Homo-sapiens est un mammifère, les touristes sont des homo-sapiens, donc les touristes sont des mammifères. Quelques variations sur notre rapport au Vivant…

Écouter les saisons
Notre société nous a progressivement appris à l’oublier, mais nous faisons nous aussi partie du vivant, des écosystèmes, dont nous sommes une espèce parmi des millions d’autres. L’évolution a fait que nous sommes désormais une espèce un peu « différente », mais les temps où nous vivions en symbiose avec la nature ne sont pas si lointains, certains rares peuples qui sont encore chasseurs cueilleurs continuent à le vivre au quotidien.
Rappelons que si nous avons 98% d’ADN commun avec les chimpanzés nous en avons aussi près de 80% avec les vaches, et plus de 50% avec les insectes, sans parler des végétaux.
Tout cela pour rappeler que le « roseau pensant » de Blaise Pascal garde dans ses cellules toute une histoire, qui a laissée de nombreuses traces et souvenirs. Nous devrions plus souvent les écouter.
La vie au rythme des saisons par exemple a été progressivement estompée, nous mangeons de tout toute l’année, nous partons au soleil au bout du monde en hiver, et nous voudrions pour nos territoires un tourisme à l’année. C’est oublier qu’il est inscrit dans nos gènes, à nous habitants des zones tempérées, qu’il est des périodes qui sont faites pour ralentir, laisser se « reposer » la nature pour mieux repartir au printemps. Certains mammifères hivernent, des oiseaux migrent vers le Sud, les végétaux ralentissent leur croissance, pourquoi ne faisons-nous plus de même ?
Nous professionnels du tourisme (hors territoires urbains) nous « lamentons » souvent que les saisons sont trop courtes, que beaucoup de professionnels ferment en période creuse, et la « martingale » très souvent proposée est de proposer un « tourisme quatre saison ». Mais en définitive il s’agit peut-être au contraire de « prendre acte » que certaines périodes sont destinées à autre chose, à laisser se régénérer le « vivant » sous toutes ses formes, et à imaginer un modèle économique qui combine le tourisme et d’autres métiers pour « qu’emploi à l’année » ne rime plus forcément avec « tourisme à l’année ».

la décomposition et la pourriture, sources de nouveaux contenus ?
Nous nous sommes tellement éloignés du vivant que nous sous sommes affranchis de tout lien avec la chaine alimentaire, allant jusqu’à bruler nos corps ou les enfermer dans des boites pour qu’ils ne puissent pas nourrir d’autres espèces et enrichir l’humus.
Cette idée que nous pourrions « pourrir » nous révulse, nous, « êtres supérieurs » tel que nous l’ont enseigné les grandes religions monothéistes et la plupart des philosophes « classiques ».
La littérature foisonne de textes et citations évoquant ce sujet, de manière négative, le plus connu étant probablement le nihiliste Voyage au bout de la nuit de Céline, et l’on, sait, hélas, où l’ont conduit ces idées nauséabondes.
Mais il y a un autre chemin, la pourriture source de vie, la décomposition qui crée les conditions de la renaissance des individus. La « pourriture noble » qui conduit au Sauternes est un exemple parmi beaucoup d’autres des bienfaits de la décomposition et du travail des bactéries.
Et dans le tourisme, quels enseignements en tirer, n’avons-nous pas dans nos archives et nos disques durs nombre de contenus « morts » qui pourraient utilement servir de substrat pour faire vivre à nouveau de belles histoires, les hybrider, servant finalement « d’Humus numérique » à même d’alimenter d’autres pensées créatives ou même soyons fous des IA génératives ?
Il existe également encore une multitude de « matières » du passé dans les réserves des bibliothèques, des musées, des archives, ou même dans les greniers, qui ont échappé à la numérisation et pourraient d’une manière ou d’une autre nous alimenter pour créer non pas à partir de rien mais en « digérant » textes, images, sons ou objets pour en faire « autre chose » , contributif de cette « chaine du savoir », avatar humain de la « chaine alimentaire » où tout ce qui est digéré réalimente un cycle immuable.
Une matière inépuisable, une autre manière de penser le vivant ?