Facebook teste actuellement un assistant personnel intégré à l’application de messagerie instantanée Messenger qui risque de révolutionner le service client. Avec la mise en perspective de l’application Wiidii qui propose déjà ce type de service, que faut-il retenir de cette annonce ?
Avant de rentrer dans le dur du sujet. Savez-vous quelle est l’application mobile, après Facebook, qui concentre le plus d’audience aux États-Unis en Juillet 2015 ? Et bien, je vous la donne en mille il s’agit de Facebook Messenger d’après ComScore. Au passage, Instagram racheté par Facebook se hisse à la 9ème place du classement. Il est nécessaire de préciser que Facebook a contraint les utilisateurs de son application principale à télécharger Messenger afin de pouvoir consulter et envoyer des messages privés. Frustrant pour l’utilisateur mais il faut reconnaître l’efficacité de la supercherie qui permet ainsi à Facebook de diversifier ses produits tout en leur assurant respectivement une audience folle.
Le 26 août dernier, David Marcus, VP Messaging Products chez Facebook, annonce sur son profil, le test de « M, un assistant numérique personnel intégré à l’application de messagerie instantanée Facebook Messenger. Il est alimenté par l’intelligence artificielle mais aussi supervisé par des humains ! »
Contrairement à d’autres services basés sur l’intelligence artificielle dans le marché (sous entendu : Siri par Apple, Google Now, Cortana de Microsoft et Alexa par Amazon), M peut accomplir différentes tâches pour le compte de l’utilisateur : acheter des objets, offrir des cadeaux à ses proches, réserver des restaurants, modifier des voyages, prendre des rendez-vous, etc.
Captures d’écran à l’appui.
Si l’annonce peut paraître brutale, l’Intelligence Artificielle (IA) fait partie des grands chantiers amorcés par Facebook. D’abord l’embauche de Yann LeCun à la tête du département de recherche sur l’IA puis l’installation d’un centre de recherche dédié et basé à Paris. Sans doute que le récent rachat de Wit.ai (une API de reconnaissance vocale pour les développeurs) est une nouvelle pierre à l’édifice.
Oui mais voilà, hormis quelques annonces et les mêmes copies d’écran qui tournent en boucle sur les médias, difficile d’en savoir plus. Un mystère aussi bien gardé que l’énigmatique personnage éponyme dans la saga James Bond. où M est le directeur du Secret Intelligence Service. Cela ne s’invente pas. L’application est actuellement testée en Californie, aucune information complémentaire sur une date d’ouverture au grand public.
De ce que l’on en sait, le fonctionnement de M n’est pas sans rappeler celui de l’application de conciergerie Wiidii qui avait été plébiscitée au concours de start-up #ET10. Décidément les français sont dans le peloton de tête en ce qui concerne l’IA. L’occasion était trop belle pour m’entretenir avec son fondateur Cédric Dumas à propos des dernières évolutions de Wiidii.
Depuis l’année dernière l’application a fait des émules dans le tourisme puisque Bordeaux et Cannes l’ont intégré comme un nouveau service apporté à leurs visiteurs.
Si un particulier peut s’abonner directement au service, le modèle économique de Wiidii s’inscrit principalement dans une logique BtoBtoC via des partenariats avec des destinations, groupes, marques qui proposent le service Wiidii à leurs clients. L’application mise par ailleurs sur son développement au delà des frontières françaises car les acteurs nationaux se montrent parfois plus frileux que leurs concurrents internationaux. Une chance pour la jeune pousse, elle fait partie des entreprises embarquées dans la “French Travel”, un collectif piloté par Matthias Fekl (Secrétaire d’Etat chargé du Commerce extérieur de la promotion du Tourisme et des Français de l’étranger) pour promouvoir l’excellence à la française en matière de tourisme. Rappelons que Matthias Fekl est accessoirement Conseiller régional d’Aquitaine, une fonction élective qui le rapproche assez naturellement des origines bordelaises de Wiidii.
5 entreprises & 1 partenariat sino-français. 9 mois de travail de la #FrenchTravel au service du #tourisme à #Canton pic.twitter.com/A6zyiuTsvT
— Matthias Fekl (@MatthiasFekl) September 9, 2015
Dans ce contexte international Cédric Dumas vient de signer un accord avec le premier groupe hôtelier chinois, Plateno. Avec d’autres déplacements prévus à Singapour, en Malaisie et en Espagne, puis au Mexique, Wiidii devrait rapidement prendre du galon et concrétiser une levée de fonds de 600 000 euros cet été. Parmi lesquels, 300 000 euros ont été dédié aux développements notamment sur l’intelligence artificielle qui va prendre de plus en plus de place. Les concierges humains seront toujours présents mais seront davantage sollicités pour leur savoir-faire, leur connaissance client, en rapport avec des tâches relativement simples que l’on peut laisser à la machine. Pour Cédric Dumas, le pari est que l’utilisateur ne perçoive plus la différence entre le concierge humain et la machine, pour que Wiidii se révèle comme un « double numérique« .
Wiidii signe un accord commercial avec @PlatenoGroup, n1 en Chine, en présence de Matthias Fekl & des médias chinois pic.twitter.com/fN0uWA3nY4
— Wiidii (@AssistantWiidii) September 9, 2015
Son avis sur la sortie de “M” est assez tranché. Pour lui, il s’agit d’une tentative à la Google Glass avec la même finalité celle de la mise au placard. Il lui paraît tout bonnement impossible que Facebook puisse offrir un service convenable face à plusieurs milliards d’utilisateurs. Ces derniers risquent de “polluer” le système avec des questions de tout ordre et sans réelle valeur ajoutée ni pour l’algorithme ni pour les concierges humains que Facebook prévoit d’embaucher. Là encore on manque d’éléments, qui sont-ils, combien seront-ils ? C’est aussi pour cela que Wiidii mise aussi sur un modèle BtoBtoC qui va lui permettre de répondre à une clientèle filtrée. Comme c’est le cas dans le cadre des contrats avec Cannes, Bordeaux et maintenant Plateno dont les besoins des clientèles sont plus simples (et sans doute plus intéressants) à traiter que le tout-venant des questions sur Facebook, j’ai tendance à le suivre quant on voit parfois le niveau des commentaires, sans être médisant ni méprisant.
Vous l’aurez compris, avec l’annonce de “M” on reste un peu sur notre faim. Pour autant ce n’est pas la fin mais le début d’un nouveau pari pour Facebook. Si son projet devait voir le jour, on peut facilement en percevoir les intérêts. Demain les marques pourraient être embauchées comme concierges numériques chez Facebook dès lors que l’on parle d’elles et confier ainsi leur service clientèle à Facebook et in fine leurs données clients qui intéressent particulièrement. Si “M” remplit ses missions, l’utilisateur lui fera de plus en plus confiance et lui délivrera de bon cœur toujours plus d’informations personnelles qui viendront préciser la pertinence du ciblage des annonces publicitaires. Les marques deviendraient alors schizophrènes. Tantôt elles assumeraient gracieusement le rôle de concierges pour Facebook, tantôt elles payeraient des publications sponsorisées tout ayant participé à l’enrichissement des profils et à la pertinence du ciblage, en confiant ainsi à Facebook leur gestion de la relation-client. Facebook gagnerait sur tous les tableaux. Mais tout ceci n’est que prospective, attendons de voir ce que Facebook nous proposera (ou pas) en fonction des résultats de ses tests.
Dernièrement, on parle beaucoup de robotique dans le tourisme avec entres autres l’arrivée des robots dans les métiers du tourisme. Je crois savoir que cela fait l’objet d’un atelier aux prochaines rencontres du e-tourisme à Pau. J’espère que l’on oubliera pas d’aborder l’Intelligence Artificielle sans laquelle les robots ne sont que des coquilles vides et qui pose de vraies questions éthiques. Comment ça c’est de la science-fiction ? Des expériences réalisées sur des chien-robots ont déjà prouvé qu’ils pouvaient faire ressentir des émotions aux humains… À l’occasion, voyez Ex-Machina que je recommande sur le formidable site de Sens Critique. À regrets, l’Intelligence Artificielle, le transhumanisme, l’immortalité sont l’hégémonie de grands groupes privés sans que les premiers intéressés (nous) ne puissions démocratiquement donner notre avis…
Clin d’œil à Marty Cooper, l’inventeur du téléphone portable, cet esprit précurseur trouve les applications complètement inutiles et croit en l’IA comme « un serviteur capable de connaître vos besoins ». C’est l’application qui doit trouver l’utilisateur et non l’inverse. Ni plus ni moins que la vocation des assistants personnels. Il faudra donc patienter encore quelques temps pour utiliser “M” de Facebook. En attendant on peut se consoler avec Wiidii qui remplit déjà les mêmes fonctions avec une relation à l’utilisateur sans doute moins intrusive.