Mon SIT va crack-er !

Publié le 21 mars 2022
9 min

Dans notre banlieue touristique, deux gangs, grands réseaux de distribution de la came, Apidae et Tourinsoft, ont fait le ménage et se partagent le territoire. Mais s’il reste quelques addicts à LEI, Constellation, Ayaline, que certains s’essayent à des produits dérivés comme Elloha, ou envisagent carrément l’ultra-dépendance à Google, un groupe d’habitants anarchistes tente de convaincre les autres qu’on peut s’en passer, surtout que le produit de base est rarement de bonne qualité, tellement coupé qu’il en devient impropre à la consommation. Mais que fait la police, le gouvernement, les instances nationales ? Elles essayent bien de réguler le marché, avec un DataTourisme qui viendrait unifier tout ça, mais tout le monde ne joue pas le jeu, ça reste la foire d’empoigne, Mon SIT va crack-er !

Voilà le pitch histoire de justifier ce drôle de titre jeu de mots qui fait référence à ce vieux film « Ma 6-T va crack-er« .

Le parallèle s’arrête là, car soyons honnête, l’usage intensif du SIT n’est guère addictif, et c’est là probablement la principale raison qui pousse aujourd’hui certaines destinations, organisations, à remettre même en cause son utilité. Manque d’homogénéité de l’information selon l’opérateur de saisie, selon chaque organisme en charge de la collecte, souci d’ergonomie, de fonctionnalités, de mode de saisie qu’on oublie d’une fois sur l’autre, aspect hyper chronophage… les raisons sont connues, identifiées et perdurent pourtant ! Ce qui conduit pas mal de destinations à remettre en cause leur SIT, des Régions et/ou des départements à auditer et remettre en concurrence leurs outils.

Puis-je me passer d’un SIT ?

C’est quoi ton objectif prioritaire ?

Si tu veux faire un joli site web, orienté séduction, pour faire connaître ta destination, tu peux te poser la question ! De belles photos, de l’édito qui met en valeur tes Tour Eiffel et tes pépites, des parcours, un bon mix marketing derrière et hop, le tour est joué. Pas besoin de stocker/mettre à jour des centaines/milliers d’objets touristiques dans une base de données quelconque…

Tu veux faire avant tout de la vente en ligne ? Revendre des prestas affiliés, des circuits, des visites, tu as ta place de marché, ton outil de vente en ligne dans lequel tu peux directement gérer la donnée, sans forcément le « linker » avec un SIT, et ça te suffit ? Ben pourquoi pas…

Par contre, si tu veux aider les gens à bien préparer leur séjour en prenant connaissance de l’offre, les accueillir et les orienter sur place via ton site, une webapp ou une appli, et même avoir un support complet exploitable par tes conseillers en séjour, là, ça risque d’être compliqué de s’en passer.

Et tout cela sans préjuger des autres usages intéressants du SIT qui peuvent te permettre d’alimenter/éditer d’autres supports, qu’ils soient en ligne ou physiques. Et bien entendu, peut s’y ajouter la contribution à un projet supra-territorial, les SIT ayant souvent une gouvernance à une échelle départementale et même régionale, permettant à chaque échelon et à leurs partenaires de donner de la visibilité aux infos que tu saisiras.

C’est quoi mon choix ?

Bon, tu as décidé qu’un SIT, ça reste utile pour gérer de l’info chaude, tiède ou froide sur ta destination. Reste à faire le tri parmi toutes les solutions proposées…

Je mets de côté Elloha, Alliance Réseaux Open Expériences, Regiondo, … pour ne citer qu’eux, qui te permettront de faire de la vente en ligne si c’est ton objectif prio comme on l’a vu précédemment.

Le rassemblement des grandes Régions a fait du ménage, et ça continue : LEI a perdu du terrain (notamment les ex Limousin ou la Franche-Comté), Constellation appartient presqu’au passé, les destinations sous Ayaline se font de plus en plus rares. Allez, comme pour la vente en ligne, j’en ai cité trois comme à la TV, je vous passe les autres systèmes ! Ils ont perdu quelques gros marchés, un peu de terrain, on peut douter de leur capacité à continuer d’investir dans des évolutions… Après, si tu bosses avec eux et que tout marche comme sur des roulettes pour toi, bah pourquoi changer ?

Ben justement, peut-être parce qu’au niveau de ton département, de ta région, tu fais figure de l’irréductible gaulois résistant à l’envahisseur, et que ce n’est pas forcément la position/posture la plus enviable. Presque toutes les grandes régions qui se sont rassemblées se sont posé cette question : Tourinsoft ou Apidae ? Stop ou encore ? On change quitte à devoir reformer tout le monde (ce qui peut donner un coup de boost au projet) ? Ca va coûter plus cher ou moins cher ? Ca fait plus de trucs ou pas ? C’est plus ergonomique ou pareil ?

Je ne suis pas là pour vous donner mon avis, mais ce n’est peut-être la peine de vous lancer dans un benchmark international pour trouver votre nouveau SIT, ou lui renouveler votre confiance. Ce n’est pas forcément agréable, mais le choix sera binaire, et il vous suffira au final de bien déterminer de quoi vous avez besoin, de passer un peu de temps à échanger avec chacun des deux, et vous aurez probablement suffisamment de billes pour déterminer lequel pourra le mieux répondre à vos besoins, budgets, organisation, …

J’oubliais deux autres hypothèses, un peu vite évacuées… La première consisterait à aller chercher un prestataire en dehors du monde du tourisme. Dans la banque, dans le retail, dans bien d’autres secteurs et activités, on gère aussi un nombre incalculables de données, et parfois même bien plus complexes. N’ y-a-t-il un acteur qui serait prêt à faire l’effort d’adapter son offre au secteur du tourisme pour venir mettre le bazar dans ce qui est devenu un duopole ? Et bien pas pour l’instant… et personne ne s’est risqué à jouer le cobaye dans l’immédiat pour les petits copains.

L’autre hypothèse serait de s’appuyer, comme certains l’envisagent depuis de nombreuses années, sur le monstre Google, qui avec ses fiches My Business, possède probablement la base la plus dense et homogène qui puisse exister ! D’ailleurs, la plupart des prestataires touristiques sont bien plus réactifs pour saisir leurs infos sur cet outil que pour répondre à vos questionnaires annuels ou alimenter en direct le SIT que cette possibilité leur est ouverte… Un autre truc tellement injuste dirait Caliméro, c’est qu’en cas de mauvaise information (oui oui, ça arrive…), sur votre site, c’est vous qui allez vous faire allumer par le client, alors que sur la fiche Google, le client n’en voudra pas du tout à Google, mais au prestataire en direct ! Il n’y aura pas un truc à creuser sur cette responsabilité de l’info ?

Bref, pour en revenir à Google, vous avez peut-être vu que Google My Business va devenir au 30 avril Google Business Profile, et sans rentrer dans les détails, ça va modifier deux-trois bricoles dans l’API, qui ne sera plus accessibles qu’aux entreprises multisites.

Cela nous illustre avant tout une caractéristique qu’on devrait bien tous avoir saisi avec l’expérience Google maps : le King de Mountain View décide tout seul du prix de son produit, de ses évolutions, et même de sa disponibilité, et dans un délai qui peut être très très court. Comme dirait l’autre sur Instagram, « J’pense qu’la question, elle est vite répondue !« .

Mais du coup, est-ce que ça règle le problème ?

Tu as déterminé si ta stratégie, ton objectif prioritaire, t’enjoignaient à disposer ou non d’un SIT.

Si la réponse est positive, tu t’es demandé si tu entrais dans une démarche collective ou si tu restais dans ton coin, et après des multiples réunions, ateliers, comités techniques, de pilotage, tu as fini par choisir ton outil. Et tu te crois tiré d’affaire ?

Aïe, si tu reprends les questions du tout début du billet, celles qui font que le contenu de ton SIT est souvent tout pourri, ben tu te rendras compte qu’au mieux, tu as choisi un nouvel outil dont l’ergonomie et/ou les fonctionnalités, le budget, répondent de façon plus satisfaisante à ton besoin. Parce que le vrai souci du SIT, c’est la collecte et la saisie ! Et même avec le meilleur outil du monde, c’est chronophage, c’est chiant, c’est pas marrant, et ceux qui s’en occupent sont rarement félicités pour la qualité de leur travail.

Tu peux du coup oublier les précédents paragraphes, parce que c’est réellement maintenant que ça devient intéressant. Tu connais la Loi de Pareto, autrement dénommé la loi des 80-20 ? On peut tout à fait l’appliquer à la collecte/saisie de l’information du SIT : en gros, on passe 80% du temps à collecter/saisir l’info de prestataires qui vont à peine produire 20% de la visibilité de ton site, des richesses de ta destination, … Parce qu’il faut rappeler trois fois le meublé qui loue quatre semaines dans l’année pour avoir une photo dégueulasse, relancer quatre fois le resto que personne ne recommande pour avoir une idée de ses jours et heures d’ouverture, précision que lui-même est infoutu de fournir puisqu’il ouvre quand il a du monde, … J’exagère à peine, mais en gros, on consacre moins de temps à la locomotive du TGV qu’au wagon de bout de chaîne du tortillard. Et en plus, il faut ensuite se taper la saisie de ces infos indigestes, souvent pas très appétissantes, dans un bazar que tu ne maîtrises qu’à moitié.

Alors première question, si on décide RÉELLEMENT qu’on est sur du conseil engagé comme c’est censé être préconisé depuis quelques années, on peut peut-être gérer nos efforts sur cette fameuse collecte non ? Définir des priorités selon le poids économique, la qualité des prestataires, leur volonté de nous donner un minimum d’infos, et on pourrait même consacrer du temps à les accompagner pour aller plus loin dans un descriptif par exemple, des photos plus sympa. Bref, essayer de rendre ce boulot plus intéressant, moins rébarbatif.

Ce serait bien de permettre aux prestataires de gérer eux-mêmes le contenu non ? Il le font sur leur propres outils, dans les divers outils de vente en ligne, et bien entendu sur Google. La question de la confiance qu’on pourrait ou non leur accorder me semble tellement dépassée… d’autant qu’on peut tout de même envisager une validation a priori, et même a posteriori, avec d’ailleurs des sanctions à la clé pour les tricheurs ou les mauvais élèves. Et si on arrêtait de proposer des listings par liste alphabétique ou aléatoire, mais en fonction de l’intérêt du prestataire et de la qualité des informations fournies. Je suis sûr que c’est un champ que l’on peut qualifier avec n’importe quel SIT 😉

Et puis les prestataires, même les plus volontaires, se lassent des multiples questionnaires auxquels ils doivent répondre. Et si on se contentait d’aller chercher l’info sur leur propre site, sur leur fiche Google, Gîtes de France, Airbnb ou autres ? On m’a récemment objecté que certains n’ont aucune présence en ligne, qu’il est même compliqué d’obtenir un retour par email, souvent, on ne peut que leur téléphoner pour avoir l’info. Est-ce que cela paraît normal à tout le monde de consacrer autant de temps à rendre visible ce type d’acteur alors que lui-même n’y consacre ni temps ni budget ??? Alors que pour le coup, certains excellents prestataires, sous prétexte qu’ils ne sont pas adhérents, cotisants, payeurs de pub, ne figurent sur aucun document ou site, puisqu’ils ne sont même pas sollicités et qu’on ne dispose donc pas de l’info les concernant.

Bref, pour conclure temporairement le sujet, le problème dans la collecte et la saisie de l’info est le même que pour l’accueil physique : tant qu’on ne se sera pas débarrassé une fois pour toutes de ces vieux réflexes d’exhaustivité et de neutralité, on passera beaucoup de temps à ne rendre service à personne : ni aux clients, ni aux prestataires les plus motivés qui jouent le jeu sans en retirer le bénéfice attendu.

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Ludovic a démarré sa carrière en Auvergne, à l’Agence Régionale de Développement, puis dans un cabinet conseil sur les stratégies TIC des collectivités locales. Il a rejoint en 2002 l’Ardesi Midi-Pyrénées (Agence du Numérique) et a plus particulièrement en charge le tourisme et la culture. C'est dans ce cadre qu'il lance les Rencontres Nationales du etourisme institutionnel dont il organisera les six premières éditions à Toulouse. À son compte depuis [...]
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