Tourismophobie : chaud le marronnier, chaud!

Publié le 21 août 2017
4 min

C’est arrivé en même temps que les premières nuits fraiches d’été, au début du mois d’août. En cette période où les rédactions occidentales sont bien embêtées pour se mettre quelque chose sous la dent. D’habitude, les directeurs d’offices de tourisme ou de CDT se voyaient interrogés le 29 juillet pour faire le bilan de la saison touristique. 

Mais en 2017, les journalistes ont trouvé un nouveau marronnier, sur lequel ils prospèrent : c’est la tourismophobie!. Depuis le début du mois d’août, la presse occidentale en fait ses unes, avec des termes évocateurs : « turismofobia » en Espagne, « troppi turisti » pour les italiens, « zu viele touristen » en Allemagne, « overtourism » aux Etats-Unis et en grande-Bretagne. Je vous ai sélectionné dans le diaporama ci-dessous quelques copies d’écran de la presse web occidentale.  

https://www.canva.com/design/DACeslQ-HMc/view

Le mouvement s’est donc propagé dans la presse écrite, web, radio et TV depuis plusieurs semaines. Il y a évidemment des raisons à cela et ce ‘nest pas nouveau que les Vénitiens s’indignent de la pollution des bateaux de croisière, que les Lisboètes ne puissent plus se loger en centre ville… Et la maire de Barcelone a été élue sur une promesse de réduire les impacts dans sa ville.

Ce qui est nouveau en 2018, ce sont quelques actions symboliques qui ont eu lieu : à Barcelone, un bus touristique a été « attaqué » par des militants, à San Sebastian, le groupe de jeunes nationalistes basques « Ernai » a bloqué un petit train. A Mallorca, un commerçant refuse de vendre des meubles à des touristes.. 

De là à parler d’une « vague de tourismophobie qui touche l’ensemble de l’Europe« , comme souvent, l’information a anticipé la réalité.

Un 17 août pour stopper le tourisme…

Ironie de l’histoire : jeudi dernier, le 17 août à 17h 30 à San Sebastian, un millier de personnes défilait pour « dénoncer le tourisme de masse qui sévit dans la capitale du Guipuzcoa ».   La manifestation « se déroule sans incident devant des touristes incrédules, dont la grande majorité ne savent pas qu’ils sont la cible plus ou moins directe de cette action », nous explique Sud-Ouest.

Jeudi dernier, le 17 août à la même heure, sur les ramblas de Barcelone un attentat terroriste à la fourgonnette tuait 14 personnes et en blessait des  dizaines. Un attentat revendiqué par l’Etat Islamique qui ici comme à Nice ou Paris, cherche à atteindre notre culture et notre façon de vivre. Barcelone, ville ouverte depuis toujours, ville touristique, ville internationale est pour l’Etat Islamique un symbole de ce qu’il combat.

Vendredi, sur les ramblas réouvertes, devant les fleurs et les bougies, touristes et barcelonais étaient d’ailleurs ensemble dans le chagrin et le recueillement. 

Ironie de l’histoire…

La Rambla de Barcelone Photo JT Curses

Alors quelle solutions au dommages causés par le tourisme de masse?

Il faut espérer que dès l’automne les feuilles du marronnier se ramassent à la pelle, afin que l’on puisse réfléchir un peu plus sereinement sur cette histoire « d’overtourisme »…

Tout d’abord, rétablissons quelques vérités :

  • le tourisme va continuer à croître. C’est une bonne nouvelle de savoir qu’un terrien sur cinq a voyagé en 2016. Mais ce n’est évidemment pas sans conséquence que cette mondialisation des échanges : nous connaîtrons dans les années à venir de plus en plus de situations de crise liées au tourisme de masse.
  • le tourisme de masse ne concerne qu’une minorité de lieux ou de périodes de l’année. Chers amis lecteurs, vous qui êtes nombreux à travailler dans le tourisme, je pense que vous aimeriez être plus souvent en situation « d’overtourisme ». Les situations préoccupantes sont dans des spots touristiques, des villes très bien desservies, mais la majorité des zones touristiques en France sont à l’abri de ces problèmes aujourd’hui
  • il s’agît d’un vrai problème qui peut engendrer de nombreuses nuisances : gentrification des centre villes avec difficulté d’accès au logement pour les locaux, hausse des prix, difficulté de circulation, appropriation de l’espace public, cohabitations difficiles, impact sur la culture locale, muséification des centres villes, dégradation environnementale, etc.

Plage de la Contxa, San Sébastien, août 2017

Je ne vais pas m’aventurer aujourd’hui à donner des solutions définitives. Nous reviendrons dans ces colonnes régulièrement sur ce sujet pour alimenter le débat du tourisme de masse et de la tourismophobie.

Il y a malgré tout deux éléments factuels au centre de ce problème :

  • lorsque les pouvoirs publics se sont emparés assez tôt du problème, des solutions ont été trouvées. C’est le cas par exemple du Parc National des Cinque Terre, en Italie qui a choisi de limiter le nombre de visiteurs. Par contre, quand il n’y a eu ni régulation, ni discussion, ni étude et recherche, les situations se sont vite dégradées : Lisbonne en est un malheureux exemple.
  • les habitants sont au centre de ces enjeux. C’est dans l’échange entre visiteurs et locaux que se construira une acceptation commune. Je cite Nicolas Martin, directeur de l’office de Bordeaux, qui lançait la discussion autour du « marronnier de l’été » sur son mur Facebook au début du mois : « Accueillir des visiteurs c’est à la fois une ouverture aux autres et une opportunité de création d’emploi, il ne faut pas que cela devienne perçu comme une menace. Pour cela, il nous faut favoriser les occasions d’échange entre visiteurs et habitants, autour du sport, de la culture, du vin et de la gastronomie, de la nature, de la vie des quartiers. » Le nombre de commentaires sur le post de Nicolas témoigne de l’intérêt du sujet dans le milieu professionnel…

Pour ces deux chantiers de régulation et de concertation, les autorités locales du tourisme, représentées par l’office de tourisme, ont à prendre des initiatives fortes. Sans doute un beau chantier pour les mois à venir…

 

 

 

 

 

 

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Jean Luc Boulin est consultant en tourisme : Intervention auprès des élus et des prestataires touristiques, coaching, accompagnement des équipes et des directions sont ses principaux champs d'intervention. Avec deux exigences : se mettre à la place du client et oser l'innovation. Directeur de l’office de tourisme de l’Entre-deux-Mers (Gironde) et du pays d’accueil touristique du même nom pendant plus de dix ans, Jean Luc Boulin a dirigé la MONA [...]
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