Vous ne ressentez pas, parfois, cette frustration, par une belle journée ensoleillée de devoir vous enfermer dans un bureau au lieu de profiter de l’extérieur – des odeurs, de l’air, du soleil sur la peau, des chants des oiseaux… – de profiter de tout ce qui vit autour de nous. À la place, on reste dans nos bureaux vissé.es à nos écrans. Alors, est-ce qu’avoir envie de prendre un bain de lumière est un caprice ou un besoin (presque) vital ? Et comment oser passer le pas ?

pourquoi TRAVAILLER A L’EXTERIEUR ?
Le sujet de passer du temps en extérieur est revenu ces derniers jours dans l’actualité avec une collectivité française qui projette d’ouvrir deux crèches en plein air. Le principe pour les bambins sera de manger, jouer et dormir dehors, avec en cas de météo difficile et pour les cuisines un abri en bois. Les défenseurs des forest schools (les écoles en plein air) avancent par ailleurs que les enfants, qui profitent de ces espaces en plein air, dorment mieux, sont plus créatifs, plus attentifs et moins stressés.
On ressent aussi qu’on n’a pas la même énergie après avoir passé une journée scotché à son écran ou après une journée à avoir pu bouger, respirer et marcher en plein air. Intégrer à nos journées de travail des moments en extérieur permettrait, en effet, de diminuer notre stress, notre fatigue visuelle, d’améliorer notre efficacité (meilleure concentration, regain d’idées) et nos relations avec nos collègues (plus de fluidité, moins de tensions) et en bonus cela aurait un effet bénéfique sur la qualité de notre sommeil (merci la lumière naturelle !).
Ajoutez à cela les attentes des jeunes générations, qui nous poussent à repenser nos façons de travailler. Une étude de l’Institut Montaigne « les jeunes et le travail : aspirations et désillusions » montre que les 25–30 ans placent l’absence de stress dans le top 3 de leurs priorités au travail, au même niveau que l’évolution de carrière et les relations avec les collègues et juste après la rémunération et l’équilibre travail – temps libre. Là, où chez les plus de 40 ans, le stress fait partie d’une sorte de package « travail = stress ». Or, cela ne sera plus le cas pour la génération qui arrive. On va donc avoir besoin de s’atteler à ce sujet. C’est certain que travailler à l’extérieur à certains moments ne sera pas la baguette magique pour résoudre le problème du stress mais cela pourrait y participer.
ENVIES ET RESISTANCES
Alors, que pourrions-nous imaginer si on remettait un peu plus d’extérieur dans nos quotidiens professionnels ? On ne parle pas juste du team building annuel, mais bien de moments réguliers, simples et intégrés dans les habitudes de l’équipe.
Imaginez votre rendez-vous mensuel avec votre présidente ou président assis au bord de l’eau. Imaginez votre prochaine réunion d’équipe dans le parc d’à côté. Imaginez une rencontre partenaires au bord de la plage. Imaginez que le point hebdo avec votre collègue se fasse en marchant sur un joli circuit rando de votre destination…
Mais au moment même où vous vous projetez, une petite voix s’élève peut-être et crie très fort : « Oui mais… est-ce que c’est vraiment sérieux ? » Et c’est là que cela commence à coincer. Vous hésitez à passer le pas non pas parce que vous manquez d’idées de lieux où cela pourrait être, mais à cause de ces fameuses représentations de ce que doit être le travail. On se raconte l’histoire que le travail, c’est du sérieux. Et que le sérieux, cela passe par un bureau, un lieu. Mais est-ce que nos idées sont moins pertinentes parce qu’on est en extérieur? Est-ce qu’on perd notre zone de génie parce que nous respirons de l’air frais ?
Un autre frein possible est : « On n’a pas le temps de changer de lieu de travail durant la journée, notre temps est optimisé » Face à cette résistance, il s’agit de regarder cette notion de « temps pour y aller » autrement et de la percevoir comme un interstice, comme une coupure qui permet à l’esprit de faire une transition entre deux sujets. Parfois, s’offrir un temps pour marcher, respirer, suffit à faire un reset et à être véritablement disponible pour le prochain sujet de travail. Pour vous en rendre compte, observez le nombre de fois où vous arrivez à une réunion alors que vous êtes encore coincé.e (dans votre tête) avec le sujet précédent. Or ça, c’est clairement du temps perdu, du temps non visible mais perdu.
Et s’il pleut ? S’il y a un peu de vent ? Et s’il fait froid ? A ces questions, certains répondraient qu’il n’y a pas de mauvaise météo, juste des vêtements mal choisis 😉.
Une autre résistance, parfois inconsciente, peut être aussi qu’en extérieur, on déconstruit les rapports hiérarchiques. Il n’y a en effet plus de bureau ou de places attitrées autour de la table pour marquer son statut. Dans un espace ouvert à l’extérieur, la parole peut alors circuler autrement et plus facilement. On peut oser se dire ce que parfois on n’aurait pas osé. Mais cela demande d’accepter que certains statuts s’estompent.
Bien sûr, vos propres résistances seront probablement partagées par vos collègues. Mais si vous savez pourquoi vous le faites — pas pour suivre les tendances du moment – mais pour créer du mieux-être, du lien, de la qualité de travail — alors cela sera plus facile de créer le chemin pour y arriver.
ON COMMENCE PAR QUOI
Dans un premier temps, il est primordial de se demander pourquoi vous avez besoin de faire cela à l’extérieur, qu’est ce que vous en attendez ? Est-ce que vous souhaitez encourager la créativité pour lancer un nouveau projet ? Est-ce que vous souhaitez apaiser une situation conflictuelle au sein de l’équipe ? Est-ce que vous souhaitez créer des conditions favorables pour encourager un échange direct avec un.e collègue qui a du mal à vous partager ses ressentis ? Est-ce qu’il s’agit de créer de vrais espaces de pauses « au vert » pour se ressourcer lors d’une journée d’accueil ?
Ensuite il s’agit de proposer cette idée aux personnes concerné.es et si elles sont d’accord, de chercher ensemble les lieux les plus appropriés. Cela peut- être d’aménager une cour, un jardin, un espace dans vos locaux en identifiant ce qui manque pour que cela devienne un espace où on a envie de travailler (mobilier, parasol, Wi-Fi). Cela peut ensuite être tous les espaces naturels que vous conseillez à vos visiteurs et qui auront ici un autre usage.
Puis, il s’agit d’adapter la façon de faire à l’extérieur. Si c’est un rdv, une réunion, il y aura probablement moins de prise de note car c’est la relation entre les personnes qui est privilégiée. La prise de note ne se fera donc plus sur un ordinateur mais elle peut s’imaginer sur un smartphone ou sur une grande feuille de paper avec des crayons.
Il ne s’agit pas juste de dire « ça serait chouette », mais d’en faire une vraie option. De créer un mode de travail où être dehors, c’est aussi être professionnel. Et surtout, d’oser commencer.