Carte blanche à Laetitia Varenne

Publié le 25 octobre 2023
8 min

J’ai eu le plaisir de recontrer Laetitia Varenne, directrice et fondatrice de l’agence CYBELE EVASION et de l’organisme de formation C’FACT quelques mois après mon exode urbain montpelliérain et mon installation dans la campagne poitevine il y a 3 ans déjà.

Nous avons échangé à plusieurs reprises lors de différentes rencontres professionnelles touristique locales. Puis l’idée a germé de monter en commun un programme de formation pour les pros du tourisme et des loisirs. Un programme encore en cours de développement pédagogique qui mêle nos 2 approches complémentaires 😉

Partageant une vision assez similaire sur bien des sujets, j’ai souhaité lui laisser aujourd’hui carte blanche dans cet article afin qu’elle puisse s’exprimer sur un de ses sujets de prédilection !

La parole est à Laetitia !

Two bins or not tWo bins ? (that is the question…)

Parmi les différents défis environnementaux du tourisme (limiter l’empreinte carbone, préserver les ressources naturelles et la biodiversité, veiller à la qualité de l’air…) figure la réduction et la gestion de nos déchets.

Les activités touristiques sont très productrices de déchets. En France, elles généreraient 4,8 millions de tonnes de déchets par an. Et même si l’on considère qu’un citoyen produit des déchets qu’il soit chez lui ou sur un lieu de villégiature, 80% de la fréquentation touristique est concentrée sur 20% du territoire. On comprend aisément les pressions logistiques et environnementales que cela peut occasionner sur sur une destination.

Outre les activités de loisirs et de restauration, l’hébergement touristique contribue à l’augmentation des déchets en zone touristique. Ainsi, par exemple, une place de camping engendrerait une hausse de 126 kg d’OMR (Ordures Ménagères Résiduelles), un lit d’hôtel supplémentaire de 265 kg (1).

QUELLES CONSEQUENCES SUR L’ENVIRONNEMENT ET LA SANTÉ ?

Les déchets ont un impact sur le réchauffement climatique. En 2019, ils représentaient 3% des émissions des gaz à effet de serre sectorielles, face au transport (31%) ou à l’agriculture (19%).

Ce chiffre peut paraître faible, cependant le Commissariat général au développement durable indique que « 87 % des émissions de GES du secteur du traitement des déchets sont du CH4. Ce secteur d’activités représente un quart des émissions nationales de méthane. »

Le méthane étant le deuxième gaz qui contribue le plus au changement climatique (sa durée de vie du dans l’atmosphère est plus réduite que celle du CO2, mais son pouvoir réchauffant est bien plus élevé !), il est nécessaire de réduire rapidement à la fois les émissions de CO2 et celles de méthane pour limiter les effets du réchauffement climatique.

Une autre problématique est que de nombreux déchets, en particulier les plastiques, ne sont ni recyclés ni valorisés et se retrouvent soit dans les océans (au point de symboliser un 7ème continent d’une surface supérieure à 6 fois la France !), soit dans des pays à faibles moyens faisant l’objet de « colonialisme des déchets » comme l’explique l’association Zéro Waste France dans cet article.

Or les microparticules de plastique qui résultent de leur décomposition se retrouvent à la fois dans les océans et en suspension dans l’air que nous respirons. Ce qui n’est pas sans conséquence sur la santé des êtres vivants (biodiversité marine, santé humaine…) Je vous invite à lire cet Article du National Géographic et vous souhaite un bon appétit :-).

La bonne nouvelle (oui il y en a aussi !) est que l’accès aux solutions n’est pas entre les mains de 10% de la population mondiale ou 36% des Français comme peut l’être l’avion (ceux.celles qui me connaissent comprendront ce parallèle). Non, la question des déchets concerne :

  • 100% des citoyens,
  • 100% des voyageurs,
  • 100% des professionnels du tourisme.
  • Nous avons donc TOUS la possibilité d’agir.

(1) d’après une étude du ministère de l’écologie (2014)

AGIR, CHACUN À SA MESURE

Des solutions existent et de nombreux acteurs du tourisme sont pro-actifs en matière de démarche « zéro-déchet ». Quelques idées/exemples de bonnes pratiques, à partir de la fameuse règle des 5 R :

1. REFUSER tous les produits à usage unique et privilégier le vrac

  • Dans les hébergements touristiques, de plus en plus de petits-déjeuners sont proposés avec des produits en vrac, en limitant au maximum les emballages individuels. Exemple : Dans certains hôtels du groupe Accor, la pâte à tartiner (sans huile de palme) est proposée en vrac, avec des petits contenants comestibles. Autre exemple : La Chambre d’hôtes le Clos des Moulins à Poitiers, labelisée Clef Verte, sert chaque matin un petit-déjeuner zéro-déchets à ses hôtes.
  • Refuser les emballages ou cadeau « offert » dont on n’a pas besoin. Exemple, le « tot bag » : la fausse bonne solution écologique expliquée ici en vidéo.
  • La sobriété est le maître-mot à tous les étages de la transition écologique

2. REDUIRE la consommation de biens

Lorsqu’un hébergement met à la disposition de ses clients des distributeurs rechargeable de gel douche et de savon, il diminue de manière significative sa production de déchets.

Pour les activités sportives ou de loisirs, éviter d’acheter du matériel neuf si ce n’est pas nécessaire et privilégier la location ou le prêt de matériel (canoë, paddle, ski, raquettes, …)

3. REUTILISER (REPARER) tout ce qui peut l’être

Transformer en chiffons des draps ou nappes usagées et leur donner une seconde vie !

Réparer votre mobilier professionnel, c’est plus écologique, plus économique et plus rapide que de le changer. Pour cela, la société Retouch’up est à votre service !

Pour vos événements, et avant chaque achat, penser « durée de vie » et « cycle de vie » est la clef de la durabilité !

Penser « économie circulaire » !
A l’inverse de l’économie linéaire qui consiste à « extraire, fabriquer, consommer et jeter », l’économie circulaire est fondée sur l’écoconception, la réparation, le réemploi et le recyclage. Les ressources utilisées et les dommages causés à l’environnement sont ainsi diminués.

4. RECYCLER tout ce qui ne peut pas être réutilisé

Le recyclage n’est possible qu’à partir du tri des déchets.

Pour cela, plusieurs sociétés proposent des solutions logistiques :

  • Seltibox propose des poubelles de tri sélectif fabriquées en France
  • Eco-action collecte tous types de déchets et dispose d’outils de collecte pour les entreprises.

Il est important de noter que cette étape n’apparait qu’en 4ème position, après avoir refusé, réduit et réparé. Le recyclage doit donc être considéré comme la gestion des déchets que l’on n’aura pas pu éviter, et non comme une fin en soi.

5 .« RENDRE A LA TERRE », composter tous les déchets organiques

Composter des déchets organiques, permet de :

  • Diminuer fortement le poids de la « poubelle noire »
  • Limiter l’impact du gaspillage alimentaire
  • Transformer un déchet en ressources : si vous avez un jardin, potager ou d’ornement, le compost est un amendement naturel et gratuit, à la portée de tous
  • Apporter une dimension pédagogique sur la vie du sol

Pour tout savoir sur un compostage réussi, Permaculture Design met à disposition ce guide complet.

Dans le cadre de la Loi anti-gaspillage de 2020, le tri des déchets organiques deviendra obligatoire pour les professionnels, les collectivités locales, les industriels et les particuliers à compter du 31 décembre 2023.

POURQUOI CERTAINS ACTEURS PEINENT-ILS ENCORE À S’Y METTRE ?

  • FREIN N°1 : Difficultés organisationnelles, logistiques et financières
    Travailler sur une politique d’achats responsables et intégrer une nouvelle gestion des déchets nécessite du temps et de l’énergie. Les problèmes de recrutement du secteur de l’hôtellerie-restauration ne sont pas facilitants pour mobiliser les ressources nécessaires. En effet, lorsqu’un hôtelier décide d’installer des poubelles de tri dans chaque chambre, se pose la question de la continuité du tri jusqu’au bout de la chaîne : les charriots des étages sont-ils équipés de bacs de tri ? les containers à disposition sont-ils adaptés ? L’installation de nouveaux outils ou la mise en place d’une nouvelle organisation interne nécessite parfois un accompagnement externe.
  • FREIN N°2 : Le manque d’informations ou de connaissances

Certains professionnels du tourisme n’ont pas encore eu/pris le temps de se former aux enjeux environnementaux. Le nouveau référentiel d’Atout France sur la classification hôtellerie devrait rectifier ce manque à court terme.
Toutefois, on peut observer dans certaines localités, un manque de communication entre la collectivité et les professionnels, ces derniers n’ayant pas une idée très précise des compétences de leur Communauté de Communes ou d’Agglomération en matière de déchets.

  • FREIN N°3 : Le manque d’outil pour sensibiliser les touristes

Si certains voyageurs espèrent trouver sur leur lieu de villégiature la possibilité de trier leurs déchets comme ils le font au quotidien, d’autres ne semblent pas concernés par ce sujet :

  • Soit parce que le tri sélectif ne fait pas partie de leurs préoccupations
  • Soit parce qu’ils sont en mode « vacances j’oublie tout » (« même le bon sens que j’ai d’habitude »)
  • Soit parce que leur lieu d’accueil ne dispose pas de poubelles de tri…
  • FREIN N° 4 : Manque de visibilité générale sur le traitement des déchets

Citoyens, touristes et professionnels se découragent parfois à trier leurs déchets car ils ne voient pas l’intérêt de faire des efforts si dans un deuxième temps, les déchets triés ne vont pas jusqu’au bout de la chaîne…

UNE SOLUTION A CHAQUE PROBLEME

  • FINANCEMENT
    Le Fonds Tourisme durable de l’ADEME accompagne et finance les projets de transition écologique des professionnels du tourisme, notamment l’installation de composteurs, la formation des équipes aux écogestes
  • COMMUNICATION PUBLIC/PRIVE
    Un temps d’échanges annuel entre les différentes parties prenantes permettrait sans doute une meilleure connaissance des compétences en matière de collecte et de traitement des déchets.
  • COMMUNICATION AUPRES DES CLIENTS/VOYAGEURS

L’ADEME propose un « kit écogestes » afin de sensibiliser le public aux bonnes pratiques. C’FACT (que je connais bien) a conçu des chevalets humoristiques à l’attention des hébergeurs touristiques pour inviter leurs clients à adopter des écogestes avec le sourire.
Exemple avec « Devenez tri-athlète, triez vos déchets ! »

Et pour revenir à notre question existentielle de départ « two bins or not two bins ? », peut-être pourrions-nous la poser au Roi Charles III,
très engagé dans la dépollution plastique des océans et qui avait dû reporter, en mars dernier, son 1 er voyage d’Etat en France, sur fond de
crise sociale et de rues jonchées de déchets…

La réponse, vous la connaissez ! Si 100% des gagnants ont tenté leur chance, 100% des déchets recyclés ont d’abord été triés 😉

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