (5 min)
  • Temps 3 : en individuel, les participants déambulent librement dans la pièce pour prendre connaissance des productions (sur la prospective) dans le temps imparti (30 min). Ils s’appuient sur une trame préparée pour des prises de notes qui aideront les séquences suivantes.
  • Temps 4 : en sous-groupes, les participants échangent ensuite sur ce qu’ils ont récoltés (45 min). Cet espace de discussion avec un nombre de participants limité garanti l’expression et l’écoute de chacun pour échanger sur le fond des travaux découverts ou redécouverts. Une étape essentielle pour s’approprier les choses et comprendre ce qui est ressenti, lu, entendu, vécu. Chaque sous-groupe a alors à produire une fiche de notes sur les enseignements tirés depuis le début pour 3 entrées : leur territoire, leur organisation, leur équipe.  
  • Temps 5 : retour en collectif pour récolter les apprentissages. Thème après thème, les groupes partagent leurs enseignements, enrichissent ceux des autres. Ces derniers sont alors notés sur un mur et donc accessibles à tous (35 min).
  • Temps 6 : en collectif, un tour de parole pour partager en une phrase le ressenti de la séquence (10 min)

        Ce cheminement en 6 temps permet d’aller progressivement du ressenti individuel à la prise en compte des différents ressentis individuels dans un collectif. Les principes de réciprocité et d’attention envers chacun fait monter une prise de conscience collective, décuplée pour plus tard. Pourquoi ? Car tous ces participants sont collègues, partenaires, co-décisionnaires, exercent des missions et métiers différents mais complémentaires pour les décisions à venir sur ces futurs possibles pour leur territoire, leur organisation, leur équipe.

        La synthèse de ces apprentissages partagés

        La suite du billet propose une synthèse des échanges de 160 participants représentant 95 organisations différentes, tous travaillant dans les organismes institutionnels du tourisme et avec des profils de métiers variés (39 % sont en poste de directions / responsables). Cette analyse se fait en trois temps avec le volet territoire, le volet organisation et le volet équipe. Elle s’appuie sur des enjeux cités et décrits, sans prétention de donner ici des solutions.

        Synthèse des apprentissages face aux scenario prospectifs – volet territoire

        • Affirmation identitaire territoriale : Dans un contexte concurrentiel qui semble s’accroître, les territoires touristiques souhaitent affirmer leur singularité et se doter d’une stratégie de différenciation claire. Cela impliquerait une réflexion plus approfondie sur les potentialités spécifiques de chaque territoire. La fin de quelques copié-collé entre territoires au passage, parfois pour être attractif, parfois pour se recentrer sur son équilibre territorial et non concurrentiel.
        • Redéfinition des découpages territoriaux : L’adéquation des découpages territoriaux actuels avec les scénarii prospectifs semble questionnée. Dans la dernière ligne droite de la mission Woerth sur les compétences des collectivités et la décentralisation, cet enjeu sera scruté ces prochaines semaines. Là où c’est nécessaire, une réflexion sur la pertinence de nouvelles organisations spatiales s’entendra pour répondre aux défis de la planification et de la gestion touristique, et des ressources.
        • Durabilité et accessibilité du tourisme : Le développement d’un tourisme durable et accessible est vu comme une priorité absolue. La sensibilisation n’est plus de mise mais la mise en place de solutions concrètes. Le développement du tourisme local et de proximité, plus respectueux des territoires et des populations locales, ressort comme LA piste prometteuse.
        • Préservation des ressources naturelles : La préservation des ressources naturelles constitue bien évidemment comme un enjeu majeur pour l’avenir des territoire. Protéger les espaces naturels d’une part et sensibiliser réellement les voyageurs et habitants apparaissent comme une action indispensable. Une mission.
        • Collaboration et mutualisation : La collaboration et la mutualisation des moyens entre les acteurs du territoire, tant publics que privés, sont des leviers essentiels. Mais comment si nous fonctionnons comme avant ? Cela implique le développement d’une culture partenariale et la mise en place de mécanismes de coordination efficaces, donc observer, analyser et modifier si nécessaire. Un chantier à lui tout seul pour accompagner les postures et les savoir-faire, les ancrer dans le temps aussi bien techniquement que politiquement.  
        • Implication de la population locale : L’implication de la population locale dans la gestion du tourisme apparaît essentielle pour garantir équilibre et respect des identités locales. La participation peut prendre différentes formes, telles que la consultation, la mise en place de comités de suivi, le développement de projets touristiques participatifs ou encore l’intégration des habitants dans les gouvernances des OGD.
        • Rééquilibrage des flux touristiques et saisonnalité : La question du rééquilibrage des flux touristiques et de la réduction de l’effet de saisonnalité reste un sujet bien qu’ils ne concernent pas tous les territoires. Cela implique la mise en place de stratégies de diversification de l’offre, d’étalement des flux sur l’année et de promotion des destinations en dehors des périodes de pointe.
        • Risque de fracture territoriale : Le développement et les impacts (positifs et négatifs) inégaux du tourisme accroissent les fractures et inégalités territoriales. Les politiques d’aménagement du territoire au service de tout usager, le développement touristique au service de l’inclusivité et des solidarités garantiront peut-être un développement territorial équilibré. A l’inverse, la privatisation croissante des espaces touristiques est vue comme une menace sur la diversité de l’offre et l’accès aux loisirs et aux vacances.
        • Dépendance aux technologies : L’essor des technologies dans le secteur du tourisme amènent des questionnements profonds entre évolution (toujours) et des effets néfastes sur l’emploi et les interactions humaines si elles ne sont pas accompagnées.
        • Pression sur les ressources : La prise de conscience sur la problématique des ressources est claire. Le questionnement se recentre particulièrement sur le rôle à jouer concernant les conflits d’usage que cela génère.

        Synthèse des apprentissages face aux scenario prospectifs – volet organisation

        • Collaboration et mutualisation :  Cela implique le développement d’une culture partenariale accrue et la mise en place de mécanismes de coordination efficaces, sur le long terme. Les organisations touristiques doivent veiller à préserver leur identité et leur autonomie dans le cadre des collaborations et des mutualisations.
        • Amélioration de la performance des organisations : par l’acquisition de pratiques de coopération, de mutualisation et de collaboration.
        • Développement des compétences : Les organisations touristiques doivent investir dans le développement des compétences de leurs collaborateurs. Les collaborateurs du tourisme doivent avoir la possibilité de se former tout au long de leur carrière pour s’adapter aux changements du secteur et développer de nouvelles compétences.
        • Gouvernance participative et inclusive : La gouvernance des organisations touristiques doit être plus participative et inclusive, en associant concrètement les habitants dans la gouvernance comme les acteurs économiques.
        • Innovation et transformation numérique : Il est bien sûr question de l’intégration des nouvelles technologies, et notamment de l’intelligence artificielle, et des prochaines à venir. Il s’agit de veiller à ne pas à créer ou encore accélérer de nouvelles formes d’exclusion.
        • Adaptation face aux ruptures : Les organisations affrontent régulièrement des ruptures et il s’agit d’apprendre collectivement et régulièrement sur comment elles ont été gérées précédemment. Une pratique interne utile pour faire face aux prochaines ruptures qu’elles soient à nouveau climatiques, sociales, géopolitiques, technologiques, sanitaires ou liées au rapport au travail. 
        • Responsabilité sociale et environnementale : Même si la notion n’est pas appropriée pleinement, les organisations touristiques doivent se questionner sur la responsabilité sociale et environnementale.
        • Financement durable : Le développement d’un tourisme « durable » et « responsable » nécessite de se questionner sur les modèles économiques existants, ou à créer, et des sources de financement pérennes. Questionner sa trajectoire budgétaire à 4 ans est un premier pas pour se questionner sur le sujet.

        Synthèse des apprentissages face aux scenario prospectifs – volet équipe

        • Adaptation et transformation des métiers et des missions : Les équipes du tourisme doivent s’adapter aux mutations technologiques, environnementales et de plus en plus sociétales. Cela implique de développer de nouvelles compétences, d’intégrer l’IA de manière responsable, de repenser les organisations du travail et d’acquérir des compétences de médiation.
        • Polyvalence et adaptabilité : Pour un fort pourcentage du réseau travaillant dans des organisations avec un nombre d’ETP peu élevé, les salariés doivent être polyvalents et capables d’acquérir de nouvelles compétences en permanence. Ils s’adaptent aussi à de nouveaux environnements de travail et à des modes de travail plus flexibles.
        • Équilibre vie professionnelle / vie privée : La conciliation entre vie professionnelle et vie privée est devenue majeure. Améliorer la qualité de vie au travail et réduire le stress ne sont pas des options pour souhaiter rester en poste.
        • Travail collaboratif et transversalité : Le travail collaboratif et la transversalité sont des compétences à acquérir en interne et avec les parties prenantes (mobilité, sport, loisirs, santé, alimentation, économie sociale et solidaire…). Le partage de compétences est une des clés.
        • Sens et motivation : Le travail dans le tourisme doit être source de sens et de motivation pour les équipes. Un sujet de fond à traiter quand on questionne les étudiants sur leur souhait de travailler dans notre secteur.
        • Exclusion des moins qualifiés : L’évolution des technologies et des compétences, puis la forte polyvalence, peuvent exclure les collaborateurs les moins qualifiés. Il est important de mettre en place des mesures d’accompagnement et de formation pour garantir l’inclusion de tous.
        • Surcharge de travail : L’accélération permanente du temps, l’augmentation des tâches, les indispensables collaborations en œuvre pour faire face aux équilibres budgétaires et organisationnels peuvent conduire à une surcharge de travail.
        • Rémunération et conditions de travail : Les rémunérations et les conditions de travail dans le secteur du tourisme doivent être attractives pour attirer et fidéliser les talents.
        • Développement de nouvelles compétences :  Ces scenarios prospectifs marquent une évolution certaine du secteur du tourisme et offrent de nombreuses opportunités pour développer de nouvelles compétences.
        • Valorisation des compétences humaines : Malgré tout, l’humain reste encore et toujours au cœur de l’expérience client. Les compétences humaines, telles que l’empathie et la créativité seront valorisées.

        Bonus

        En bonus, le kit d’animation, extraits des travaux de la commission prospective d’ADN Tourisme, remis en forme par l’équipe de la MONA et repartagé en accès libre au plus grand nombre.

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        Stimuler, écouter, conseiller, animer, former, partager, apprendre... est mon quotidien professionnel appliqué au secteur de la formation et du tourisme. Il s'agit de favoriser l'adaptation des compétences, des missions et des organisations en perpétuelle transition. Depuis 2009 au sein de la Mission des Offices de tourisme de Nouvelle-Aquitaine (MONA), son directeur depuis 2020, les secteurs d'interventions et d'exploration évoluent continuellement : transition managériale, transition numérique, transition durable, marketing de services, [...]
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