Avec Clubhouse, le son tient (enfin) sa revanche

Publié le 26 février 2021
6 min

Depuis début février on entend beaucoup parler de Clubhouse, nouveau venu dans le panorama des réseaux sociaux. Le petit dernier casse les codes du digital, chamboule nos habitudes social media et suscite un très fort intérêt des early adopters. Ici, l’addiction ne vient pas de la puissance d’un algorithme mais du caractère éphémère des contenus produits (surfant sur le syndrome FOMO – Fear Of Missing Out ou la peur de passer à côté de quelque chose), de l’énergie qui s’y dégage dans les échanges et de la nouveauté du format. Qui a dit que le son avait du mal à trouver sa place sur les réseaux sociaux ? Ok j’avoue, j’ai probablement prononcé ces mots il y a quelques temps mais cette fois-ci on peut l’affirmer : l’ouïe tient sa revanche, le « social audio » est dans la place. 

Qu’est-ce que Clubhouse ? 

Clubhouse est un réseau social constitué à 100% de contenus sonores. Une fois connecté à la plateforme, il est possible de créer des audios chat, des espaces de discussion appelés « Room ». Les autres utilisateurs de la plateforme peuvent alors rejoindre une « room » qui les intéresse pour simplement écouter ou y intervenir. Dans Clubhouse, on raconte des histoires, on débat, on pose des questions, on partage son expérience et on apprend finalement pas mal de choses en écoutant et en conversant. 

Les utilisateurs du réseau peuvent avoir 3 types de rôles différents au sein d’une room, toujours en anglais dans le texte : Moderators, speakers et listeners. Le modérateur organise la room, il est aussi speaker et peut donner le rôle de speaker aux membres qui en font la demande afin qu’ils puissent prendre à leur tour la parole. Enfin, il est aussi possible de simplement écouter les échanges. 

A l’heure où on parle, Clubhouse n’est disponible que sur iPhone et sur invitation. L’app connait une forte croissance en France depuis début février. Il flotte encore sur ce nouveau réseau l’euphorie du début, qui n’est pas sans me rappeler mes premiers pas sur Twitter, Instagram ou même sur Periscope dont je reparlerai plus tard dans ce billet. Les early adopters ont le sentiment d’avoir un accès privilégié à un outil qui va s’ouvrir et probablement conquérir le grand public.  

Dès les premières écoutes, Clubhouse m’a fait vraiment penser aux radios libres et libres antennes. On se connecte à une room, un peu par hasard et on se retrouve à écouter parler des gens qu’on ne connaît parfois ni d’Eve ni d’Adam. Isolée, la voix a un drôle de pouvoir, celui de faire travailler notre imaginaire. J’ai souvent échangé avec Laurence Giuliani de Akken sur le besoin d’illustrer le son pour lui donner de la visibilité au sein des réseaux sociaux et elle a toujours défendu le fait de ne pas trop en donner à voir au risque de dénaturer l’écoute. Mais difficile de faire autrement avec des fils d’actualités qui font la part belle aux visuels. C’est là tout l’intérêt de Clubhouse, puisque tout tourne autour du son. 

Et la formule semble faire ses preuves, avec des temps de connexion hallucinants et des rooms qui ne s’arrêtent jamais. Pour preuve, quelques citations que j’ai pu relever dans mes écoutes : 

« je me suis couché à 5h parce que j’étais sur CH et levé à 7h pour me reconnecter à CH » 

« J’en suis à 20h par jour, mais je m’accorde une semaine comme ça parce que ça fait du bien. » 

« J’ai ouvert une room à 23h30 et elle s’est terminée à 5h »

Alors concrètement, que trouve-t-on sur Clubhouse ? 

Après quelques jours sur la plateforme, voici quelques rooms intéressantes auxquelles j’ai pu participer  : 

  • Le milieu de la culture échange sur les nouveaux modèles éco et l’avenir des spectacles et évènements #phygital 
  • A quoi ressemblera la pub dans 10 ans ? 
  • Europe1 teste une room foot pendant le match de ligue des champions PSG / Barca 
  • Diffusion d’un mix peu connu de Daft Punk (1995). D’ailleurs l’histoire de cet enregistrement est trop cool.
  • Ask me anything w/ Xavier Niel : mode gourou ON et un échange anti Top-down qui s’instaure avec les membres, plutôt rare et agréable.  
  • Déjà RAS-LE-BOL de Clubhouse : quand les early adopters râlent comme des bons français sur les limites et risques de cette plateforme mais avec une approche très constructive. 

Quelques tendances qui reviennent souvent dans les rooms : 

  • Les gens parlent de Clubhouse sur Clubhouse : c’est souvent une drôle de mise en abîme que nous propose la plateforme avec des rooms consacrées à Clubhouse et à son utilisation. Les journalistes se questionnent sur l’utilisation qu’ils pourraient en faire (diffusion de nouveaux formats, crowdsourcing pour récupérer de la donnée fraiche, débats, …), les militants et politiques se posent les mêmes questions, sans parler des growth hackers qui je l’espère ne viendront pas trop vite polluer ce bel espace.
  • La tech, l’univers startup et l’entreprenariat sont omniprésents même si l’arrivée régulière de nouveaux membres tend à réduire cette majorité d’utilisateurs 
  • Beaucoup de bienveillance dans les échanges : on s’écoute, on ne se juge pas, on attend son tour pour s’exprimer, on s’excuse presque d’intervenir ou d’avoir manqué le début des échanges. Tout ça se structure très bien et les premiers codes du réseau sont déjà là (on fait par exemple clignoter son micro comme pour applaudir plutôt que de couper la parole pour dire qu’on est d’accord) 
  • Horizontalité des échanges :  le réseau favorise une grande proximité entre les membres, ainsi les entrepreneurs stars, les influents des autres réseaux et les utilisateurs lambdas se retrouvent tous au même niveau dans les discussions. 
  • Tendance chelou : les « silents rooms » dans lesquelles personne ne s’exprime mais qui restent ouvertes durant des heures avec comme seul objectif le recrutement de followers … 
  • Pratiquer des langues étrangères : une utilisation du réseau pour pratiquer , se faire l’oreille et progresser dans une langue étrangère. 

Faut-il retenir l’usage ou le réseau ? 

L’histoire des réseaux sociaux est faite de naissances mais aussi de morts, RIP petit Vine parti trop tôt (ou finalement arrivé trop tôt #TikTok).  L’arrivée de Clubhouse me rappelle deux cas précis : Periscope et Snapchat. Dans les deux cas, j’étais tout aussi euphorique qu’en écrivant ces lignes. Avec du recul, les réseaux étaient certes intéressants, mais ce que l’histoire en retiendra ce sont surtout les usages qu’ils ont apporté. Périscope fut le premier réseau à rendre accessible à tous le social live streaming qu’on retrouve à peu près sur l’ensemble des réseaux aujourd’hui. De son côté, Snapchat a inventé le format omniprésent dans le numérique aujourd’hui : les stories. 

Quid de Clubhouse ? L’avenir nous le dira. Xavier Niel déclarait pendant sa room être déçu de ne pas avoir mis des billes dans le réseau, un signe de la solidité à venir de la plateforme ? Aucune idée, mais s’il y a bien une chose qui est certaine c’est que Facebook va allègrement copier tout ça dans les semaines qui viennent et le son va enfin prendre la place qu’il mérite dans le social media. 

Et dans le tourisme alors ? 

Je vous entend d’ici chers lecteurs, en train de brainstormer avec vous même à la lecture de ces quelques lignes sur l’utilisation de Clubhouse pour votre destination. Les annonceurs ne trouvent pas encore leur place sur le réseau et c’est tant mieux. Honnêtement, quel plaisir de fréquenter une plateforme sans pub. Cependant, on parle déjà de sponsoriser des rooms comme par exemple  « La room ligue des champions avec Adidas ». Pourquoi pas. 

Cédric Chabry relevait dans un échange, sur Clubhouse bien-évidement, l’intérêt qu’il y voyait pour le B2B dans une approche évènementiel #phygital N°2 

Tout reste à construire, et si ça vous tente je vous propose qu’on en parle sur Clubhouse mardi prochain à 13h30 en compagnie du rédacteur en chef de ce blog, Jean-Luc Boulin ainsi que de François Perroy. Faites-moi signe ici si vous avez besoin d’une invitation pour rejoindre le réseau. 

Deux rendez-vous Clubhouse à ne pas manquer la semaine prochaine :

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Sébastien est cofondateur du projet KAIRN , société a mission qui fait le lien entre numérique responsable et tourisme responsable. Il est aussi directeur de my destination, agence de communication numérique et engagée. Leur crédo : placer les réseaux sociaux au service des stratégies touristiques.
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