Tourisme et biodiversité: discussion avec Jean-Marc Gancille

Publié le 5 juin 2020
17 min

Jean-Marc Gancille, on s’est rencontré chez Darwin à Bordeaux quand il y travaillait encore. On avait parlé engagement, végétarisme, tourisme durable, tiers-lieux, radicalisme, etc.

Jean-Marc, je l’aime bien. Il dit les choses. Il se bat. Il est radical oui mais c’est ce dont on a besoin aujourd’hui, dans notre société comme dans le tourisme.

Il a sorti un livre l’an dernier, Ne plus se mentir, qui a fait mouche. Simple, efficace, court, punchy, direct. Un uppercut.

Depuis, Jean-Marc Gancille est parti à La Réunion pour s’occuper à plein temps de la préservation du vivant, au plus proche de la biodiversité. Il bosse pour Globice, une ONG qui travaille à la conservation des cétacés dans un espace naturel sensible comme l’Océan Indien. Il va aussi sortir un nouveau livre très vite, Carnage, sur l’anti-spécisme et l’impact de l’Homme sur le Vivant.

J’ai appelé Jean-Marc la semaine dernière, je voulais avoir son regard sur notre secteur du tourisme, sur la crise, sur la suite à donner à tout ça… Voilà un compte rendu de nos échanges. C’est long, pas numérique, ça n’est pas fait pour plaire à tout le monde mais c’est nécessaire, parfois, de ne plus se mentir…

 

Construire un lieu à La Réunion pour sensibiliser aux cétacés et à l’océan

Avec Jean-Marc, on a commencé par discuter de son actualité autour de l’association Globice à travers son poste actuel de « chargé de développement, de communication et porte-parole de l’association ».

« Je suis partie à la Réunion avec l’envie de me consacrer à la cause animale, l’envie d’agir en tout cas pour la biodiversité. Le fait d’être là-bas m’a permis de rencontrer un certain nombre d’acteurs et de saisir une opportunité complètement incroyable qui était celle de l’ouverture d’un poste suite au départ d’un des piliers de l’asso avec qui je me suis vite bien entendu parce que c’est un mec qui est un peu dans nos références, un mec vraiment cool ».

Puis, il a commencé à me parler de ce projet de tiers-lieu pour sensibiliser aux cétacés à La Réunion. « Je t’avais parlé d’un projet que je développe chez Globice, l’asso de référence en matière de sciences et de conservation des cétacés à la Réunion mais par extension dans l’Océan Indien. ça  fait longtemps que cette asso cherchait un endroit, un lieu, pour faire rayonner ses connaissances, pour accueillir du public et diffuser des messages de sensibilisation.On a vite capitalisé et mis à profit mon expérience acquise à Darwin et ça a marché : on a gagné un appel à candidature pour développer ce projet là dans une ancienne école en bordure de plage sur un site idéal pour l’observation des cétacés.. Du coup on s’implante sur le Port de Saint Gilles qui va nous permettre maintenant de mener à bien ce concept-là, style tiers-lieu autour de la thématique des cétacés. Ce sera à une échelle modeste, mais qui a toute sa place à la Réunion parce qu’il n’y a rien sur ce sujet, ce qui parait étonnant au vu de l’attractivité et l’attirance que les gens peuvent avoir pour ces animaux emblématiques . On va faire un truc que j’espère cool, mais avec toutes les incertitudes maintenant liées à un contexte post-Covid complètement instable quoi ! ».

Crédit photo: Adrian Fajeau/Globice

 

A 100% pour protéger la biodiversité

A côté de son travail pour Globice, il m’a refait l’histoire suite à son départ de Darwin, de Bordeaux et de métropole, il a poursuivi ses activités dans l’association Wildlife Angel qui bosse à préserver la grande faune africaine du braconnage, malgré des contextes socio-politiques bien compliqués. Il a aussi fait une mission extraordinaire pour les Terres Australes et Antarctiques Françaises, à Crozet et Kerguelen, un rêve de gosse, pour mesurer l’empreinte carbone de leurs installations, de leur organisation et infrastructures. Et enfin, il a participé au projet de l’aventure Rewild, dont il est co-fondateur. Vous en avez peut-être entendu parlé, c’est cette association qui a fait un crowdfunding géant pour racheter un zoo et prévoit de réhabiliter les animaux qui peuvent l’être dans leur milieu naturel…

En gros, si vous ne connaissez pas le personnage, c’est vraiment un gars engagé Jean-Marc Gancille sur les sujets du vivant.

 

Sa vision du tourisme…

« Bah écoute, ma vision a beaucoup évolué dans le temps. J’ai bientôt 50 ans, et j’ai eu la chance quand j’étais jeune avec ma femme, qui était ma copine à l’époque de partir assez tôt quand on avait 16-17 ans à l’étranger et pour nous c’était une ouverture incroyable et c’était des découvertes d’autres cultures. C’était vraiment génial, on a eu la chance parce qu’on bossait pour nos stages d’avoir assez de sous pour aller en Thaïlande, pour aller dans le sud-est asiatique, pour aller au Honduras, au Guatemala, et puis un peu moins loin aussi. Et donc le tourisme c’était une chance, pour moi, c’était quelque chose d’extraordinaire ! »

« Et puis, je crois que j’ai eu la chance, enfin c’est relatif, d’être allé dans des coins pas encore trop souillés et envahis par le tourisme de masse, qui à l’époque démarrait mais qui n’avait pas encore l’ampleur que cela a aujourd’hui. »

Mais depuis, Jean-Marc Gancille a largement réduit la voilure. Pendant une vingtaine d’années, alors que ses enfants grandissent et qu’il lance l’aventure de Darwin, l’avion, c’est fini pour lui. Par engagement, par cohérence. Après cette disette aérienne, il reprend à La Réunion avec des scrupules pour voir les alentours en avion. Il dit qu’il a un peu lâché du lest, en considérant qu’en vivant sur une île, cela ne pouvait plus être valide…

Crédit photo: Abel Abat/Globice

« Je me suis un peu mis à revoyager, mais pas de façon intensive. J’ai eu l’occasion d’aller à l’Ile Maurice et aux Seychelles, étant dans la zone. Et là, j’ai été confronté à ce que j’avais vu essentiellement dans les métropoles européennes, puisque je m’étais quand même autorisé les voyages en train, donc j’avais pu aller à Barcelone, en Croatie, en train ou en van avec mes enfants. Donc j’avais pu aller comme ça dans des capitales européennes, mais à chaque fois, j’avais un espèce de malaise dû à la pression touristique, avec le monde, avec ce qu’engendre la présence de personnes assez peu respectueuses des lieux qu’ils visitent, et qui consomment en fait ces lieux-là, et qui les laissent souvent souillés suite à leur passage. Donc c’est vrai que ma vision du tourisme en mode rencontre des cultures, ouverture d’esprit et tout ça a évolué maintenant avec une approche que je regrette mais que je trouve malheureusement prégnante, en tout cas dominante qui est celle d’un tourisme de masse où les gens consomment plus qu’ils ne découvrent. Et je le regrette vraiment, mais je ne vois pas comment on pourra inverser les choses sauf à revenir à, je ne sais pas, des systèmes de quotas, à des décisions plus contraignantes sur l’accès à certains territoires où il faudrait montrer plus de prudence pour y aller. »

 

Peut-on encore rencontrer l’Autre ?

« Je ne sais pas comment les choses vont évoluer mais je crois que la tendance générale du tourisme de masse est par définition assez catastrophique, à la fois pour la rencontre entre cultures et l’expérience de l’altérité. Beaucoup de lieux s’uniformisent, se standardisent pour répondre aux exigences de rentabilité des compagnies et de solvabilité des clients. Tout le monde veut sortir des sentiers battus et , il n’y a plus de lieu vierge, il n’y a plus de lieu où l’on peut faire des rencontres vraiment authentiques. Tout concours à ce qu’on optimise des voyages sans être dans la nécessaire lenteur et le temps que suppose que je dirai une compréhension réelle et vraie des lieux où l’on se trouve. Et tout cela amplifié par une course au m’as-tu-vu sur les réseaux sociaux, où il faut avoir fait le selfie qui va bien, dans le lieu qui va bien. »

Et donc, forcément, il y a cette réflexion autour de l’attractivité, de la préservation, c’est comme historiquement quand on développait des formes de tourisme équitable et solidaire auprès de peuples autochtones… On vendait du rêve mais les touristes venaient aussi avec une forme d’occidentalisation dans le sac à dos…

« Oui, on met parfois l’accent sur des lieux vierges ou des lieux magnifiques et finalement on contribue à les mettre en danger en les promouvant. Et ça, cela fait le lien avec un autre aspect du tourisme que je trouve catastrophique en ce moment parce que c’est un peu mon obsession, ou en tout cas, ma passion, c’est le lien avec la faune sauvage puisqu’on est de plus en plus en quête de la rencontre avec l’animal, on veut aller là où il est encore présent avant qu’il ne disparaisse, et on est amené à user et abuser de la photo, de la vidéo, souvent au détriment des espèces que finalement on a tendance à harceler ou à perturber en tout cas dans leurs cycles vitaux en faisant ces choses-là. Je le vois vraiment pour les cétacés mais en me renseignant sur tout un tas d’activités, et toute une industrie du divertissement animalier, on se rend compte qu’elle est consubstantielle au tourisme souvent, et qu’elle fait aussi des ravages. Si tu veux aujourd’hui, pour conclure, je suis assez dubitatif sur notre possibilité à 7 ou 8 milliards d’individus, ayant accès maintenant à des moyens de transports de moins en moins coûteux, alors ça risque de changer avec le covid, mais vraiment de pouvoir inverser les choses et de revenir à quelque chose de plus slow, de plus raisonnable, de plus vertueux, mais qui finalement n’a peut-être jamais existé, mais en tout cas qui est perdu depuis longtemps. »

Crédit photo: Adrian Fajeau/Globice

Mais alors, comment on fait pour changer tout ça ?

« Je crois qu’il y a vraiment un problème mais c’est aussi une question de génération. Nous, dans nos bulles informationnelles des réseaux sociaux, on a tendance à croire que les choses peuvent changer. Mais quand tu vois qu’à Bordeaux, toute la vieille garde des élus, de la CCI, de la région, de la mairie, les mecs se battent pour garder la navette aérienne entre Paris et Bordeaux alors qu’on a dépensé des sommes folles, soit disant pour encourager le transfert modal vers le TGV et lutter contre le changement climatique, y’a de quoi être désespéré. Bon OK, on a jamais été trop dupes mais considérant les canicules qui se multiplient, tu te dis vraiment :- mais les gars c’est des criminels ! »

Au final, on ne fait donc pas partie d’un grand pan de la population qui change, on reste minime donc…

« C’est ça qui est un peu dramatique, c’est qu’on reste marginaux dans les populations à vouloir ce changement là et être prêt à accepter les contraintes et à vouloir réinventer nos vies. On est très très peu nombreux quoi ! » « On essaye de nous convaincre qu’on est légion, mais en fait pas du tout ! Il suffit d’aller à un barbecue chez ton cousin pour te rendre compte que le mec qui n’est pas dans ton cercle Facebook vit sa vie comme avant. »

 

Et quid d’un après ?

« J’aimerai croire l’inverse hein, mais je crois et je pense que rien ne va changer et que même les choses vont s’amplifier, que beaucoup de gens l’ont dit, on va aussi avoir de plus en plus de dispositifs de sécurité, de surveillance, de contrôle, qui vont être justifiés par des questions sanitaires et de sécurité et finalement qui vont s’étendre. Et donc je crains que les questions de relance économique, de paix sociale, prennent le dessus sur toutes les autres considérations. J’ai pas trop d’illusion sur le fait que ça puisse en être autrement. Par contre ! Y a quand même des prises de consciences qui sont indiscutables notamment sur la fameuse phrase : « la nature reprend ses droits ». J’ai été interviewé plusieurs fois sur ce sujet et c’est vrai que beaucoup de gens ont vraiment pris conscience je pense ! Conscience que c’est désormais notre intérêt de laisser beaucoup de place à toutes les autres espèces, espace qu’on usurpe depuis toujours et qui est devenu peau de chagrin. Mais est-ce que c’est suffisant pour leur faire changer leur comportement je ne sais pas mais en tout cas la conscientisation sur le fait qu’on occupe un espace au détriment des autres espèces de telle sorte que cela ne leur permet pas de vivre convenablement est présente dans certaines têtes, plus qu’avant. la pression anthropique est véritablement partout et dès lors qu’elle se relâche un peu on voit qu’elle permet à d’autres formes de vie de s’épanouir, qu’elles soient végétales ou animales, c’est quand même quelque chose qui est un enseignement fort je trouve sur deux tous petits mois de confinement quoi ! »

Crédit photo: Adrian Fajeau/Globice

« Et je crois que si on veut et si on prend conscience qu’on est très dépendant, même totalement interdépendant, et qu’on veut sauvegarder des « points de vie » on va dire dans l’époque qui vient et bien, il va falloir protéger les espèces et les espaces. Et protéger les espaces, ça devra passer par une réduction de la pression anthropique de diverses manières qui peut aller jusqu’à je crois créer des réserves intégrales où on aura le droit je l’espère de pénétrer qu’à certaines conditions en signant des engagements comme l’Islande ou la Nouvelle Zélande la fait pour des questions écolos. C’est sans doute un peu exagéré j’imagine, mais en tout cas d’aller vers des choses comme ça en limitant drastiquement le nombres de personnes qui ont le droit d’y aller c’est triste à dire car c’est profondément discriminant mais il devient vital d’augmenter le prix et les conditions d’accès à ses zones, en tout cas de renchérir le prix des transports,. Il faudrait assumer de le faire, en imaginant des moyens de compensation social pour moi c’est ça qu’il faudrait réinventer mais ça suppose la fin du tourisme tel qu’on le connaît aujourd’hui. Et si on était tout simplement intelligents, sincères, raisonnables, et qu’on avait capté à quel point le business as usual est un énorme suicide collectif si on ne fait rien, on oserait mettre en place ces digues qui nous empêcherait d’aller vers le pire. Je pense que si on ne fait rien, si on laisse cette fuite en avant, on va tous dériver quoi ! »

 

Comment ne pas détruire les animaux que l’on aime… et que l’on voudrait voir ?

« On aime, on est assez fascinés par certains animaux, et tout le monde voudrait avoir la chance de les voir dans leur milieu naturel. Mais, dans mon domaine, comme je le disais à l’instant on va leur mettre une pression de dingue, qui va perturber leur capacité à se nourrir, leur capacité à conserver leur énergie pour autre chose, on va les faire fuir, alors qu’ils voulaient éventuellement s’accoupler, se reposer, se socialiser ; ça pose tout un tas de problèmes. Donc il n’y a pas 36 solutions. Il faut mettre à mon avis des règles en place, de plus en plus fortes, pour limiter cette pression, soit de façon temporelle, soit de façon spatiale, soit par des quotas d’accès aux plans d’eau, soit en limitant le nombre de bateaux à aller sur certaines zones, en délivrant des licences, etc. Enfin à chaque fois, et c’est là où l’écologie peut paraître liberticide ou punitive, c’est qu’à chaque fois cela va entraîner des contraintes quoi. Mais notre avenir est à ce prix-là ! Je ne supporte pas l’épouvantail de l’écologie punitive agité par certains qui diabolisent le simple fait d’accepter des limites dans l’intérêt général.. Derrière cette notion, bien sûr, c’est la question éternelle de la compatibilité entre écologie et économie.  A quel prix on veut maintenir de l’emploi, du revenu, de l’activité au détriment, de ce qui est pourtant le substrat qui le permet : garder une planète habitable. »

Par exemple, aller voir les gorilles de montagne dans les Virunga, c’est quoi ton avis ?

« C’est ultra cher d’aller voir des gorilles que ce soit en Ouganda ou au Rwanda, ça coûte extraordinairement cher, et c’est ce qui a permis aussi de financer la sécurité autour de ces animaux et de maintenir un certain nombre d’espaces ouverts pour qu’ils puissant avoir une aire de répartition suffisante. D’ailleurs, cela a payé puisque je crois que maintenant ils sont passés de 800 à un peu plus de 1 000 aujourd’hui, les fameux gorilles des montagnes. Mais aussi au prix d’un certain nombre de morts en termes de rangers. Le prix en vies humaines est très élevé mais c’est remarquable. Le corollaire c’est un tourisme qu’on peut qualifier de luxe! C’est d’autant plus terrible que les retombées, pour le local, pour les personnes en local, sont très faibles. C’est un exemple qui très représentatif de cette financiarisation de la nature qui est malheureusement à l’oeuvre, de cette touristification de la nature, mais au profit toujours des mêmes. »

Puis, on a discuté un peu de la « fable » autour du tourisme cynégétique (tourisme de chasse / trophées), des faibles retombées face à l’immensité des sommes nécessaires pour préserver ces animaux…

Et les parcs zoologiques…

« C’est le divertissement animalier justement ! On sait que finalement un zoo tient en captivité des êtres innocents. Dans l’histoire d’ailleurs, ces fameux zoo, qui aujourd’hui se présentent comme respectables, ont quand même contribué, en tout cas leurs ancêtres, à décimer des zones entières d’Afrique ou du Proche Orient, avec des espèces qu’ils arrachaient à leur habitat naturel pour les enfermer dans ds parcs zoologiques artificiels et c’est triste à pleurer. Le bilan est catastrophique en termes de ravages de la faune sauvage et aujourd’hui ils prétendent aider à la conserver, mais quand tu regardes dans le détail les sommes qui sont allouées à la conservation, quand elles sont existantes car ce n’est pas toujours le cas, elles sont ridicules ! Même chez des grands parcs comme Beauval par exemple, qui se dit un peu le champion de ces questions-là. Quand tu regardes les piliers sur lesquels se fondent sa respectabilité, à la fois la science, la conservation, l’éducation, notamment, c’est trois choses sur lesquels aucune étude ne conclura à du positif. C’est juste des alibis commerciaux, pour donner bonne conscience aux gens et maintenir un flux de visiteurs, qui restent très peu longtemps devant les cages, qui apprend finalement très peu de choses et qui est dans une relation très consumériste aux animaux. La captivité est toujours  préjudiciable à des dizaines et des dizaines d’individus encagés qui ont un espère d’artefact d’habitat dans lesquels ils ne peuvent être que malheureux, malades et fou in fine. Les animaux sont rendus fous et sont même parfois traités avec des anxiolytiques, des antidépresseurs pour pouvoir tenir le coup derrière les barreaux ou sur des spectacles qu’on leur fait subir, et qui sont toujours synonymes de brisage psychologique. Donc c’est une catastrophe cette exploitation du vivant. Je ne sais pas si je t’ai dit mais je sors un bouquin, qui va sortir en septembre et qui s’appelle « Carnage », et qui traite justement de l’exploitation du vivant in extenso un peu partout. Et je traite justement des zoos, de la chasse, de l’élevage, de la pêche et de toutes nos formes modernes et ancestrales d’exploitation, jusqu’au divertissement animalier aujourd’hui qui fait que tu as plus de tigres chez des particuliers ou dans des espèces mini zoo foireux aux Etats-Unis que libres dans le monde, à l’état sauvage. »

 

Derrière le vivant, la question de l’alimentation dans notre société…

On le sait mais dans le tourisme, c’est rarement un sujet. En France, c’est un sujet délicat face à la culture de la gastronomie mais je pense qu’il faut en parler. Pour avoir pris conscience de l’impact de notre alimentation sur le climat et la biodiversité, j’ai pris le pli du végétarisme depuis plus d’un an mais comment peut-on changer ça à travers le secteur du tourisme…

« C’est un sujet extraordinairement polémique et clivant parce qu’ il y a des intérêts très puissants qui agissent pour prétendre que les protéines animales sont indispensables. Enfin je te fais pas le topo ! 

« Malgré tout ça je pense que les gens sont de moins en moins dupes, que les gens réalisent que cette espèce d’holocauste animal prend des échelles hallucinantes et que y a des gens et notamment pas mal de jeunes qui aujourd’hui changent vraiment. Et c’est clair qu’il va falloir beaucoup de temps, parce que c’est tellement ancré dans les cultures, dans les habitudes. Enfin, je vois dans ma famille je suis hyper actif et hyper militant sur ces sujets et on en parle tout le temps car ça revient toujours à table. Mais même mon père et mon frère que j’ai totalement convaincu sur le fond, ils n’ont plus d’arguments qui tiennent la route et ils le reconnaissent, et bah malgré des dizaines d’heures de discussions sur les sujets, à argumenter et à les convaincre intellectuellement, et bah « on ne va quand même pas se priver d’un bon barbecue ou de crevettes dans des avocats » ou des trucs comme ça quoi ! »

Et vous allez faire comment d’ailleurs sur le projet de tiers-lieux à La Réunion pour la restauration ?

« Dans le resto qu’on va créer sur le site, on voulait, enfin moi je voulais qu’il soit 100% végé, mais bon ça a été compliqué à faire accepter, d’une part en interne par peur des conséquences que ce genre de décision radicale pouvait provoquer, que ça pouvait être pris comme une forme de discrimination ou de jugement moral. Et puis notre partenaire restaurateur me disait qu’il n’y avait pas encore le marché tout simplement, à La Réunion pour du 100% végétarien, si on voulait – et c’est le cas – qu’il n’y ait pas que des bobos à fort pouvoir d’achat. Pour moi, c’est très chiant mais je l’accepte parce que je sais que, bon je déteste le mot pragmatisme, mais je sais qu’il y a une forme de réalité à prendre en compte, si on veut faire passer l’essentiel, et l’essentiel c’est quand même que 80% sera végétarien et vegan et qu’il y aura beaucoup de saveurs et de diversités, et qu’en plus, on va renchérir les plats carnés, c’est-à-dire que tous les plats poisson et viande se verront appliqués une sorte de « taxe révolutionnaire », enfin je ne sais pas encore comment on va l’appeler et l’habiller marketingement parlant, mais elle permettra d’une part de faire réfléchir la clientèle, de discriminer vers du végétal et aussi de recueillir des fonds qui iront abonder nos caisses pour des actions de conservation étant entendu que les effets d’une consommation carnée on les connait et qu’ils sont préjudiciables à la cause qu’on défend ce serait cohérent d’avoir au moins ces moyens d’agir à défaut de ne pas pouvoir convaincre à la source les gens de ne pas acheter tous ces produits. »

Voilà, on a encore discuté de quelques sujets … de vie pour conclure. Un grand merci Jean-Marc pour ta disponibilité et pour tes combats.

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Hey! Moi, c'est Guillaume Cromer, je pilote ID-Tourism, cabinet d'ingénierie sur le marketing du tourisme. Historiquement, je suis bien impliqué sur les questions de tourisme durable mais depuis quelques temps, je m'intéresse beaucoup à la question de la prospective du tourisme pour bien comprendre comment vont évoluer les attentes des voyageurs et de quelle manière il va falloir adapter les organisations publiques et privées du tourisme. Hyper curieux et de [...]
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