Un parc peut-il être une destination ? Oui, s’il est aussi brillant !

Publié le 7 septembre 2017
6 min

Il y a quelques mois, Guillaume, parti en vadrouille avec Sophie en Nouvelle-Zélande, nous racontait dans ce billet comment Christchurch s’était relevé d’un récent tremblement de terre, en évoquant notamment une association, Gap Filler, qui créait de l’événement, de l’attractif et du ludique partout où cela était possible. Et c’est vrai que les anglo-saxons sont bien plus actifs dans la mise en oeuvre collective des espaces publics, que ce soit en Grande-Bretagne, en Australie, en Nouvelle-Zélande ou aux Etats-Unis.

Playgrounds des écoles, collèges et lycées ouvert le week-end aux habitants, équipements en libre service, fermeture de rues entières pour divers événements, plus ou moins réguliers… On nous objecte que notre tempérament latin nous interdit trop souvent cette possibilité d’investissement collectif que chacun prendrait soin de respecter et faire respecter, qu’au bout de trois jours, la panier de basket installé par la collectivité voit son filet arraché et sa structure tordue, taggée… Bref, un problème d’éducation ?

En tout, moi aussi, et cette semaine de rentrée, j’avais envie de vous parler de mes vacances, à New-York City en l’occurrence, et en particulier d’un parc urbain !

Vous voyez duquel je parle ? Hé bien non, ce n’est pas Central Park, même s’il le mériterait tout autant, mais la photo et le jeu de mots bien pourri dans le titre auront servi d’indices à ceux qui ont déjà découvert la Grosse Pomme : il s’agit de Bryant Park, ce « petit » parc qui jouxte la National Library et fait à juste titre partie des incontournables de tous les guides et primo-visiteurs, mais aussi de ceux qui reviennent, et surtout des habitants !

Car en ces temps troubles où le touriste ne semble plus être le bienvenu dans toutes les cités, ces lieux où peuvent se cotoyer en paix, voire même avec plaisir, le travailleur en pause, l’habitant à la retraite, tout comme le voyageur en famille, deviennent de véritables oasis qu’il est dommage de ne pas croiser plus souvent.

Bon alors un parc, c’est quoi ? Un peu de nature dans une ville, du calme, du vert, on peut se mettre à l’ombre, y méditer, faire la sieste, pique-niquer, jouer avec un ballon, pourquoi pas y faire son footing ou une balade s’il est très grand… et voilà ! C’est à peu près tout, chez nous, même si de temps en temps, on va y organiser un petit événement sympa.

Bryant Park, c’est un lieu pour tout cela (sauf le footing, 3,9ha, c’est tout petit), mais bien plus encore, avec un programme d’activités étonnant, quotidien, saisonnier, des fast-food et restaurants, des événements, et une marque, des partenaires, le tout très bankable, très réfléchi.

Et ce qui est impressionnant, et peut donner à réfléchir, c’est que tout cela est très récent : il a réouvert sous sa forme actuelle en 1992, et on y trouvait jusque là plus de dealers que de yogi, plus de seringues que de chaises.

1/Des activités pour tout le monde, tout le temps

Plus de 1000 activités gratuites à l’année, c’est avant tout cela qui fait le succès de Bryant Park ! Echecs, Backgammon, Pétanque, Ping-Pong ou Yoga sont les activités quotidiennes quasi sédentaires les plus prisées, mais les classes de peintures, jongles, langues étrangères, coutures… s’y déroulent régulièrement et rassemblent là encore habitants et touristes.

On trouve chaque jour le programme en ligne sur le site internet, ainsi que des brochures diverses et variées en libre distribution, qui comporte toutes le plan basique, mais qui permet de bien situer les différents espaces estivaux (l’hiver, on retrouve une patinoire, un marché de Noël), …

2/Help Yourself !

Alors bien sûr, le personnel est ultra présent, pour t’aider à choisir un jeu, trouver une table, un partenaire, te rappeler les règles… mais sur le site comme dans le parc, tout est fait pour que chacun, dans le collectif, puisse se prendre en main.

Tout d’abord, les règles, ce que tu peux/ne peux pas faire :

Il s’agit ici de la version sur le site, mais il y a un panneau à chaque entrée qui reprend ces grands principes. Et tu peux compter sur les habitués pour les faire respecter, à l’américaine !!!

Après un premier petit tour, tu crois naïvement que toutes les places assises sont prises, on nous a fait croire que, encore un truc à gogo… jusqu’à ce que tu arrives sur l’un des racks, « 4,000 chairs, undless possibilities » :

Tu as envie de jouer et toutes les tables sont prises ? Ca marche comme chez nous avec le baby-foot, tu signales ta présence pour prendre le gagnant, même si tu n’as pas ton marcel !

La presse locale, des livres, en passant par les nouveautés, les grands classiques, ça se passe à la reading room, faut juste les redéposer après au même endroit !

Pareil pour les jeux, où tu peux choisir l’un des jeux de société disponibles et t’installer tranquillement, ou profiter des nombreuses jeux pré-installés d’échecs et backgammons.

On a le droit de venir travailler si on le veut ! En tout cas, chose pratique, on trouvera aisément plusieurs bornes disposant de prises électriques et USB pour se poser longuement et paisiblement avec ses petites bestioles ! Un véritable festival de MacBook, iPhone et Samsung Galaxy, tablettes en tout genre !

Et bien évidemment, cher travailleur qui a trouvé l’un des plus bureaux du monde, cher voyageur qui ne dispose pas encore d’un forfait data international digne de ce nom, tu trouveras sur place un excellent Wifi, bien indiqué partout, sponsorisé par une enseigne bien connue (on en reparle juste en dessous). Il a été très récemment rénové avec de nouvelles bornes ultra-modernes, mais fût l’un des tout premiers à se doter de Wifi, en 2001, une époque à laquelle les français en ayant entendu parlé se comptaient sur les doigts de quelques mains…

3/ »It’s the economy, stupid ! »

Oui, Bryant Park est une marque, et dispose à ce titre d’un magasin, physique et une boutique en ligne, exploitée par de nombreux partenaires.

S’associer à l’image de Bryant Park, c’est plutôt cool, et du coup, ils sont assez nombreux à vouloir le faire, ce qui lui permet de s’autofinancer intégralement, sans subvention de la ville ??!!

Tu veux manger un bout, à n’importe quelle heure de la journée comme un vrai Ricain ? Amener une relation de travail déjeuner dans l’un des deux chics bar et grill ? Pas de problème, et les enseignes présentes, et présentées sur le site internet lâchent chaque année pas moins de 3 millions de dollars pour leur pas de porte.

Bank of America, Southwest Airlines, Zara et HSBC contribuent annuellement à hauteur de 6 millions de dollars pour pouvoir apposer leur logo sur les kiosques, la reading room ou encore le wifi. Alors certes, ils sont massivement présents et mis en avant (comme on peut le voir ici avec Zara sur le wifi), mais le jeu n’en vaut-il pas la chandelle, d’une part pour offrir un service de qualité, d’autre part pour faire rentrer des pépettes dans le tiroir-caisse ?

Le Président de Bryant Park, qui développe d’autres projets sur ce même modèle, estime qu’il faut commencer par développer un large spectre d’animation gratuites, de la médiathèque au cinéma en plein air. Faire en sorte que le lieu soit beau, accueillant, que l’on s’y sente en sécurité et que des femmes seules ou avec enfants n’hésitent donc pas à l’investir. Disposer de toilettes publiques et gratuites dans un état impeccable (qui représentent un budget de $271.000 par an !) est un élément essentiel, tout comme des employés porteurs de la marque ($69.000 par an pour les uniformes des salariés).

C’est aujourd’hui un budget global de $19.4 millions, une équipe assez impressionnante, et un impact avéré sur l’immobilier environnant qui a été estimé par une étude de 2014 en une cause directe d’inflation des prix de 20% depuis son succès !

Les chiffres sur sa fréquentation annuelle varient selon les sources… entre 6 et 12 millions… ce qui en fait bien entendu une « brand » extrêmement « bankable », une attraction de premier plan, et même une véritable destination pour les voyageurs comme les habitants !

Allez, c’est fini pour les photos de vacances, au boulot !

 

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Ludovic a démarré sa carrière en Auvergne, à l’Agence Régionale de Développement, puis dans un cabinet conseil sur les stratégies TIC des collectivités locales. Il a rejoint en 2002 l’Ardesi Midi-Pyrénées (Agence du Numérique) et a plus particulièrement en charge le tourisme et la culture. C'est dans ce cadre qu'il lance les Rencontres Nationales du etourisme institutionnel dont il organisera les six premières éditions à Toulouse. À son compte depuis [...]
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