Le numérique au service de la valorisation d’une offre culturelle

Publié le 20 février 2013
7 min

Le 19 février 2013 se tenait au Pôle International de la Préhistoire (PIP) les Rencontres Etourisme Aquitaine. C’est cette année la troisième édition. Le thème à l’honneur pour cette nouvelle édition est sur « tourisme, patrimoine et médiation numérique ». L’idée est de voir comment les lieux du patrimoine sont investis par les outils numériques. Quelles sont les dernières innovations en la matière ? Quels retours d’expérience peut-on faire ? Le leitmotiv de cette journée était de montrer en quoi le numérique est au service de la valorisation du patrimoine et de la visite culturelle.

L’appétence des clientèles pour l’offre culturelle et événementielle

Globalement on sait qu’il existe une appétence des clientèles étrangères de la France pour tout ce qui tient du patrimoine et de l’offre culturelle au sens large. Par exemple une étude d’Atout France sur « La crise, accélérateur des évolutions en matière de tourisme » montrait que les principales motivations des touristes étrangers venant en France sont la visite de musées et de monuments historiques. Si on cherche à résumer, certes de manière un peu caricaturale, les facteurs d’attractivité, on pourrait dire que notre culture, notre patrimoine, notre art de la table ou plus globalement notre art de vivre à la française sont les principales motivations des clientèles internationales. Cet appétit de culture est encore plus fort pour les primo-visiteurs venus des Brics (Brésil, Russie, Inde et Chine) que des « repeaters » européens connaissant bien la France. Les « destinations Ville », à l’exception de Paris et de quelques autres comme Nice, ont encore un potentiel et des marges de progression très fortes à comparer avec leurs homologues italiennes, espagnoles et allemandes depuis peu. La culture avec le sport, ou au sens large l’événementiel sont des facteurs d’attractivité importants pour les territoires.

L’attractivité culturelle de la France

80 % des visiteurs étrangers sont même attirés par l’image culturelle de la France si on en croit une ancienne étude de Maison de la France sur cette thématique. Toutefois la réalité est un peu différente si on consolide les statistiques de fréquentation des institutions culturelles. C’est en effet seulement 17 % des visiteurs étrangers qui effectueront réellement une visite culturelle en France (d’un musée ou/et d’un patrimoine au sens large du terme). A mon sens, cela ne tient pas uniquement à un différentiel entre les pratiques affichées assez valorisantes pour les individus, mais aussi à un manque d’adéquation avec les attentes de visiteurs, et en particulier un « déficit » de promotion/commercialisation vis-à-vis des publics potentiels.

On distingue généralement plusieurs grands profils de visiteurs intéressés par une offre culturelle. Tout d’abord le « touriste motivé par la culture » qui choisit une destination de vacances pour les activités culturelles possibles. De manière caricaturale, on pourrait dire que ce sont les clientèles traditionnelles des institutions culturelles. Ce type de public marque un intérêt prononcé aux activités éducatives et à la possibilité d’apprendre de nouvelles choses. Il représente environ 5 % des touristes culturels et peut-être touché par des sources d’informations culturelles plutôt que touristiques. Ces touristes préparent seuls leur séjour et ont moins besoin d’être convaincus des attraits d’un territoire et des autres activités possibles car la principale raison de leur venue est de « consommer » l’offre culturelle promue. Or globalement en matière de communication et de promotion sur Internet l’accent est plutôt mis sur ce type de public. La majorité du public potentiel concerne donc le « touriste attiré par la culture » (autour de 70 %). La visite culturel ne constitue pas le but premier de son voyage. Cela sera une activité parmi d’autres. Il a besoin d’être convaincu et accompagner dans la phase de préparation de son séjour. Il est nécessaire pour lui de prendre en compte toutes les activités liées à son séjour : hébergement, transports, choisir des activités, shopping… Il ne s’agit certes pas de demander aux institutions culturelles de se substituer aux professionnels du tourisme, mais de rappeler l’impérieuse nécessité pour les professionnels du tourisme et de la culture de travailler ensemble sur ces sujets. En dernière réalisation, on peut citer l’exemple du voyage à Nantes où désormais les services culture et tourisme de la ville travaillent au sein de la même institution.

Des visiteurs aux pratiques numériques avérées

Le numérique est désormais bien présent auprès des visiteurs. Ils sont massivement connectés à Internet et sont de mieux en mieux équipés en termes de matériel (tablettes tactiles, smartphones…). Internet est une véritable révolution et à induit de nouvelles pratiques : accès à l’information en ligne, consultation de l’information en situation de mobilité… Les publics sont de plus en plus intéressés à participer à la vie d’une institution culturelle et pas simplement « consommer » l’offre du lieu. Il y a une envie d’être impliqué et d’interagir avec le lieu : création de contenu, être au cœur de l’expérience muséale. On parle à ce sujet de co-création (Ex : Albert Museum).

Le cycle du visiteur (avant, pendant et après la visite)

L’expérience de visite ou d’accueil se doit de commencer avant la visite. Le site web vise donc à la fois à répondre aux attentes du public, mais aussi à présenter l’institution. Il doit permettre de sélectionner une offre et de préparer la visite : informations pratiques, accès pour les publics spécifiques, achats billets, visites virtuelles, téléchargement d’audioguide etc., tout en proposant un contenu multimédia enrichi afin de séduire le visiteur potentiel. Il s’agit clairement d’attirer le public et d’établir un lien avec le futur visiteur. Les enjeux sont multiples. L’objectif est de faire vivre le musée/l’institution hors des murs. Le musée devient en quelque sorte une agora moderne. Si on exclue la phase de la préparation du séjour, les attentes des visiteurs sont assez classiques. Tout d’abord l’accès aux informations pratiques : comment venir, quel tarif, l’offre de visite (parcours, guides…). Le visiteur cherche à préparer sa visite : achat de billet, description des parcours de visites, visite virtuelle, podcast, contenus adaptés (scolaire, groupe, handicap, multilinguisme…). De plus en plus les publics recherchent en quelque sorte des espaces contributifs où il est possible de dialoguer : échanges d’impression, partage d’expériences, commentaires, poster des photos, des vidéos (Présence sur les réseaux sociaux). La réflexion se porte aussi sur « après la visite » où il s’agit d’enrichir la visite et permettre l’accès à des documents complémentaires. Cela peut s’agir par exemple d’accéder à son parcours de visite et de le partager à ses proches à l’instar de visite+ à la Cité des Sciences.

En résumé l’enjeu pour les institutions culturelles est d’accompagner le visiteur, avant, pendant et après la visite. On peut résumer les besoins et les attentes sous la forme d’un cycle du visiteur.

Les dispositifs numérique et la visite culturelle

L’intérêt des dispositifs numériques et plus particulièrement des audioguides dans le cadre de la visite d’un lieu est qu’ils permettent de visiter un lieu à son gré et à son rythme (à la vitesse de son choix), selon ses envies, dans la langue de son choix et sans passer par un groupe. C’est une offre complémentaire à la visite, elle ne remplace rien, d’autant plus que ce sont pas forcément les mêmes attentes et les mêmes publics. A titre d’exemple, on peut voir le cas de la réalité augmentée, où il s’agit d’enrichir le réel. Il peut s’agir de restituer ce qui a entièrement ou partiellement disparu avec l’objectif de valoriser un lieu, mais surtout d’aider les visiteurs à comprendre. Le numérique est ainsi un canal au service de l’expérience de la visite et de mettre en valeur ce qui existe toujours. L’exemple le plus emblématique est celui de l’abbaye de Cluny où des écrans permettent de voir l’abbatiale au temps de sa splendeur dans une reproduction en 3 dimensions temps réel.

Un des autres intérêts de ses dispositifs d’aide à la visite est qu’ils permettent dans les lieux ouverts de se repérer dans un espace et de proposer ainsi différents parcours de visite. On peut citer comme exemple l’application pour les jardins du château de Versailles.

Décrypter le réel et faire comprendre : enrichir l’expérience de visite

En résumé on peut dire que les outils numériques sont perçus comme une source d’autonomie et non de contrainte. C’est quasiment synonyme de liberté. La logique d’accompagnement l’emporte sur le sentiment d’être assisté ou « enfermé dans une logique de parcours dirigé et dirigiste ». L’intérêt est vraiment d’accompagner les visiteurs : apprendre à voir et permettre de comprendre le lieu, les œuvres, les objets… Ces outils permettent de faciliter la gestion de la multiplicité des langues et de proposer l’accès pour des publics handicapés. Pour les contenus, il s’agit d’adopter un point de vue pour et de les adapter en fonction de la clientèle : enfants, adultes, CSP, raconter des histoires (storytelling)… Le commentaire doit être adapté à l’oralité. L’ergonomie des outils ou des applications doit être abordable. Il faut que cela soit simple à utiliser. La personnalisation est importante et il faut éviter l’accumulation d’informations (une ou deux minutes par objet). L’enjeu est au final d’éviter de faire « écran » aux objets réels ou au monument. Le numérique au service de la valorisation d’une offre culturelle ?

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Philippe Fabry est responsable Médias Sociaux à ATOUT FRANCE, où il s’occupe en particulier des problématiques autour de la gestion des réseaux sociaux, des stratégies d'optimisation de sa présence en ligne, et de mise en place de tableaux de bord de performance. Il tient également à titre personnel un blog, www.tourisme-tic.com, avec des thèmes de réflexion sur l’etourisme, la mobilité, les usages, les comportements et attentes des internautes, les tic [...]
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