Quand le gratuit pousse au locatourisme

Publié le 18 septembre 2025
4 min
La commune de Saint-André de Cubzac, dans le nord de la Gironde a lancé son premier refuge dans un ancien moulin réhabilité. Particularité : l’hébergement est gratuit et fait appel à la responsabilité citoyenne. Et ça marche!

Au départ, le projet de la commune peut sembler assez classique : deux moulins du 18ème siècle sur une colline surplombant l’estuaire de la Gironde. Le premier, réhabilité avec une plateforme panoramique attire les visiteurs pour la beauté du site. Pour réhabiliter le second, Hélène Richet qui est adjointe déléguée à la transition écologique et au cadre de vie (le libellé de la fonction a son importance) a une idée. Elle va convaincre ses collègues du conseil municipal de créer un refuge atypique qui sera ouvert gratuitement aux visiteurs, qui pourront y séjourner une nuit. C’est ainsi que le moulin de Montalon a ouvert ses portes aux premiers séjournants en avril 2025.

Vue depuis le moulin

Viser le locatourisme

Des éuqipements publics gratuits visant à favoriser les loisirs de proximité, il en existe beaucoup, des sentiers de randonnée aux sites patrimoniaux réhabilités en passant par les parcours de géocaching comme Terra Aventura; De quoi favoriser la qualité de vie des citoyens, et de renforcer l’attractivité de la destination . Mais des hébergements gratuits, c’est moins fréquent. C’est le principe de ce refuge atypique, inspiré des refuges périurbains qui existent sur la métropole bordelaise.
A Saint André de Cubzac, le succès a été immédiat, puisque lorsque les réservations sont ouvertes, le planning est complet en quelques heures.

L’ambition d’Hélène Richet (qui fut avant d’être élue, directrice de l’Office de Tourisme local) est de favoriser la fréquentation locale, de manière à apporter aux habitants « des vacances à la maison » et de renforcer la fierté locale.

Evidemment il est impossible de privilégier un type de clientèle plutôt qu’un autre. Le choix a été de mettre en place un système de réservation complexe « pour favoriser le tourisme de proximité. » Ainsi, les postulants à une nuit d’hébergement gratuite doivent remplir un formulaire et récupérér les clés en mairie avant 16h aux jours d’ouverture, c’est à dire en semaine.

Aussi, pour profiter du moulin lors de la nuit du samedi au dimanche, cela nécessite de passer à l’hôtel de ville le vendredi avant la fin de l’après-midi : une stratégie délibérée de « contrainte géographique » pour décourager les réservations lointaines. Le résultat est là avec 90% d’utilisateurs du canton et région bordelaise.

Minimiser les frais de fonctionnement grâce à la responsabilité des usagers

Le débat a eu lieu au conseil municipal où certains élus ne voyaient pas pourquoi les usagers ne paieraient pas, puisque l’opération avait un coût pour la collectivité.

Alors, certes, il y a le coût d’investissement (235 000 euros mais avec des subventions du département et de l’Europe), mais tout a été pensé pour minimiser le coût de fonctionnement de l’équipement : pas d’eau, pas d’électricité, les visiteurs emmènent draps ou sac de couchage. Des toilettes sèches communales existent à proximité. Et les séjournants font le ménage (ils ont laissé une caution en mairie, ce qui est fortement incitatif). Pasde régie de recette, pas d’agent de permanence, bref, pour la commune les frais sont réduits au minimum.

Ce qui permet d’offrir le service, mais aussi de changer de rapport entre une collectivité et les usagers. Comme l’explique Hélène Richet, « En fait, c’est tout le problème de notre société patriarcale qui a constamment dirigé la population en leur disant « ne vous inquiétez pas, on prend ça en charge, on prend ça en charge ». Là, c’est tout l’inverse. C’est-à-dire que nous leur disons« ok c’est gratuit, mais vous vous débrouillez, vous devez porter votre pique-nique, vous devez porter votre eau, les toilettes c’est dehors, vous êtes autonome en fait, mais parce que vous êtes des adultes responsables». » Une solution d’avenir en période de disette budgétaire ?

L’escalier du refuge

Demain, un circuit de refuges insolites sur la commune?

Le souhait de notre interlocutrice est d’aller plus loin : installer 4 refuges atypiques sur le territoire communal, reliés par une boucle de randonnée. Aussi, dans quelques années les locaux pourraient prendre leur sac à dos, partir de chez eux, passer une nuit dans un moulin, une seconde dans un ancien château d’eau aujourd’hui inutilisé, une troisième dans une cabane dans les arbres d’une forêt et une quatrième au bord de la Garonne dans un carrelet (cabane de pêche traditionnelle). Le tout gratuitement en mode slowtourisme et surtout locatourisme…

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Jean Luc Boulin est consultant en tourisme : Intervention auprès des élus et des prestataires touristiques, coaching, accompagnement des équipes et des directions sont ses principaux champs d'intervention. Avec deux exigences : se mettre à la place du client et oser l'innovation. Directeur de l’office de tourisme de l’Entre-deux-Mers (Gironde) et du pays d’accueil touristique du même nom pendant plus de dix ans, Jean Luc Boulin a dirigé la MONA [...]
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