Gestion de crise à l’ère numérique

Publié le 6 mars 2020
5 min

Avez-vous déjà entendu parler de la « décénnie perdue »? Dans le milieu touristique nord-américain, on réfère aux années 2000 comme cette décennie (lost decade) où la croissance n’a pas été au rendez-vous, sous les contrecoups de trois événements importants et successifs:

  • La tragédie du 11 septembre 2001 à New York, ses milliers de morts mais surtout les mois de crainte et d’incertitude qui ont suivi;
  • La crise du SRAS, originaire de Hong Kong, mais qui a fait 44 morts à Toronto;
  • La chute boursière et la crise économique de 2008.
La crise du SRAS à Toronto en 2003
La crise du SRAS à Toronto en 2003

Travaillant alors dans des entreprises démarchant le tourisme international, je peux vous confirmer que ces événements, en particulier les deux premiers, ont créé un tort qui a mis bien du temps à être réparé pour l’attrait de la destination canadienne.

Une crise à l’ère des médias sociaux

Alors que le coronavirus fait des siennes, je donnais deux conférences cette semaine auprès d’intervenants touristiques sur le sujet de la gestion de réputation en ligne. Justement, un des éléments auxquels je fais référence dans cette conférence est l’importance d’avoir une stratégie dans l’éventualité d’une crise.

Et vous, en avez-vous une stratégie?

Le Réseau de Veille en Tourisme publiait en 2004 un article sur les leçons apprises durant gestion de crise du SRAS à Toronto l’année précédente. Le conférencier Yves Dugré définissait d’ailleurs ainsi la gestion de crise:

« Gérer une crise, c’est être PRÊT à faire face à l’adversité, s’appliquer à RÉDUIRE le mieux possible les impacts négatifs ET s’assurer de la fluidité du processus de gestion malgré le chaos. »

Si plusieurs principes avancés lors de cette allocution demeurent valides, il va sans dire que la réalité d’aujourd’hui est forcément toute autre, l’information étant décuplée notamment par l’omniprésence des médias sociaux et des fake news.

Alors on fait quoi dans ce contexte? On se croise les doigts ou on se met la tête dans le sable en espérant de jours meilleurs? Il vaut mieux avoir un plan d’action et y songer dès maintenant, si ce n’est déjà fait.

Les étapes pour gérer une crise

Voici donc les étapes à considérer dans la mise en place d’une stratégie pour faire face à une crise.

NOTE: il existe plusieurs sortes de crise, et différents niveaux de gravité. Il peut s’agir d’un incendie, d’un arrêt de travail, d’une controverse ou d’une tragédie. Ou d’un virus contagieux.

Anticiper la crise

La première étape est celle où l’on doit évaluer si la situation problématique qui sévit a le potentiel de se transformer en crise. On se doit d’être proactif et imaginer les scénarios, du meilleur au pire.

Il y a quelques années, alors que nous nous apprêtions à lancer un nouveau service de train touristique, près de 86 scénarios avait été évoqués: incident mineur à bord, déraillement mineur sans incident, déraillement mineur avec blessés, déraillement majeur avec blessés, mortalité, feu, etc.

Bref, pour chacun de ces scénarios, un plan d’action a dû être réfléchi afin que les employés à bord sachent quoi faire, qui aviser, etc.

Créer une cellule de communications de crise

Il existe une règle d’or en gestion de crise: il vaut mieux trop communiquer que pas assez.

Il importe donc d’identifier les personnes qui agiront en tant que porte-paroles ainsi que la liberté d’action pour chacun. Concrètement:

  • Le gestionnaire de communauté: jusqu’où peut-il ou peut-elle répondre sur les médias sociaux face aux questions des utilisateurs?
  • Sujet tabou: existe-t-il des sujets sur lesquels on ne voudra pas s’exprimer? Parfois il vaut mieux référer vers les experts en la matière. C’est le cas présentement avec le coronavirus, où il vaut mieux référer vers des sites crédibles comme celui de l’OMS.
  • Hiérarchie: le directeur général ou la vice-présidente marketing est-elle la meilleure personne pour répondre aux questions de journalistes ou aux interrogations de la clientèle sur Facebook? Il faut définir qui répond, selon l’importance et la gravité relative de la situation.

Avoir des messages clés

Les mots-clés, ça, on connait dans le web et les médias sociaux. Mais ici, on réfère plutôt aux messages, à l’axe de positionnement que l’on cherche à véhiculer dans le contexte d’une crise.

Lire aussi: L’art de définir son positionnement de marque

Il y a deux semaines, une montagne de ski à Québec a vu sa remontée en télécabine s’arrêter inopinément, résultant en des blessures et une crise médiatique. Le message clé qu’on entend sans cesse depuis: la sécurité est notre première priorité.

Dans le contexte actuel du coronavirus qui sévit, avec le Salon du livre de Paris annulé, ITB-Berlin ou encore la fermeture du Louvre, quel message clé devrait-on mettre de l’avant?

Je lisais dans un article ce matin que le centre des congrès de Québec a déjà en place des standards plus élevé que la moyenne, effectuant par exemple des changements d’air de 6 à 10 fois par heure. Le saviez-vous?

Les messages clés sont donc ceux sur lesquels on voudra miser, en apportant des nuances ou des compléments d’information, lors de nos communications sur les différentes plateformes.

Communiquer, communiquer, communiquer

Il est important de bien identifier les canaux de communication avec les voyageurs, et de cerner la fréquence de publication sur ces canaux:

  • Médias sociaux
  • Site web de votre destination ou établissement
  • Infolettres envoyées régulièrement ou adhoc
  • Articles de blogue
  • Vidéo ou infographie

Cependant, il ne faut oublier qu’il existe plusieurs auditoires qu’on aurait tort d’oublier dans un tel contexte:

  • Vos employés
  • Vos fournisseurs
  • Vos partenaires d’affaires, commanditaires ou associés
  • Les citoyens de votre territoire

Bref, un bon plan de gestion de crise passe également par un plan de communication où l’on définit bien tous les auditoires, le message à passer et la fréquence de publication avant, pendant et après la crise.

Depuis le temps qu’on vous parle de l’importance d’avoir des outils de communication comme un bon site web, une infolettre régulière ou des communautés actives sur les médias sociaux. C’est lors d’une crise que ces outils et cette présence prennent toute leur valeur!

Prévoir l’après-crise

Vous pensez qu’il serait judicieux de faire des promotions ou des rabais pour attirer la clientèle pendant la crise? Grave erreur. Non seulement les gens ne viendront pas plus, il sera par la suite très difficile de remonter la pente de la tarification. Parlez-en aux hôteliers de New York qui en ont bavé après le 11 septembre 2001 après avoir bradé leurs prix dans les mois suivant la tragédie…

Ceci pourra par contre s’avérer une approche pertinente APRÈS que la crise soit passée, quand on voudra ramener les voyageurs au bercail et les inciter avec une offre alléchante, un concours ou une promotion sur le moyen terme.

Je vous laisse réfléchir en terminant avec cette infographie publiée par Wink Stratégies il y a quelques temps et qui demeure encore très actuelle!

Infographie Comment gérer une crise sur les médias sociaux
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Frédéric Gonzalo est un passionné du marketing et des communications, oeuvrant depuis plus de 25 ans dans le monde du tourisme et du voyage. Début 2012, il fonde Gonzo Marketing et agit à titre de consultant en stratégie marketing, conférencier et formateur sur l’utilisation des nouvelles technologies (web, médias sociaux, mobilité). Il écrit régulièrement pour le bulletin TourismExpress ainsi que PAX Magazine, en plus de rédiger en anglais pour plusieurs [...]
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