L’attractivité, ce nouveau Graal en question

Publié le 20 mai 2020
3 min

En novembre dernier, Ludovic Dublanchet publiait ce billet sur l’attractivité territoriale. En ces temps de post-confinement où le tourisme est devenu un enjeu majeur et où l’habitant est notre première cible, son analyse prend un sacré relief!

Cela fait maintenant quelques années que l’on nous parle de marketing territorial, d’attractivité globale, et que nombre d’agences, offices, comités ont muté en mixant en leur sein développement économique et tourisme.

L’attractivité touristique, d’une destination, devient ainsi l’un des pans, et souvent pas le moindre, de l’attractivité territoriale visant les entreprises, les étudiants, les talents, les habitants,  et bien sûr les voyageurs.

On pourrait se réjouir d’une telle situation, le tourisme étant enfin pris au sérieux, comme une réelle activité activité économique, contribuant ainsi au rayonnement et à la notoriété d’un territoire, ainsi qu’à son développement et son économie donc.

Reste que l’on continue à vous sourire aimablement, voire avec condescendance lorsque vous dites travailler dans le tourisme.

Le mythe du laquais est encore bien présent !

 

Et sur chaque Rencontres, Assises… du Tourisme, on en est encore à remercier et presque s’étonner que le Président de la Comcom, de l’Agglo, du Département ou de la Région ait daigné faire le déplacement pour délivrer sa bonne parole sur l’importance du tourisme, quand sa présence ne fait aucun doute sur le même type d’événement lié au dév éco.

Dans le tourisme, on commence à s’interroger sur le bien fondé d’aller chercher des chinois, indiens ou australiens, au coût que cela représente en prospection, adaptation de l’offre, et d’un point de vue écologique. En matière de prospection d’entreprises, on ne se pose guère la question quand il s’agit de faire la meilleure offre pour que tel constructeur automobile, tel leader du logiciel ou de la biomécanique vienne implanter son usine et ses dizaines ou centaines d’emplois.

Dans le tourisme, on mise sur le local, les habitants, qu’il faut préserver de l’invasion de hordes de touristes pour améliorer le vivre ensemble. Il faut former, expliquer avec pédagogie l’intérêt du secteur qui parfois fait vivre l’économie locale. Quand s’implante une nouvelle entreprise, attirée par un terrain à un prix symbolique et des subventions à gogo, on met en avant la lutte contre le chômage, même si la moitié, voire davantage, des emplois seront pourvus par des compétences hors du territoire, et que ce ne sont sûrement pas ceux qui en ont le plus besoin qui vont être embauchés.

On s’enorgueillit du même coup de l’arrivée de centaines, de milliers de nouveaux habitants chaque année grâce à ces nouveaux emplois créés, qui illustrent le dynamisme, la vitalité de la cité. Mais qu’en est-il du conjoint-e qui va chercher un boulot qui n’a pas été créé ? Des enfants à scolariser ? Des équipements à redimensionner alors qu’ils n’ont que rarement été suffisamment anticipés pour faire face à cet afflux ?

Bref, comme Paul Arseneault le soulignait, le tourisme est accusé de trop bien réussir, d’où cette invention médiatique récente de « surtourisme » (revoir son 15mn chrono aux ET15). Cherche-t-on des noises aux politiques d’attractivité économique que l’on peut considérer à l’origine de nombreux mal-être du quotidien, dont les problèmes de transports (trop de monde dans les transports publics, embouteillages) ?

Certains commencent à analyser et se poser des questions sur le réel ROI d’une politique d’attractivité, notamment à l’aune du bien-être des habitants. Et si demain, une métropole, une Comcom investissait ce qu’elle met en promotion et prospection économique dans l’amélioration du bien-être des habitants ? Et si là aussi, on se questionnait sur la place des locaux, l’ADN de l’activité économique d’un territoire, ce qu’elle apporte comme avantages, mais aussi comme nuisances ?

Et si finalement toutes les questions que l’on se posent pour un développement touristique harmonieux s’étendaient à l’ensemble des activités économiques d’un territoire, tout comme les notions d’attractivité ?

Ne pourrait-on pas finalement en espérer un mieux-être global, pourquoi pas des économies substantielles, et même à terme une attractivité touristique et économique renforcée qu’il conviendrait de réglementer tout comme on le fait aujourd’hui avec Airbnb, l’implantation de nouveaux hôtels (souvent de façon bien plus drastique qu’avec l’implantation de nouvelles zones commerciales ?).

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Ludovic a démarré sa carrière en Auvergne, à l’Agence Régionale de Développement, puis dans un cabinet conseil sur les stratégies TIC des collectivités locales. Il a rejoint en 2002 l’Ardesi Midi-Pyrénées (Agence du Numérique) et a plus particulièrement en charge le tourisme et la culture. C'est dans ce cadre qu'il lance les Rencontres Nationales du etourisme institutionnel dont il organisera les six premières éditions à Toulouse. À son compte depuis [...]
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