Influenceuses et influenceurs, apprentis-sorciers ?

Publié le 13 mars 2018
4 min

influenceursBon, j’avoue, j’ai toujours été très dubitatif à propos du « phénomène » des influenceurs et ceuses… Non pas que je ne reconnaisse pas le talent certain d’une minorité d’entre eux jouissant d’une réelle audience et d’une approche éditoriale intéressante  mais plutôt parce qu’au-delà de ce microcosme, on trouve aujourd’hui une foule d’influenceurs auto-proclamés dont certains semblent même malheureusement souffrir de mythomanie au point de croire dur comme fer à un pseudo-vedettariat qu’ils sont les seuls à entretenir. On connait le problème des faux avis sur les plateformes comme Tripadvisor, il faut aussi aujourd’hui réfléchir à notre positionnement par rapport aux sollicitations parfois naïves de ces personnes aux intentions souvent sincères mais dont l’impact sur nos publics cibles sera quasi nul, contrairement à notre investissement financier. C’est là que le bât blesse: la valeur d’un « influenceur » étant difficilement quantifiable, les pros du tourisme sont la proie tant de vautours que de gentilles licornes…    

Tout commence par une lecture

Je suis tombé ce vendredi sur un article au sujet de Lisette Calveiro, une Instagrameuse qui a accumulé jusqu’à 10.000$ de dettes pour maintenir le train de vie qu’elle voulait afficher sur les médias sociaux: tenues (« pas question de s’afficher deux fois avec la même »), voyages, accessoires,…

Un échec ? Du point de vue influence, pas vraiment: Lisette a quand même mobilisé à ce jour près de 32.000 followers, mais à quel prix ?
Elle reconnait volontiers le caractère déraisonnable de sa démarche et sensibilise ceux qui voudraient suivre ses pas à être plus prudents qu’elle ne l’a été.

Et un petit resto samedi

Non, je ne me livrerai pas au foodporn; je me contenterai de vous relater une conversation que j’ai eue avec des amis restaurateurs ce samedi soir. Leur établissement ayant déménagé vers la capitale européenne, je leur demandai s’ils avaient retrouvé facilement une clientèle et il se trouve que, tant mieux pour eux, oui: ils avaient eu la chance de bénéficier d’une bonne couverture presse récemment et les gastronomes se bousculaient au portillon de leur excellent établissement.
Et dans la foulée de cette médiatisation, une dizaine de sollicitations de blogueurs/euses/influenceurs/euses/taspascentballeurs/euses allant de la proposition de « visibilité auprès de notre communauté (« 1.276 followers sur Insta » SIC) pour X euros la publication à une formule « vous nous offrez le repas, à mon compagnon et à moi » et on fait un billet sur notre blog à propos de votre restaurant.

Vous pensez que je prends du plaisir à caricaturer de jeunes aspirants influenceurs: j’ai autre chose à faire et je sais qu’il faut bien commencer un jour. Tous les grands chênes ont été de petits glands. Non, ce que je veux mettre en évidence, c’est que le statut d’influenceur (peut-on parler de métier ?) est aujourd’hui victime de son propre succès. Je serais curieux de connaître, ne fût-ce que pour le monde francophone, le nombre d’influenceurs catégorisés « tourisme »; je mettrais ma main feu que leur nombre est bien supérieur aux besoins tant du public que des professionnels du tourisme.

Laissons le marché se réguler ?

Je me souviens des débuts du web (hé oui, j’ai quarante ans et trente-six mois): le pire côtoyait le meilleur parmi les « professionnels du web » qui, soyons honnêtes, étaient tous des apprentis sorciers… Certains sont depuis lors devenus des Merlin tandis que d’autres demeuraient à jamais des Garcimore involontaires et sombraient dans l’oubli de l’erreur404.

Peut-être nous faut-il dès lors patienter pour voir ce qu’il restera finalement de cette influençosphère aux pieds d’argile. Ne nous voilons pas la face: il y a bel et bien une multitude d’influenceurs avec une « communauté en carton », comme en témoignent de nombreux groupes sur Facebook dans lesquels on découvre toute l’imposture de certains: achat de fans, recours massif au #followmetoo,…
N’est pas Murad Osmann qui veut !

Influenceurs VS ambassadeurs

À l’heure du localhood, du live like a local, des greeters et autres ambassadeurs de destination, la promotion territoriale me semble plus que jamais devoir passer par l’authenticité de témoignages désintéressés et authentiques (ce que certains blogueurs font effectivement, je n’en doute pas et j’en connais mais… il y a aussi les autres).
Et si vous choisissez de solliciter l’un(e) de nos apprenti(e)s sorciers, rien ne remplace un bon contact humain: vous sentez-vous à l’aise avec elle ou lui ? Cette personne semble-t-elle marquer un intérêt sincère pour votre région et vos produits ? Ses publications antérieures cadrent-elles avec vos attentes ? Avez-vous parlé contenus avant de parler prix ? Quelle est son expertise rédactionnelle/photographique ? Quel est sa motivation ?

Ne perdez non plus pas de vue que si vous n’êtes pas des experts des médias sociaux, vous êtes par contre bel et bien experts de votre destination et de vos clientèles; bref, travaillez surtout avec quelqu’un qui sera aussi à votre écoute.

On en reparlera dans dix ans et verra bien ce qui ressort de tout ça. J’ai hâte 😉

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Conférencier et consultant en Innovation touristique, Denis Genevois est également actif dans la sphère e-business et le marketing depuis plus de 20 ans. Il accompagne au quotidien les acteurs publics et privés du tourisme en Belgique francophone et en France dans leurs projets. Il est Directeur associé chez Un Tour d'Avance, bureau spécialisé en innovation et ingénierie touristique.    
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