Et si les destinations entraient dans l’ère de la blockchain ?

Publié le 12 juin 2025
4 min
Fin 2022, je vous proposais ce billet ‘Le Web 3, l’outil pour un nouveau tourisme ?‘. J’y montrais les enjeux de l’émergence des blockchains et leurs potentialités multiples sur le web et dans la vraie vie. Deux ans et demi plus tard, force et de constater que, hormis pour les cryptomonnaies et plus largement la finance, l’adoption de cette technologie reste confinée dans quelques niches. Pourtant ses atouts s’avèrent toujours nombreux et puissants pour mettre en œuvre un « nouveau » tourisme sur les territoires.
Image par Gerd Altmann de Pixabay

Les intérêts de la blockchain pour une destination

J’ai trouvé cet article du Ministère de l’économie particulièrement éclairant pour expliquer succinctement la blockchain, et j’en reprends ici la synthèse.

« La blockchain :

  • c’est une technologie de stockage et de transmission d’informations, prenant la forme d’une base de données ;
  • qui a la particularité d’être partagée simultanément avec tous ses utilisateurs et qui ne dépend d’aucun organe central ;
  • a pour avantage d’être rapide et sécurisée ;
    • et dont le champ d’application est bien plus large que celui des cryptomonnaies/crypto-actifs (assurance, logistique, énergie, industrie, santé, etc.) ;
    • et qui est de plus en plus encadrée pour éviter certains dangers. »

    Un support de stockage de données fiable, transparent et sécurisé

    On le voit, la blockchain construit un support pour gérer et stocker des échanges de formes multiples. Ce support est rapide, sans intermédiaire, et sécurisé. La blockchain, par sa conception décentralisée constitue en elle-même le tiers de confiance, souvent nécessaire actuellement, notamment dans les domaines de la finance, de la propriété foncière ou intellectuelle, des assurances, etc. À titre d’exemple, on trouve des blockchains dans le domaine des livres fonciers dans le monde entier (sécurisation des transactions et de l’authentification des propriétaires).

    La gestion de « contrats intelligents » ou « Smart Contracts »

    Un de ses grands intérêts réside aussi dans sa capacité à gérer, sécuriser et stocker des « contrats intelligents ». Cette fonctionnalité permet le déclenchement d’une action dès lors que ses conditions d’exécution, telles que définies dans le contrat, sont réunies. Et ce, sans intermédiaire « validateur ». On peut imaginer énormément d’applications : transactions d’actifs numériques, transactions immobilières, réservations d’hébergements ou de produits complexes, actions de fidélisation, assurance séjour, etc.

    Très concrètement, dans le domaine de l’assurance voyage, un smart contract peut être programmé pour rembourser automatiquement un assuré en cas d’annulation de vol : il se connecte aux bases de données de compagnies aériennes, détecte l’annulation, et déclenche immédiatement le paiement sans intervention supplémentaire.

    Autre exemple parlant, la blockchain pourrait avantageusement remplacer les monnaies locales citoyennes qui fleurissent sur les territoires à l’initiative de collectifs ou de collectivités pour soutenir et stimuler l’économie circulaire.

    La possibilité d’une gouvernance décentralisée

    Sans oublier que la blockchain peut être administrée par une DAO (Decentralized Autonomous Organizations), c’est-à-dire grosso modo par un collectif ad hoc. On voit ici les potentialités pour associer les parties prenantes d’un système d’information, d’un marketing de l’offre, d’une marque territoriale, d’un label, etc.

    Les contours possibles d’une expérimentation de destination

    En 2023, ADN publiait « 2033, c’est demain ! », synthèse de 3 ans de travail de sa commission prospective auxquels j’avais eu le plaisir de collaborer.

    4 scénarios y sont détaillés pour expliciter différents possibles. Parmi eux, le scénario 3, intitulé « Coopérations locales« , décrit l’émergence de communautés d’accueil sur les territoires, s’organisant pour recevoir des « résidents temporaires » partageant leurs valeurs, et pourquoi pas apportant leurs savoir-faire dans une optique régénérative.

    Ce scénario assez disruptif, pourrait émerger grâce justement à l’adoption de la blockchain, qui fournirait un support efficace et efficient.

    Et si un territoire à forte identité, doté d’une marque signifiante de valeurs communes et d’engagements forts tentait l’expérimentation ?

    Imaginons :

    • la constitution d’un collectif associant socio-professionnels, habitants, collectivités, OGD, etc. ;
    • l’élaboration d’un projet de territoire véritablement participatif ;
      • le développement d’une blockchain (ou l’adoption d’une blockchain existante), gouvernée par une DAO représentant le collectif ;
      • la création d’une cryptomonnaie locale, fondée sur l’économie circulaire ;
      • l’inscription des contrats intelligents qui vont bien pour administrer un système d’information commun, pour gérer des prestations entre les partenaires locaux au sein d’offres de séjour, pour organiser et exécuter la vente de ces offres, pour générer une contribution des accueillis (une taxe de séjour vertueuse quoi !), pour récompenser les accueillis pour leurs actions régénératives (fidélisation, gratifications, etc.), etc. etc.

      Une analyse plus approfondie recenserait des potentialités très certainement bien plus importantes que ce qui est décrit sommairement ici. Autant de champs d’innovation possibles !
      Bien évidemment, certains freins techniques, juridiques et financiers existent. Cependant, ils semblent aujourd’hui surmontables.

      Voilà de quoi donner corps à un « nouveau tourisme » (même si je n’aime pas beaucoup cette expression) fondé sur des valeurs fortes partagées et traduites par engagements réciproques entre accueillis et accueillants, des échanges sécurisés, transparents et sans intermédiaire, une implication forte de la population locale.

      La blockchain de destination n’a pas vocation à supplanter du jour au lendemain le système économique actuel. Elle offrirait une alternative, notamment pour un tourisme plus engageant et engagé !

      Les avantages seraient nombreux pour le territoire et pour des visiteurs en quête de sens. Bien sûr une telle démarche bouscule les habitudes, dans le domaine de l’action publique comme dans le fonctionnement traditionnel de l’économie touristique. L’innovation n’est pas un long fleuve tranquille !

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      Paul FABING est consultant joyeusement intermittent depuis 2022 ! Architecte de formation, ancien consultant tourisme, chef du service Tourisme de la Région Alsace, directeur de RésOT-Alsace (Réseau des offices de tourisme), directeur du pôle Qualité de l'accueil à l'Agence d'Attractivité de l'Alsace (AAA), et enfin directeur de la Mission Attractivité chez Alsace Destination Tourisme. Promis, il s’efforcera de ne pas rédiger en Alsacien, et apportera sans doute un petit vent d’est [...]
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