Marketing territorial : pourquoi le tourisme est le showroom des métropoles.

Publié le 3 mai 2017
6 min

A l’heure où certains réalisent que l’industrie touristique est un élément structurant de notre économie nationale, d’autres ont déjà les yeux tournés vers de nouveaux horizons. En effet, bien qu’il soit indispensable que l’Etat comprenne au plus vite que le tourisme représente une opportunité unique pour le redressement économique de notre pays,  certains acteurs sont persuadés que le pouvoir est désormais entre les mains des métropoles, et non plus des nations. « Les grands centres urbains, de plus en plus connectés au reste de la planète, sont devenus les points névralgiques de l’économie mondiale, faisant même passer les Etats au second plan de la mondialisation », affirme Parag Khanna dans Connectography (1).

« le pouvoir est désormais entre les mains des métropoles »

Dans cette nouvelle donne, la concurrence accrue à l’échelle planétaire nécessite une constante adaptation de la part des grandes villes pour rester attractives sur tous les plans. Elles sont entrées dans une véritable bataille pour attirer entreprises, talents, étudiants… et touristes ! « La concurrence entre les métropoles se fera non seulement au niveau du tourisme, mais aussi au niveau des conditions de vie, de l’accueil réservé au monde professionnel, et de l’attractivité académique et culturelle. Ces trois dimensions permettront aux métropoles de s’insérer dans le réseau des villes attractives » explique Jaques Attali. C’est effectivement à ce prix qu’elles continuent à se développer, et c’est dans cet objectif que les fondements du marketing territorial ont été posés il y a dix ans déjà (2-3)

Ainsi, si pendant longtemps, le développement touristique a trouvé sa légitimité dans des bienfaits principalement économiques, depuis peu une nouvelle approche de ce secteur a émergé, devenant même prioritaire pour certaines destinations. Il est désormais évident qu’une métropole durable n’est plus seulement une métropole « verte », mais un écosystème reposant sur un équilibre fragile entre le bien-être des habitants, celui des entreprises, et celui des visiteurs… Si l’un ou l’autre de ces aspects vient à se développer au détriment des autres, des crises viennent immédiatement perturber l’équilibre social local et forcer les pouvoirs publics à prendre, « sur le vif » des mesures modificatrices, parfois destructrices. A ce titre, les exemples récents de Barcelone ou Amsterdam ne doivent laisser aucun professionnel du tourisme indifférent (4-5).

« les exemples de Barcelone ou Amsterdam ne doivent laisser aucun professionnel du tourisme indifférent »

Plus que jamais, pour que le développement touristique soit durable, au sens de pérenne, il doit tenir compte de cette nouvelle équation. C’est à ce prix qu’il permettra au plus grand nombre de continuer à en vivre dans plusieurs décennies encore. Dans cette perspective, les DMO ont la responsabilité majeure de montrer le cap et de tenir la barre. A ce titre, la nouvelle stratégie de Wonderful Copenhagen est un véritable pavé dans la mare des offices de tourisme. “We recognize the expiration of our role as the destination’s promotional superstar, the official Destination Marketing Organization (DMO) with authoritative consumer influence, broadcasting superiority and an exclusive right to promote and shape a destination.” (6)

« les DMO ont la responsabilité majeure de montrer le cap et de tenir la barre »

Mais partons du principe que ce « triptyque d’équilibre » est compris et bien appréhendé, et revenons à nos enjeux d’attractivité. Partons du principe qu’une ville est un produit comme un autre et qu’à ce titre les principes fondamentaux du marketing peuvent s’y appliquer. Les professionnels de la distribution le savent : le meilleur moyen de faire adopter un produit est de faire en sorte que le client y goute. Et c’est bien là que le secteur touristique a pris, malgré lui, une toute nouvelle dimension aux yeux de nos élus…

De nos jours, les projets de développement ou d’implantations d’entreprises que s’arrachent les villes sont avant tout des projets de vies pour des collaborateurs. Ces derniers doivent trouver dans la zone d’implantation de l’entreprise, outre un emploi ou une carrière, un véritable potentiel de vie et d’épanouissement familial. Cette promesse sur le long terme est fon-da-men-tale. C’est à ce prix que la mobilité peut s’exercer de nos jours : une ville peut posséder tous les pôles de compétitivité du monde, les savoir-faire les plus ancestraux, si elle n’est pas attirante, elle n’est pas compétitive dans le monde actuel. Selon un sondage Opinionway récemment publié pour la Foncière des Régions, la qualité de vie et l’environnement sont les premiers facteurs d’attractivité pour les salariés et les dirigeants… Exprimons cela avec une question simple : envisageriez-vous de vous installer durablement dans une ville ou vous n’envisageriez pas de passer ne serait-ce qu’un week-end ? Le décor est posé. (7)

« envisageriez-vous de vous installer durablement dans une ville ou vous n’envisageriez pas de passer ne serait-ce qu’un week-end ? »

L’industrie touristique, à travers toutes ses facettes (affaires, agrément, proximité) est devenue plus qu’une activité particulièrement lucrative, non délocalisable et impliquant un spectre de qualifications très larges. L’industrie touristique est devenue un véritable showroom pour nos métropoles qui revoient désormais leurs ambitions à la baisse en termes de flux pour privilégier la qualité de l’accueil, conscientes qu’il s’agit là de la meilleure des campagnes de publicité. « Il faudra penser la ville comme un hôtel. La ville de demain devra accueillir ceux qui veulent s’y installer, mais aussi se mettre en valeur pour attirer et aller chercher des clients » défend Jaques Attali. Nous y sommes : nos visiteurs d’aujourd’hui sont nos étudiants, nos entrepreneurs, nos talents, bref, nos habitants de demain.

« nos visiteurs d’aujourd’hui sont nos étudiants, nos entrepreneurs, nos talents, bref, nos habitants de demain »

Il est certain que les médias agissent activement sur le rayonnement d’une ville, mais le bouche à oreille, boosté par les réseaux sociaux, est désormais tout puissant. « Gouter » à une destination change tout, et le tourisme permet cela. Les villes les plus avancées en matière de marketing territorial savent qu’il est beaucoup plus difficile d’atteindre de nouvelles cibles à grands renforts de campagnes de publicité couteuses, que de simplement changer leur relation aux visiteurs qui viennent déjà à eux chaque année. Et si la fidélisation fonctionne très bien en matière de tourisme urbain, la « trans fidélisation » est une approche que peu se sont réellement donné les moyens d’aborder jusque là…

Cette trans fidélisation, ou art de faire revenir un visiteur dans un autre contexte et pour un autre usage a des applications infinies. Les milliers de personnes qui visitent une ville à l’occasion d’un congrès ont sans doute été « teasées » par ce qu’elles ont vu à travers les vitres de leur bus ou de leur salle de réunion… Les programmes très denses de ces rendez-vous laissent généralement peu de temps libre aux participants. La question est : que font concrètement les villes pour les inciter à revenir en famille pour un weekend de détente ? Poussons la réflexion encore plus loin : qui sont ces millions de touristes de loisirs qui visitent nos villes chaque année ? Certains d’entre eux sont des chefs d’entreprises, des investisseurs, des développeurs, des talents… à qui nous aurions sans doute intérêt de reparler « projet » dans un futur proche. Que dire enfin des critères de choix d’une ville par un étudiant dans la perspective d’études supérieures et des liens très forts que ce dernier gardera durant toute sa vie avec cette même ville ?… En matière de marketing territorial, tout est connecté.

« la trans fidélisation, ou art de faire revenir un visiteur dans un autre contexte et pour un autre usage »

Oui, tout est connecté, et la responsabilité des DMO dans l’animation de l’écosystème touristique est énorme tant les conséquences de leurs actions dépassent largement le périmètre de notre seule industrie. L’attractivité touristique, la qualité d’accueil d’une destination et l’expérience inoubliable qu’elle offrira, conditionneront son rayonnement et sa compétitivité globale. Oui, plus que jamais, le tourisme est le showroom de nos métropoles.

Pour creuser :

(1) « A l’avenir, les villes auront le pouvoir, pas les pays »

(2) « Les métropoles vont supplanter les nations »

(3) « Les enjeux du tourisme urbain pour les métropoles secondaires »

(4) « Barcelone mise sur la décroissance touristique »

(5) « Submergée par les touristes, Amsterdam veut éviter la noyade »

(6) « Copenhagen declares end of tourism »

(7) « Les facteurs de l’attractivité territoriale selon salariés et dirigeants d’entreprises »

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41 ans. Passionné de développement touristique et de marketing territorial. Dirige ONLYLYON Tourisme depuis 2004.
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