
Facebook reste encore le premier média social en termes d’utilisateurs actifs dans le monde. On est cependant nombreux à s’en désintéresser à titre personnel tout en y maintenant une présence professionnelle. Dans les deux cas, on peste souvent contre l’influence de ce fichu algorithme sur les publications qui composent notre fil d’actualités. Aujourd’hui, l’IA générative est massivement utilisée dans des publications sponsorisées de manière quelque peu malsaine en jouant sur les émotions humaines les plus élémentaires. Les plus naïfs (et ils sont relativement nombreux, malheureusement) tombent dans le panneau et commentent, likent et partagent énormément ces publications.
On sait combien la recherche effrénée de l’engagement nous pousse toutes et tous à jouer la carte émotionnelle dans nos posts mais nous le faisons avec une certaine éthique dans l’industrie touristique en jouant sur la nostalgie, la gourmandise, l’humour ou encore l’esthétisme. Mais les publications dont je vais traiter dans cet article utilisent des ficelles bien moins honorables qui s’apparentent clairement à de la manipulation. Ce billet ne donne pas de solutions ou d’astuces; il soulève plutôt deux questions: jusqu’où aller pour susciter l’engagement d’une part et Facebook survivra-t-il à ce qui peut contribuer à éloigner encore davantage les européens de sa plateforme ?
facebook va (encore) bien
En janvier 2025, Facebook comptait plus de 3 milliards d’utilisateurs actifs dans le monde, avec l’Inde en tête (366,85 millions), suivie des États-Unis, de l’Indonésie, du Brésil et du Mexique. On notera donc un net retrait de l’Europe par rapport à il y a une dizaine d’années.
En France, on recense 30,8 millions d’utilisateurs en avril 2024, dont 72 % sont des millenials (nés entre 1981 et 1996) qui se connectent au moins une fois par mois. Parmi les principales plateformes sociales, Facebook demeure le média social préférée des plus de 35 ans, devant Instagram, TikTok et X. Quand on dit que Facebook est un média de vieux, ça se confirme donc. (Hé oui, si vous avez comme moi des enfants, vous savez très bien que dès que l’on atteint 30 ans, on est vieux 😉 ).
Autre son de cloche chez les community managers par contre : selon l’étude BDM, 74% des community managers considèrent Instagram comme leur réseau social préféré bien que 81% d’entre eux utilisent malgré tout Facebook pour diffuser des annonces publicitaires.
Bref, même si on continue comme il y a 10 ans à annoncer la fin de Facebook, le fossile a encore de beaux restes.
enfant qui pleure brise le coeur
Mais revenons en à l’objet de ce billet: l’utilisation de l’IA générative par certains producteurs de contenus sur Facebook pour créer des publications engageantes en jouant sur la naïveté des utilisateurs.
Le principe est assez simple: des publications sponsorisées consistant en un visuel photoréaliste, généralement un enfant en pleurs (mais pas que, voir la 5e photo) car le beaaauuuuu bricolage qu’il a réalisé n’a été apprécié de personne. Voici ci-dessous une petite compilation, sur base de captures d’écran, que j’ai pu réaliser en 10 minutes en parcourant mon fil d’actualités Facebook:

Quelques constats s’imposent immédiatement:
– le principe du visuel est systématiquement le même (on s’autorise juste parfois à remplacer l’enfant par un attendrissant papy)
– de nombreuses personnes ne tombent pas dans le panneau et distinguent très vite l’utilisation de l’IA; certaines créations sont d’ailleurs tout sauf réalistes en termes de faisabilité par un enfant ou même un adulte moyen. Certains commentent d’ailleurs « Fake » et expliquent leurs observations mais…
– … cela n’empêche pas d’autres personnes d’êtres convaincues. On remarquera d’ailleurs les chiffres impressionnants atteints par certaines de ces publications en termes de like et de partage. Et quand bien même : ceux qui commentent « fake » contribuent aussi à renforcer le taux d’engagement de la publication. Bref on trompe le lecteur en jouant avec les sentiments: c’est de la manipulation en bonne et due forme.
J’ai poussé la curiosité jusqu’à aller voir le profil (quand il était suffisamment public) des utilisateurs qui laissaient des commentaires du genre « pauvre petit chou, elle est magnifique ta sculpture, n’écoute pas les grands ! ». Je m’attendais globalement à tomber sur de gentilles mamys au coeur d’artichaut… Oh que non, toutes les catégories d’âges ou corps de métiers semblaient représentés ! Et il ne s’agissait pas de faux profils.
Par contre une constante : ces publications, sponsorisées je le rappelle, étaient liées à des pages ou groupes dont l’objet n’a, ni de près ni de loin, aucun lien avec les enfants et la création artistique : cuisine, actualité, bien-être, fashion, divertissement, magie, astuces,… Et à bien y regarder, la plupart ne publient d’ailleurs que peu de contenus en lien direct avec ce qu’il annoncent… Je peux comprendre une certaine stratégie de contenus et une recherche de l’engagement des lecteurs mais de là à être une coquille vide.
Récemment un groupe lié à un chanteur de variété décédé s’est pris de passion pour les pompiers, avec le même objectif et le recours également à l’IA générative:

Ethique et avenir de facebook en question
Je suppose que d’un point de vue éthique, vous vous posez les mêmes questions que moi. Je suis également sûr que ce type de publications ne fait pas et ne fera jamais partie de vos pratiques. Par contre, à l’heure où nous sommes de plus en plus nombreux à nous désintéresser de la plateforme tout en la fréquentant encore, plus par habitude que par intérêt réel, ces publications au demeurant très engageantes on le le constate, influencent le sacro-saint algorithme facebookien… Avec un risque d’inondation de ce type de contenus dans nos fils, jusqu’à l’overdose ?
Bref, au-delà de l’éthique, cette utilisation-là de l’IA générative ne deviendra-t-elle pas la tronçonneuse avec laquelle Facebook sciera la branche sur laquelle il est assis ? C’est probablement exagéré mais cela fera partie des déjà nombreuses raisons pour lesquelles on se désintéresse de plus en plus de ce media, particulièrement en Europe de l’Ouest.