#ExploreParis, un bel exemple de « l’extension du domaine de la lutte » des OGD

Publié le 16 décembre 2020
6 min

On me pardonnera, enfin je l’espère, cette référence « houellebecquienne » pour vous parler de cette plateforme de réservations de visites guidées insolites, initiée et gérée par les OGD (Organismes de Gestion de Destination) du Grand Paris. En effet, il me semble y repérer une certaine volonté des OGD d’investir un nouveau domaine pour séduire et attirer les visiteurs locaux ou lointains.

Il y a quelques semaines, une infolettre (newsletter…) s’infiltra dans ma boîte mail pour me vanter le passage au virtuel des visites proposées sur le site #ExploreParis en raison bien sûr de la crise sanitaire… 

Je me rappelai alors avoir remarqué il y a quelques temps l’info sur la naissance de cette plateforme de visites guidées et avoir noté son intérêt. Mais pris dans le flux des nouveautés, j’oubliai d’y revenir… Erreur !!!

Intrigué par ce passage au virtuel, je me décidai cette fois à enquêter en explorant le site #ExploreParis ….

Une multitude de visites historiques ou insolites y sont proposées pour engager les explorateurs vers des territoires souvent périphériques. 

En fin et intrépide limier je m’inscrivis discrètement à une visite guidée virtuelle d’Épinay-sur-Seine. L’expérience de l’inscription à la prestation fut fluide et convaincante.
De manière plus officielle je contactai François Roblot, Responsable du Service Etudes et Développement de Val-de-Marne Tourisme pour en savoir plus !

Bonjour François, peux-tu nous rappeler le point de départ de cette aventure ?

Explore Paris est une plateforme de réservation qui est née du Contrat de destination « Paris, la ville augmentée » signé en 2016 avec l’Etat, Atout France, l’Office de Tourisme et des Congrès de Paris, les Comités départementaux du tourisme de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, le Département des Hauts-de-Seine, la RATP, le Welcome City Lab, et l’IREST (Université Paris I). L’objectif de ce Contrat de destination est de renouveler et dynamiser l’image de la destination Paris en élargissant son périmètre géographique à l’échelle du réseau de transport métropolitain, et en y impulsant de nouvelles formes de tourisme urbain, à l’échelle de Paris et sa banlieue.

Cette plateforme de réservation a été mise en ligne au 1er semestre 2018 ; elle est notamment issue de la fusion des deux plateformes du Val-de-Marne et de la Seine-Saint-Denis, mais l’offre présentée est métropolitaine. Elle propose des offres de visites et loisirs sur l’ensemble du Grand Paris pour vivre des expériences insolites et participatives : visites, balades, croisières, ateliers, à la découverte du Grand Paris insolite, alternatif et méconnu…

Cette plateforme associe de nombreux partenaires locaux. Comment ça fonctionne pour assurer une expérience homogène ? 

En deux ans, et malgré la crise sanitaire qui frappe durement le secteur touristique, Explore Paris a proposé près de 8 000 visites insolites dans le Grand Paris sur des thématiques aussi variées que l’art dans la ville, la ville cosmopolite, les savoir-faire, la ville festive etc. Plus de 500 acteurs partenaires sont associés (guides, associations, artistes, collectivités, etc.).

Aujourd’hui, Explore Paris a un fonctionnement collaboratif original. D’un commun accord, la plateforme est gérée au quotidien par les deux CDT (Val-de-Marne et Seine-Saint-Denis) avec un travail de développement de l’offre, d’accompagnement des partenaires, de communication et de gestion de la boutique (technique, commerciale, relations clients). Le Département des Hauts de Seine aide au développement de l’offre sur son territoire et l’OTCP accompagne la communication et la promotion de cet outil. Au 1er janvier 2021, un GIE sera d’ailleurs mis en place pour faciliter la gestion de cette boutique.

Le positionnement est clair et chaque proposition à relayer ou commercialiser nécessite un contact avec nos équipes pour vérifier le contenu et l’intérêt des propositions. Avant la mise en ligne, nous essayons d’avoir le plus d’échanges possibles et testons le plus possible les offres proposées pour estimer la qualité des offres.

Bien sûr on voudrait connaître l’économie du projet

Depuis juin 2018, 102 000 visiteurs (habitants, Franciliens, Français et touristes internationaux) ont permis de générer 736 000 € de chiffre d’affaires aux acteurs partenaires.

Les recettes sont reversées à nos partenaires. Bien entendu, nous avons des commissions qui restent limitées et dont l’objectif est de couvrir les frais bancaires et une petite partie des coûts du développement technique de la plateforme et du temps humain consacré à la gestion de la boutique. Explore Paris n’est pas uniquement une plateforme de réservation. Il s’agit d’un vrai outil de développement touristique au service du territoire. Il intègre une offre de service incluant du conseil, de l’accompagnement, de la communication et de la commercialisation. Cette transversalité fait partie de nos compétences et de nos missions de service public pour valoriser une offre qui n’aurait sans doute pas été autant valorisée sans Explore Paris.

Avec un peu de recul maintenant et par rapport à l’ambition de départ, peux-tu nous dire franchement ce dont tu es vraiment fier et ce qui n’a pas pris ?

Ce dont je suis le plus fier, c’est le travail collectif et de collaboration établi non seulement pour la mise en œuvre de ce projet mais aussi quotidiennement avec nos partenaires. Nous avons créé un réseau avec lequel nous pouvons échanger facilement et nouer des relations de confiance. Nous avons l’impression d’être utiles à ses acteurs. Nous aidons des acteurs, souvent éloignés du monde du tourisme à se professionnaliser et grandir et nous participons à la mise en tourisme de territoires peu identifiés et investis par les professionnels classiques du tourisme.
Grâce à cela, nous avons su nous adapter collectivement pendant cette crise sanitaire, qui touche durement ces petites structures fragiles économiquement, avec la création et la mise en place de visites virtuelles qui ont su trouver leur public progressivement (une centaine de visites virtuelles proposées, 1 300 visiteurs).
Par ailleurs, la reconnaissance rapide de cet outil par le public et les professionnels est aussi une vraie satisfaction.

Le point d’amélioration concerne sans doute notre capacité à toucher le public international. La forte concurrence internationale entre les métropoles incite à promouvoir les incontournables de la destination aux dépens de la valorisation d’une offre plus alternative et induit une hyper concentration des flux des touristes étrangers dans le centre de Paris. Les changements de comportements observés lors de cette crise (remise en cause du surtourisme, développement du slowtourisme et d’un tourisme porteur de sens) feront peut-être bouger les choses.

Des projets d’évolution ?

Nos évolutions vont sans doute concerner les nouveaux publics que nous souhaitons toucher. Les difficultés sociales soulevées lors de cette crise nous interrogent sur les publics éloignés de la culture, du tourisme et des loisirs et les publics en difficulté.
Nous souhaitons pérenniser les visites virtuelles développées afin de toucher ces publics éloignés comme les EPHAD, le public sénior en général ou encore les prisons. Pour le public en difficulté sociale, nous allons travailler en partenariat avec l’ANCV non seulement avec l’acceptation des chèques vacances par Explore Paris mais aussi par le développement du réseau sur notre territoire.

Merci beaucoup François pour toutes ces précisions éclairantes et félicitations à toutes les parties prenantes pour ce beau succès.

En cette période d’exploration des possibles pour définir un « nouveau tourisme », on peut voir là quelques pistes très intéressantes :

  • au delà de la « vitrinisation » classique des attraits touristiques, la formalisation d’une offre de découvertes insolites, signifiantes et « vraies » ;
  • un ciblage global, mêlant touristes et habitants ;
  • la fédération et l’animation d’une large communauté pour accueillir les visiteurs et donner à voir le territoire ;
  • l’agilité des acteurs pour développer des offres adaptées au contexte du moment. On peut d’ailleurs se demander si les balades ou conférences virtuelles ne devraient pas être pérennisées comme produit d’appel…

Pour les OGD, c’est bien là une « extension du domaine de la lutte » chère à Houellebecq pour développer une offre en phase avec les évolutions de la demande que l’on pressent et que l’on voit même frémir avec plaisir !

Pour le territoire, c’est en quelque sorte une révélation, un « Deviens qui tu es » très nietzschéen !

Décidément #ExploreParis m’embarque dans des pensées bien positives, et rien que pour ça, je dis bravo !

 

 

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Paul FABING était directeur de la Mission Attractivité chez Alsace Destination Tourisme.  Architecte de formation, ancien consultant tourisme, chef du service Tourisme de la Région Alsace, directeur de RésOT-Alsace (Réseau des offices de tourisme), directeur du pôle Qualité de l'accueil à l'Agence d'Attractivité de l'Alsace (AAA), il occupe cette fonction depuis 2020. Entre autres missions, la Mission Attractivité gère et anime le système d’information touristique alsacien qui consolide l’ensemble des [...]
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