Quelle sémantique pour un tourisme moins impactant ?

Publié le 8 avril 2022
7 min

Alors que le 3e rapport du GIEC vient juste de sortir (et presque personne n’en parle) et qu’en face les candidats aux élections négligent beaucoup trop les questions liées au climat et à la biodiversité, un mini « green dico » serait utile afin d’éviter le greenwashing ou de galvauder certains concepts.

Source : Pixabay

Tourisme Durable

Selon l’OMT il s’agit « d’un tourisme qui tient pleinement compte de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs, en répondant aux besoins des visiteurs, des professionnels, de l’environnement et des communautés d’accueil ». Nous sommes sur donc sur une adaptation de la définition de développement durable proposée au sommet de la Terre de 1992. Cette définition pointe les questions d’impacts donc (encore faut-il les connaitre et être en capacité de les mesurer) et de besoins des différentes parties prenantes (sans s’enfermer dans les aspirations ou satisfaction des visiteurs).

Pour aller plus loin, lire et relire le guide « 10 ans du tourisme durable » par Voyageons Autrement.

On parle aussi de tourisme responsable ou éco-responsable qui reprennent les principes proposés par l’OMT. Une petite étude sur les représentations de ces différentes notions serait intéressante 😉

Source : Bernard Schéou

Ecotourisme

La société internationale d’écotourisme le définit comme « une forme de voyage responsable dans les espaces naturels qui contribue à la protection de l’environnement et au bien-être des populations locales ».  La question demeure sur ledit espace naturel, est-ce qu’un parc urbain peut être considéré comme un espace naturel ? Sûrement. Mais peut-être pas quand la définition a été faite. On voit apparaitre des expériences d’écotourisme urbain, pourquoi pas tant que la nature est préservée et valorisée. Les exemples données en écotourisme restent principalement situés dans des espaces protégés (type parcs naturels). On peut aussi parler de tourisme vert ou tourisme de nature.

Transition écologique ou énergétique

Une transition est un passage d’un état à un autre selon le Larousse.

La transition écologique selon Oxfam « est une évolution vers un nouveau modèle économique et social qui apporte une solution globale et pérenne aux grands enjeux environnementaux de notre siècle et aux menaces qui pèsent sur notre planète. Opérant à tous les niveaux, la transition écologique vise à mettre en place un modèle de développement résilient et durable qui repense nos façons de consommer, de produire, de travailler et de vivre ensemble ». On peut aussi voir transition environnementale.

La transition énergétique c’est-à-dire sectorielle représente le passage des énergies fossiles à renouvelables. Cette transition nous invite donc à réduire nos consommations et augmenter la part des énergies renouvelables.

On peut même aller plus loin en parlant de transformation, synonyme de renouvellement, modification ou reconversion. Le réseau Acteurs du tourisme durable avait d’ailleurs publié en 2020 son manifeste pour un plan de transformation du tourisme. Et plus récemment, le Shift Project a publié début 2022 son plan de transformation de l’économie française très lisible qui vise les décideurs pour les accompagner à planifier la transition grâce à des propositions concrètes.

PTEF par le Shift Project

Décarbonation, neutralité et compensation carbone

La décarbonation rassemble les mesures permettant à un secteur ou une organisation de réduire son empreinte carbone, c’est-à-dire les émissions de gaz à effet de serre (dioxyde de carbone et méthane en particulier). Quelles peuvent être les solutions pour décarboner la société ? On dira consommer moins mais mieux, notamment en visant l’efficacité énergétique.

Je vous invite fortement à lire la feuille de route du gouvernement de Stratégie Nationale Bas Carbone qui vise un cap fort pour lutter contre le changement climatique et définit une trajectoire ambitieuse de réductions des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050.

La neutralité carbone traduit un équilibre entre émissions de carbone et absorption du carbone par des puits de carbone selon le Parlement Européen, sorte d’aspirateur à GES naturel. Mais neutralité ne veut pas forcément dire réduire tant que l’équilibre est présent. Pour tout comprendre sur les défis de la neutralité, je vous invite à aller sur le blog Freeze by Carbo et notamment les articles de Mathieu Brand.

La compensation carbone consiste à financer un projet environnemental qui permet la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère et souvent utilisée comme moyen pour atteindre la neutralité (l’exemple le plus connu étant la reforestation). La compensation n’est pas la solution mais la dernière étape. Ça me fait penser à la philosophie des 4R (ou 5R) prônée par le mouvement zéro déchet : refuser, réduire, réutiliser / recycler, redonner (compenser).

Philosophie 5R (copyright : Ecopandashop)

Résilience

Le chercheur Holling la définit comme « la capacité d’un système à résister à une perturbation tout en conservant ses fonctions de base […], la capacité à s’autoorganiser, à s’adapter ». La résilience entend donc d’anticiper et de planifier pour s’adapter aux conséquences notamment climatiques sur nos territoires.

L’ADEME a travaillé sur la résilience des territoires en créant un wiki dédié pour catégoriser les différents défis / risques et vulnérabilités ainsi qu’un appel à proposer des communs, c’est-à-dire une ressource partagée et alimentée par une communauté avec une gouvernance clairement définie.

Le Shift Project a aussi bossé le sujet en concevant des stratégies de résilience des territoires à travers un mémento d’exemples et de recommandations pour « tenir le cap de la transition écologique » décliné en 3 tomes : comprendre, agir et organiser. Malheureusement le tourisme est très peu cité ou uniquement comme exemple malgré les enjeux de ce secteur (on y bosse, ne vous inquiétez pas).

Résilience des territoires par le Shift Project

Changement, réchauffement ou dérèglement climatique ?

Le changement climatique désigne l’ensemble des variations des caractéristiques climatiques en un endroit donné au cours du temps. Ces modifications sont dues à l’augmentation de la concentration des gaz à effet de serre présents dans l’atmosphère. On parle d’ailleurs des changements climatiques. Il s’agit de plus d’une des 9 limites planétaires qui permettent la vie sur Terre. Le changement climatique n’est donc qu’une (grosse) partie du problème.

9 limites planétaires

Le réchauffement climatique est assez réducteur, « allé, 2 degrés de plus c’est pas si horrible ». Le problème n’est pas la température mais les conséquences sur les dynamiques climatiques. Exemples du scénario +2°C : 9 fois plus de canicules, +14% de précipitations extrêmes, hausse du niveau de la mer de 40 à 80 cm (qui pourrait faire perdre 80% de la surface de la dune du Pyla par exemple), … Alors si 2 degrés c’est beaucoup !!

Personnellement, je préfère l’usage de dérèglement climatique, car « dérèglé » sous-entend « désordonné » ou « qui fonctionne mal ». Moins réducteur donc que changement ou réchauffement. Dérèglement pointe de plus le rôle de l’Homme dans l’évolution du climat et des conséquences anthropiques, c’est-à-dire de l’activité humaine dans l’effondrement qui s’annonce.

Sobriété et après ?

Petit mot de la fin car il faudrait cogiter à ABCDaire des mots nuisibles utilisés afin d’embarquer nos décideurs. Rechercher l’équilibre du tourisme entre le respect des limites planétaires et des besoins fondamentaux et d’orienter (ou réorienter) l’économie touristique plus sobre et régénératrice. Auto-promo, c’est mon sujet de thèse sur la « Gouvernance adaptative et résilience des territoires touristiques : opérationnalisation du concept de climax ».

Pour aller plus loin, écoutez les supers podcasts « Ozé » de Jean-Philippe Decka avec des invités de grande qualité qui apportent de la hauteur pour un monde durable. Bien-sûr lisez les articles de Thomas Wagner alias « Bon Pote », média radical (au sens retour aux racines et non pas khmer vert) et sinon notre expert du tourisme durable en France, Guillaume Cromer aka Barnabé Colo qui met les pieds dans le plat et ça fait du bien !

Et le social dans tout ça ?

Source : Pixabay

Ça parle climat, écologie, environnement en utilisant durable et responsable… Il est où le 3e volet du développement durable ? Véritable parent pauvre du tourisme durable, que faisons-nous des 35% de français qui ne partent pas vacances ? Que faire des habitants des territoires de destination qui ne trouvent pas de quoi se loger au détriment du tourisme ? Comment rendre accessible nos équipements et surtout nos services à des personnes en situation de handicap ?

Petit appel à contribution sur l’identification d’un plancher social du tourisme correspondant aux besoins de l’écosystème touristique, qui veut bosser ou échanger avec moi sur le sujet ?

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Dans un secteur touristique en développement continu, il est indispensable d'accompagner les professionnels vers un tourisme raisonné et responsable. Je me décris comme une apicultrice de projets touristiques en transition. J'aime aller m'inspirer ailleurs et je prône la politique du petit pas (penser global et agir local). Je prépare actuellement une thèse doctorale sur la "gouvernance de la performance publique, management hybride de la performance globale pour les OGD".
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