Le tourisme régénératif pour accompagner les destinations vers plus de résilience

Publié le 21 mars 2023
5 min
Cet article est inspiré par une conversation que j’ai eue avec Loic Coissin de la Mona sur le rôle des Organismes de Gestion de la Destination dans l’accompagnement du changement et l’utilisation des méthodes design pour enclencher l’action.

Le réchauffement climatique, un levier de changement

Notre planète change… vite, trop vite ! et il y a urgence à changer nos façons de faire si nous voulons continuer à habiter dans un monde vivable, et pas seulement visitable.

Vouloir préserver l’environnement tout en accueillant toujours plus de touristes est un non sens : le secret des destinations florissantes résidera dans leur capacité à contrôler les flux et à ne pas dépendre uniquement de cette manne pour maitriser leur destinée.

Pour  les visiteurs,  habitants, institutions, socio professionnels…- chacun d’entre nous- , la question n’est plus « en quoi  puis je contribuer à moins abimer l’environnement local ? », mais « comment  puis je être acteur de sa régénération ? « , comment transiter de « moins mauvais« – ce que promet le développement durable- à « meilleur» pour changer de  modèle et guider la transition vers  davantage de résilience.

Chacun à son niveau doit prendre sa part de responsabilité pour agir dans un sens qui permettra de tenir les engagements de changement … et pas seulement de durabilité mais d’impact positif et de régénération, c’est à dire de réparation du vivant, hommes et Nature.

Partir du cadre général

Par exemple, dans le schéma touristique de la Bretagne 2020/2024, l’ engagement #13 s’inscrit dans une stratégie de transformation et donne des indications sur la nature des projets que les destinations peuvent conduire : « Susciter des modèles qui incitent le visiteur à agir consciemment ou inconsciemment en faveur des transitions » Le cadre étant posé (descendant), les acteurs sur le terrain peuvent s’en emparer et co construire les meilleures solutions en lien avec les spécificités locales (ascendant).

Les OGD, pilotes du changement sur le terrain

Pour articuler le niveau de l’intention avec celui de l’action- les Organismes de Gestion de la Destination (OGD) ont un rôle essentiel de courroie de transmission car ils sont en première ligne pour mobiliser les acteurs du tourisme autour de dynamiques  positives en partant du contexte local : le fait de les confronter aux enjeux écologiques propres à la destination permet d’ancrer les échanges dans le réel et de renforcer le sentiment d’appartenance à une communauté et donc l’engagement.

Grace à cet ancrage,  ils ont la capacité et la légitimité de piloter des programmes de mobilisation citoyenne largement ouvertes sur leur écosysteme -et pas seulement d’amélioration des pratiques internes-. L’acculturation et le partage sont essentiels dans ces démarches : les OGD peuvent aussi animer des communautés de pratique et de savoir pour favoriser les transmission, la capitalisation et la réplication des bonnes pratiques.

S’inspirer de ce qui existe déjà

Comme d’habitude dans les approches d’innovation, la question qui vient après est  ‘comment fait-on pour mettre en place une démarche d’impact positif et de régénération à l’échelle d’un territoire ? ‘ Voici quelques pistes inspirées des expérimentations en cours en Tasmanie, en Ecosse, aux iles Féroe… et des  territoires  que nous avons accompagnés avec des méthodologies design, pour un meilleur engagement  dans des trajectoires de « change for Good » avec des méthodologies collaboratives et ecosystémiques.

L’expérimentation de tourisme régénératif de Flinders Island – Tasmanie

Il y a plusieurs façons d’aborder cette question : par les outils et méthodes ou par la problématique. Nous préférons la problématique, plus concrète et plus facile à saisir pour des acteurs qui ne maitrisent pas toujours le design thinking mais qui apprécient de travailler de manière cross fonctionnelle et créative.

Poser la problématique

Voici quelques exemples de problématiques :

  • Comment le tourisme peut-il relever les défis sociaux et environnementaux de notre territoire ?
  • Comment le tourisme peut-il aider la Nature à retrouver sa vigueur sur notre territoire ?
  • Comment pouvons-nous faciliter le changement de mentalité au sein de nos communautés ?
  • Comment pouvons-nous dépasser les clivages en matière de connaissances pour favoriser des conversations constructives ?
  • Comment créer les conditions d’une connexion véritable avec la nature, qui transforme l’attitude des visiteurs à son égard ?

Il faut cependant garder  en tête que le vrai problème n’est probablement pas celui qui a été énoncé en premier et qu’il se cache derrière d’autres problèmes que la phase d’exploration permet de démêler, une interview, un atelier après l’autre.

Raconter la belle histoire

Ensuite, le narratif de la destination doit  moins tourner autour des canaux de distribution,  des outils d’acquisition ou des plans de développement qu’autour des valeurs partagées, des réseaux locaux de valeur, de l’esprit du lieu, de la création de richesse humaine…Déconstruire, désapprendre, renoncer… l’état d’esprit est important, la culture du changement aussi.  Il est plus que temps d’abandonner cette vision industrielle du tourisme faite de statistiques, de taux de croissance, de durée moyenne de séjour où la Nature est une ressource publique, un « asset »  à la disposition du  visiteur et exploité par les professionnels de la destination pour générer satisfaction et préférence.

J’ai moi même longtemps défendu l’approche design dans le tourisme pour créer de la valeur économique via la satisfaction du visiteur, mais je reconnais que la nouvelle économie du tourisme en intégrant davantage le vivant –homme et Nature-, devra produire d’autres formes de valeur -par exemple, écologique, biologique, climatique, psychologique, sociale, culturelle, etc. – Ce changement de paradigme est la condition pour adresser les nouveaux besoins des visiteurs en terme de responsabilité environnementale, de justice sociale, d’éthique et de sens .

Et dérouler la démarche design

Pour ce qui est de la démarche en elle même, il s’agit des classiques étapes d’un processus design :1/ explorer (apprendre, identifier les enjeux, les challenges) 2/ comprendre  (les situations des parties prenantes, leur lien d’appartenance au territoire…) 3/ poser le cadre des valeurs et de la vision 4/ co créer les actions (les initiatives régénératives),  5/ prototyper les actions, (incuber les projets, partager les insights…) 6/ construire les compétences et former aux nouveaux métiers.

Certes tous les territoires ne sont pas éligibles à la régénération et à l’impact positif car tous n’ont pas de problématique liée à la dépendance au tourisme et à la dégradation des environnements. Mais pour ceux qui rencontrent ces situations, choisir le tourisme régénératif par l’approche design est la meilleure façon d’obtenir des consensus rapidement et de manière collaborative.

Pour en savoir plus sur les projets de tourisme régénératif :

Nordic Regenerative Tourism

Local2030 Islands Network

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Laurence est designer de service et expert en expérience visiteur. Elle dirige X+M un studio spécialisé dans l'innovation positive. Au cours de ses missions, elle a accompagné de nombreux territoires -Ile de la Réunion, Finistère, Normandie, Cognac, Val d'isere, Val Thorens, Les Ménuires.....-mais aussi des structures de loisirs -Futuroscope, Océanopolis, la Cité du Vin..- Formée B Leader (B Corp), elle accompagne les changements de modèles d'affaire en lien avec la [...]
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