De la lecture à un storytelling sur Shorthand

Publié le 2 juin 2025
5 min

L’IA bouleverse les modes de production et de consommation des contenus. Des réseaux sociaux habités par des amis à la production déléguée, rapide et empathique, que reste-t-il aux équipes des destinations touristiques et aux clients pour accéder à de l’information touristique ? Voilà ce qui suit dans cet article, complété par un retour d’expérience de production de contenus sur une app sympa, Shorthand mais au prix de diffusion que je trouve rédhibitoire. Article écrit par moi-même et non par une IA 🙂

Georges Nahon, expert en technologies numériques, a récemment publié une tribune dans Le Monde que j’ai trouvée intéressante. Il développe l’idée que l’IA devient le nouveau réseau social mondial. Preuves : Facebook et Instagram ne sont plus concentrées sur les connexions sociales mais sur le divertissement. Seulement 17% du temps passé sur Facebook et 7% sur Instagram concernent des publications d’amis. Les amis ont donc disparu de ce qui a fait l’intérêt des réseaux. TikTok ayant encore plus marginalisé cette notion de média social puisque l’on suit des abonnés, plutôt que des amis et des contenus de ces comptes ou poussés de manière aléatoire par des algorithmes. Par ailleurs, les acteurs d’IA générative transforment leurs solutions en réseaux sociaux, les dialogues tenant de plus en plus de l’intelligence émotionnelle, des propositions pointues et personnalisées sont formulées.

« Un monde où l’on obtient des réponses élaborées instantanées sans naviguer parmi des liens pose de nouvelles questions. Pourquoi lire un livre si un résumé instantané gratuit suffit ? Ce n’est pas un hasard si le trafic des sites spécialisés dans les réponses baisse à cause de l’IA générative. Le modèle même du Web ouvert est menacé ».

Sur Linkedin, Ange Pozzo di Borgo, Manager Hauts de France innovation tourisme vient de publier un article sur le fait qu’Expedia utilise l’IA générative pour convertir automatiquement des réels Instagram en itinéraires personnalisés et réservables. Autrement dit, l’inspiration visuelle devient planification de voyage. La production écrite diminue, l’image s’impose davantage, l’effort de recherche de la part des utilisateurs est réduite. A rapprocher du fait que Wired indique que 54 % des articles longs en anglais sur LinkedIn seraient produits par l’IA. Selon Georges Nahon, « Ce « slop » (équivalent pour les contenus du « spam ») nuit à la qualité du Web. Si les IA finissent par ingurgiter tout ce qu’elles ont déjà régurgité sur le Web et les réseaux sociaux, les contenus vont tourner en rond et perdre en qualité et pertinence : c’est le « collapse », ou l’effondrement, de l’IA générative. Comme les photocopies de photocopies ».

Et Mathieu Vadot a produit une très belle synthèse des évolutions en cours chez Google. L’IA va impacter plus massivement les résultats de recherche. En résumé, mais lisez plutôt la production de Mathieu, je retiens notamment l’élaboration d’un « Perplexity » intégré à la recherche Google qui va générer des rapports approfondis en fragmentant automatiquement votre demande en dizaines de sous-requêtes.
Ou encore Project Mariner : un agent IA qui utilise votre navigateur pour exécuter des tâches sur le web à la place de l’utilisateur.
Et aussi, Search Live : via la caméra de son smartphone, on pose des questions contextuelles sur ce que l’on est en train de filmer. Enfin, l’essor de fiches produits dynamiques à partir d’informations pertinentes directement extraites de Google Shopping.

MOINS DE LECtURE, PLUS DE VISUELS

Nous allons donc et cela de manière vertigineusement rapide vers moins de web connu jusqu’alors, vers moins de réseaux sociaux animés par des amis, moins de productions indépendantes, plus d’automaticité et de reproduction. Je trouve que la biodiversité digitale risque de se tarir.

Et tant qu’on y est, alors que les équipes des destinations touristiques produisent encore des contenus digitaux et print, que les éditions touristiques naviguent dans un secteur malmené, voici qu’est publié le Baromètre Les Français et la lecture réalisé tous les deux ans par Ipsos pour le Centre national du livre. Il alerte sur la baisse de la lecture. Ainsi, en 1988, 73% des Français lisaient au moins un livre par an en dehors de l’école et du travail. Ils n’étaient plus que 62% en 2018 et seulement 48% aujourd’hui. En outre, s’il y a trente ans les gros lecteurs étaient jeunes, ils sont désormais vieux. Et l’héritage de la lecture disparaît. Rappelons que les 15-19 ans passent 35 heures par semaine sur leur écran en dehors de l’école. Difficile de trouver le temps de lire un roman ou un essai. Est-ce grave ? Oui car les romans stimulent l’esprit, enrichissent la réflexion, incitent à accepter des points de vue différents, permettent d’acquérir de la subtilité et le sens de la nuance.

Alors que faire quand on doit animer une destination touristique, avec un site web moins sollicité, des réseaux vidés de relations sociales réelles, de l’IA que l’on vous distribue sous forme de cachetons matin, midi, soir, nuit, tous les 32 du mois et toutes les années trisextiles ?

Croire encore dans sa propre capacité à créer des contenus qui correspondent à de vrais moments vécus et à vivre, inspirants et conduisant à des envies de voyages. Face à ces évolutions j’ai trouvé et testé Shorthand, une app qui permet de créer des contenus de type storytelling. Revenant d’une escapade dans la belle région de Navarre où je me rends souvent et disposant de photos produites au long cours j’ai créé une petite narration pour évaluer les possibilités de cette solution qui intègre de la vidéo, des photos, des textes, soit en création propre, soit en recourant à des modèles.

J’ai lié des photos de paysages, d’ambiance, d’hôtel, avec des textes rapidement produits, une image générée sur ChatGPT, le tout mis en maquette parmi différentes possibilités, dont un template dédiée aux destinations touristiques que j’ai utilisé.

Le rendu, adaptable aux formats ordinateur, tablette, téléphone est sympa quoique le traitement soit un peu lent. Il faut se créer un compte, trouver un sujet, l’alimenter, valider les adaptations des maquettes proposées et ajustées par vous, page par page, puis assembler le tout et vous disposez d’un support sympa. Là où ça se complique c’est au moment du partage et l’édition d’une url permettant de diffuser votre story, le coût à 50 dollars est élevé et l’abonnement à 55 dollars par mois dépasse mon intérêt.

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François Perroy est aujourd’hui cofondateur d'Agitateurs de Destinations Numériques et directeur de l’agence Emotio Tourisme, spécialisée en marketing et en éditorial touristiques. Il a créé et animé de 1999 à 2005 l’agence un Air de Vacances.  Précédemment, il a occupé des fonctions de directeur marketing au sein de l’agence Haute Saison (DDB) et de journaliste en presse professionnelle du tourisme à L’Officiel des Terrains de Camping et pour l'Echo Touristique. Il [...]
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