Stations de ski : pivoter ou subir les changements (et mourir)

Publié le 16 novembre 2018
5 min

Le froid commence (enfin) à arriver. Pour les fans de montagne comme moi, on commence déjà à regarder les annonces des stations et de l’industrie du ski pour connaître les grandes tendances et les premières ouvertures (Porté Puymorens ce week-end!). Bien sûr, on regarde aussi un œil sur la météo car avec la grande sécheresse des derniers mois, la question de la neige de culture va se poser… Avec de nouveaux bouleversements sociologiques portés par les nouvelles générations de consommateurs, je me suis posé la question de savoir si les stations de ski avaient la capacité à (réellement) pivoter ou si elles allaient continuer à subir les changements.

 

Climat : une vérité qui dérange

« La météo particulièrement anticyclonique de l’automne ne nous permet pas d’ouvrir la station et son domaine skiable à la hauteur de la qualité que nous souhaitons vous offrir […] ». Bien sûr, ce n’est pas une situation exceptionnelle pour les Alpes et Val Thorens mais cela montre l’imprédictibilité de la météo et la nécessaire agilité à avoir désormais pour une station de ski ou … de montagne devrait-on dire. Ce qui est plus problématique, c’est la sécheresse actuelle dans les montagnes. Dans la station de La Clusaz, en Haute-Savoie, la maire a pris sa décision. « Si on faisait de la neige de culture, on pourrait skier, les touristes pourraient venir, mais si on ne peut pas leur donner à boire ça ne sert à rien. » André Vittoz, maire de La Clusaz. Boire ou skier, il va donc falloir vraiment choisir dans l’avenir… Avec une opinion publique qui prend de plus en plus la parole dans la rue et sur les réseaux sociaux sur des questions environnementales ou climatiques, les stations de ski vont devoir changer de discours pour éviter de se faire lyncher par les médias et les influenceurs comme une activité de pollueurs. Dans une entreprise en veille, des décisions précises auraient déjà été prises pour faire évoluer la communication et l’image perçue.

 

Sociologie des pratiquants : que veulent les jeunes ?

Mais que pense la génération Z de la montagne et de la pratique du ski ? C’est l’agence PopRock qui s’est posée cette question pertinente car oui, les jeunes pratiquent de moins en moins les sports d’hiver. L’agence a réalisée dernièrement une étude auprès de 10 000 jeunes (à travers le chatbot Jam) et des journées d’immersion auprès de la communauté des 15-25 ans (plutôt urbains) pour connaître leur perception et pratique des activité outdoor. Cette étude géniale (il faudrait réaliser plusieurs articles dessus) montre en quelques mots que cette génération a un autre regard à la fois sur la notion de « dehors » (outdoor) mais aussi sur les pratiques.

Pour eux, dehors signifie être avec les autres alors que chez soi, c’est être tout seul. Cette notion « communautaire » est hyper importante. Après, la nature est une notion particulière, cela peut-être considéré comme juste aller dans un parc, assis sur un banc au soleil… C’est bien pour cela que l’on parle de microaventures pour des sorties en montagne à proximité. Les paramètres ont bien changé avec l’urbanisation. Dans les pratiques sportives urbaines, il y a de la multiactivité qui est avant tout simplifié dans la pratique. Le boom de l’escalade en ville (en bloc) fonctionne car c’est facile d’utilisation. Il n’y a pas besoin de matériel spécifique. Les pratiques sont réinventées, à l’instar du parkour couplé à de la gym (que l’on appelle freerunning) ou encore associé aux arts martiaux (pour devenir du tricking). C’est ici que les nouveaux sports sont inventés, au plus près de la maison.

Dans cette étude, des questions spécifiques ont été posées sur la montagne. Et le regard des jeunes est assez ringard sur les pratiques en montagne. Alors qu’un jeune sur deux n’est jamais allé au ski, il est surtout inquiétant de voir que près de 40% des jeunes ne positionnent pas le ski dans le radar de leur pratique potentiel. Encore plus fort, quand on leur demande la référence qui leur fait penser à la montagne aujourd’hui, ils mettent Les Bronzés font du Ski, Belle et Sébastien et Heidi dans le top 3 (ils ont 18 ans en moyenne !!). Il y a donc un sacré imaginaire à réinventer ! Et qu’est-ce qui les intéresseraient au fond dans la montagne ? Pour 40% des jeunes, ce sont les paysages avant tout ! L’instagrammabilité des lieux est sûrement passée par là mais c’est intéressant pour comprendre la nécessaire évolution de la communication à prendre pour les stations. C’est qui est important, c’est l’environnement général et non plus les pratiques de glisse…

 

Un produit trop statique dans les stations de ski ?

Mais alors ?! Avec toutes ces nouvelles attentes et contraintes, les stations de ski ont-elles réussies à se moderniser pour s’adapter ? Si peu… Des réservations du samedi au samedi… Des cours pour apprendre le ski tous les matins… C’est vrai que la vision des Bronzés n’est pas si éloignée que ça au final. Il y a bien quelques nouveaux hébergements qui apparaissent ici ou là mais le modèle général montre vraiment un manque d’agilité dans l’offre afin de pouvoir « consommer » la montagne et tout le panel des choses à faire, quitte même à ne pas faire de ski ! Aujourd’hui, quand j’entends les discours des grandes stations et de Domaine Skiable de France, j’ai vraiment le sentiment qu’ils veulent forcer la vente du même produit et chercher une croissance à la Henri Ford. Aller chercher de la clientèle dans les pays émergents en les poussant à apprendre le ski en Chine ou chez nous en construisant des partenariats avec des stations chinoises (pour débutant). Faire du lobbying politique pour relancer le financement des classes de neige. Développer des partenariats pour construire du e-sport de glisse afin de pousser les jeunes à jouer aux sports de glisse afin de les convaincre de venir en station, etc.

Cela fait peut-être beaucoup de stratagèmes pour attirer des clients à faire du ski alors qu’il faudrait peut-être juste sortir de sa zone de confort, remettre en cause les pratiques de la glisse en profondeur et adapter les stations… de montagne, non ?

 

Et si on pivotait vraiment le projet des stations pour attirer à nouveau les jeunes ?

Cette étude de PopRock m’a marqué car elle montre bien la nécessité d’entendre cette nouvelle manière de fonctionner et de consommer ! Toute start-up verrait les résultats de cette étude et réunirait toute l’équipe et les stagiaires pour faire un meeting de crise et réfléchir à la nécessité de faire pivoter le projet de la boîte ! Comment la montagne pourrait s’adapter pleinement aux usages des urbains ? Voilà le titre du paperboard et les solutions créatives fuseraient de partout ! Comment rendre les stations cool, agiles, hybrides, faciles d’accès, aux multiples pratiques, hyper connectées ? Comment adapter les parcours urbains à des parcours de montagne ?

Le travail mené par le département de l’Isère sur les stations du futur est une première piste intéressante avec la volonté d’initier la thématisation des stations et des espaces. Or, demain, avec toutes les nouvelles contraintes qui arrivent, l’agilité et les pivots seront une obligation pour survivre. Les collectivités de montagne et les exploitants en sont-ils capables ?

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Hey! Moi, c'est Guillaume Cromer, je pilote ID-Tourism, cabinet d'ingénierie sur le marketing du tourisme. Historiquement, je suis bien impliqué sur les questions de tourisme durable mais depuis quelques temps, je m'intéresse beaucoup à la question de la prospective du tourisme pour bien comprendre comment vont évoluer les attentes des voyageurs et de quelle manière il va falloir adapter les organisations publiques et privées du tourisme. Hyper curieux et de [...]
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