La mobilité touristique : m-tourisme (compte-rendu de colloque et des études)

Publié le 19 décembre 2011
11 min

 

On vous parle depuis quelque temps d’un tourisme de plus en plus SOLOMO. SOcial car le touriste souhaite participer à la promotion d’un produit ou d’une destination, d’interagir avec les professionnels et d’éventuellement devenir un amabassadeur de la marque, de l’offre  ou de la destination. LOcal car le touriste s’attend à trouver toute l’information de l’endroit où il se trouve présentement. L’offre touristique doit être géolocalisé. Enfin le touriste est MObile et utilise de plus en plus son téléphone portable afin de faciliter ses déplacements, enrichir son expérience de visite ou bien tout simplement ce renseigner. La DGCIS vient de publier pour répondre aux questionnements des professionnels une étude prospective sur m-tourisme, le tourisme en situation de mobilité,  ainsi qu’un mini-guide à destination des PME sur le portail de l’industrie.

L’ensemble des travaux menés par la DGCIS sur le e-Tourisme et le m-Tourisme ont fait l’objet d’un colloque national organisé au centre de conférences Pierre Mendès France de Bercy le vendredi 2 décembre 2011. Le colloque « Tourisme et usages des TIC : comment intégrer les technologies mobiles à la stratégie des professionnels du secteur ? » a réuni plus de 250 participants venus du monde du tourisme et des nouvelles technologies. La vidéo de la journée et les présentations des intervenants sont consultables en ligne sur le portail de la Sous-direction du tourisme (DGCIS). Ce billet est donc à la fois une synthèse des différents documents publiés et de cette journée. Pour ce dernier point, je serai assez court car tout est accessible en ligne.

Le comportement et les attentes des clientèles (profils) sont multiples, il est donc difficile de mettre en exergue un schéma global d’attente des clientèles en matière de services mobiles. En outre le mobile ne se substitue pas aux autres de canaux de diffusion et de commercialisation. C’est une offre complémentaire, et donc un nouveau canal à maîtriser pour les territoires, d’autant plus que les consommateurs n’attendent pas forcément les mêmes informations ou services sur téléphone.

1.2 milliard de téléphones sont vendus chaque année avec une croissance de 57 % en 2010.  Le marché des smartphones a en outre explosé en 2010. On estime que le volume des ventes de smartphones devrait dépasser celui des PC à la fin de l’année ! Il y aura peut-être un ralentissement en 2012 en raison de la conjoncture si on en croit une étude de Juniper Research. Comme corollaire, le temps de connexion à l’Internet mobile devrait rapidement dépasser celui de l’Internet fixe. 
Les services mobiles sont multiples. On peut citer l’exemple souvent oublié du SMS, car il est disponible sur tous les terminaux (capacité à distribuer des services en mode push, possibilité de paiement même si ce sont des micro-transactions, alertes…). 

Quelques données de cadrage autour de la problématique du mobile

On peut essayer de résumer le positionnement du téléphone portable par rapport au web fixe :

  • Immédiateté et mobilité (information en temps réel) ;
  • Localisation et contextualisation ;
  • Capteur embarqué comme les puces RFID/technologie sans contact  (pas encore généralisé)
  • Personnalisation avec possibilité de faire du profiling  (Ordinateur peut être utilisé par plusieurs personnes, un téléphone c’est très rarement le cas)
  • Rapidité d’accès à l’information
Il y a 63 millions de téléphone mobiles en France (fin 2010). L’utilisation d’Internet hors des possesseurs de smartphones reste faible (Normal essayez de surfer sur ce type de téléphone, vous verrez bien…). Selon IDATE en 2010, il y aurait près de 12,2 millions de smartphones.
La multiplicité des ternimaux (notamment la taille, l’écran, la praticité et le système d’exploitation) impliquent de nombreuses contraintes autour du développement et de l’ergonomie. Il faut donc souvent faire des choix en raison des budgets ou bien de la cible potentielle. A la fin 2010 ; Androïd détient 28 % de part de marché, iOS d’Apple 27 %, Symbian 18 %… L’utilisation du NFC est encore balbutiante. Les puces NFC devrait équiper 15 % des téléphones en 2015. Dans le tourisme, au-delà de la valorisation du patrimoine, la réalité augmentée est un moyen de proposer de l’information touristique. L’exemple ci-dessous de World Lens permet de traduire en temps réel des panneaux.

Cela serait trop long de donner une vue d’ensemble des stratégies adoptées par les différents acteurs, lisez le rapport ;-), mais on peut faire ressortir quelques éléments. D’une manière générale l’enjeu est d’accompagner le touriste tout au long du cycle du voyageur et de proposer des fonctionnalités sur au moins une des grandes étapes du cycle du voyageur (Avant, pendant et après le voyage).

Cycle du voyageur et téléphone portable

Les service mobiles utilisés avant le séjour :

  • Recherche d’informations/comparaison des prix et de la disponibilité ;
  • Réservation de la prestation touristique et modification éventuelle ;
  • Information en temps réel sur les éventuelles modifications de son voyage ;
  • Fidélisation permettant d’accéder à des réductions.

Les service mobiles utilisés pendant le séjour :

  • Informations sur les points d’intérêts environnants ;
  • Localisation d’hôtels ou de restaurants à proximité grâce au GPS ;
  • Accès à des contenus enrichis (photos, vidéos, réalité augmentée) afin de découvrir le patrimoine de la destination
Les services mobiles après le séjour :
  • Laisser son avis sur la destination et les prestations ;
  • Partager son séjour (photos, vidéos…).
Ce découpage est bien entendu artificiele car le besoin peut s’exprimer à n’importe quel moment. Les réseaux sont un des exemples les plus flagrants. Ils servent avant le départ à découvrir une destination (photos publiées par les membres de sa communauté), à s’informer sur les richesses d’une destination, à sélectionner son hébergement en fonction des avis (sur tripadvisor par exemple). Une fois sur place on peut partager en temps réel avec ses amis son expérience (photographie sur facebook par exemple), signaler sa présence dans des lieux à sa communauté afin de bénéficier éventuellement de bons plans (foursquare) et enfin après le séjour (partage d’avis, de bons plans, de photos etc.). 

L’exemple de l’hôtellerie

Sur les 60 principales enseignes en France, seules 14 ont lancé un site ou une application mobile. On peut citer en particulier le groupe Accor, Louvre Hotels Group, Logis de France, Relais et Châteaux… « Hotel For You » de Louvre Hotel est un bon exemple d’ergonomie adaptée à la réservation de dernière minute. Le groupe a choisi de positionner son application sur ce besoin et de ne pas chercher à proposer une multitude de fonctionnalités (Réservation en 2 écrans). Je vous conseille de lire le petit dossier sur la stratégie du groupe avec cette application sur Journal du Net.

Au-delà d’un nouveau canal de réservation, le développement d’une application ou d’un site mobile est également un enjeu d’image. Il s’agit de montrer la modernité d’une chaîne. C’est le cas de Campanile avec son image qui était jugé vieillote. Ce développement s’inscrit dans l’idée d’apporter de la modernité à la marque et également de proposer de nouveaux services numériques  (WiFi gratuit). 

Exemples de téléchargements d’applications mobiles
Accor 700 000 téléchargements (depuis 2009) 
Louvre Hotels 150 000 téléchargements (depuis 2009)
Best Western  Environ 20 000 téléchargements (depuis 2010) 
Relais & Châteaux  70 000 téléchargements (depuis 2009)

Une enquête de eResultats réalisée en Allemagne pour le compte HRS apporte des données de cadrage  sur le comportement de la clientèle d’affaire dans l’hôtellerie :

  • 1/3 des voyageurs d’affaires ont déjà réservé leur chambre via le mobile ;
  • 21 % déclarent utiliser régulièrement le mobile pour leurs réservations d’hôtels ;
  • 19 % des voyageurs d’affaires qui réservent sur Internet ou au téléphone prévoient d’essayer la réservation sur Internet mobile.
Sur téléphone ce sont majoritairement des réservations de dernières minutes. 53 % se font même avec une arrivée sous 1 heure ! Le groupe Accor a réalisé un chiffre d’affaires de 8 millions d’€ sur téléphone  en 2010 (20 millions € en 2011 ?). En résumé les services mobiles représentent pour les chaînes hôtelières une réponse à 3 objectifs :
  • Un travail sur l’image (positionnement plus moderne) ;
  • Un circuit de vente direct complémentaire et de réponse à la vente de dernière minute en situation de mobilité ;
  • Un outil de fidélisation et d’accompagnement du client.

Les compagnies aériennes

Actuellement 18 % des compagnies aériennes vendent des billets via téléphone portable. Cette proportion devrait augmenter à 70 % en 2013. L’objectif est avant tout de développer la vente directe. Les usagers recherchent avant tout à avoir accès à une information en temps réel (Changement de la porte d’embarquement, retard à la livraison des bagages, enregistrement en ligne). Pour les compagnies aériennes, les services sur mobile ne s’inscrivent pas dans une logique économique de génération de recettes directes ou indirectes, mais plutôt de fidélisation de la clientèle et de fluidification du voyage. En résumé, il s’agit pour les compagnies de proposer des informations sur les horaires et les réservations, de vendre des billets, de proposer des alertes (SMS, courriel…) et de proposer enregistrement (e-checking) et la dématérialisation du billet (e-boarding).

Le transport ferroviaire

voyages-sncf représente 25 % des ventes de billets grandes lignes. Plusieurs applications sont proposées par la SNCF. On peut citer par exemple Horaires & Résa sur iPhone (Il existe un site mobile). C’est plus 1,8 millions de téléchargements pour cette application. Pour la SNCF les services mobiles sont utilisés principalement en dernière minute. L’application et le site mobile ont généré 20 millions d’€ sur les 5 premiers mois de 2010. En résumé, pour la SNCF, l’offre de services  consiste avant tout à permettre l’accès aux horaires, à réserver, de proposer des alertes aux clients (train en retard, quai, résumé du voyage) et de dématérialiser la billetterie (e-ticketing).

Le constat sur les approches territoriales

L’étude conclut qu’il y a peu de moyen de communication à l’occasion du lancement de services mobiles pour les territoires. La majorité du budget est consacré au développement des applications. Cette promotion étant insuffisante, il se pose donc le problème de la visibilité des démarches entreprises par les territoires. Enfin on constate un morcellement des approches et peut-être beaucoup trop d’applications. Ces sites mobiles et ces applications n’offrent ainsi pas la continuité des services territoriaux attendue par l’utilisateur.

Scénarios d’usage des services mobiles

Le smartphone va certainement devenir un marché de masse à l’horizon 2015 avec en France une croissance peut-être de 25 %/an avec un parc de près de 39 millions de terminaux en 2015, soit un peu plus que la moitié des téléphones mobiles. On pourra dès lors parler d’un marché de masse en 2015. Si on en croit l’étude, le profil du consommateur évoluera peu dans les années qui viennent. Selon l’enquête 1000mercis-Ocito de 2010, il y a une sur-représentation des classes d’âge plus jeunes (15-24 ans). Actuellement, ils sont 19 % à posséder un iPhone et 24 % pour d’autres smartphones (« Génération smartphone »). Le niveau de revenu pour les détenteurs de smartphones est élevé, par exemple plus de 40 % des détenteurs d’iPhone se situent dans les catégories socio-professionnelles supérieurs. Les propriétaires de smartphones sont plus masculins et c’est avant tout un phénomène urbain. L’Île-de-France est sur-représenté avec 29 % des utilisateurs d’iPhone.

Les usages sont de plus en plus diversifiés et l’enquête 1000mercis-Ocito de 2010 apporte quelques données de cadrage :
Taux d’utilisation de certaines fonctions selon le terminal
(Source : 100mercis-Ocito, 2010) 
  iPhone Autres smartphones Autres téléphones
Photos et vidéos 83 % 81 % 67 %
SMS 91 % 93 % 87 %
Jeux 55 % 32 % 23 %
Messagerie 83 % 43 % 18 %
Internet 91 % 57 % 21 % 
Agenda 63 % 50 % 38 %
Musique 69 % 39 % 34 %
Toujours selon cette enquête, on voit les lieux de consultation ne sont pas seulement en situation de mobilité : 40 % consultent au domicile (La mobilité commence dans le canapé), 41 %  dans les transports, 40 % sur le lieu de travail, 32 % dans la rue et 27 % dans les lieux publics (Plusieurs réponses sont bien entendues possibles).

L’achat sur mobile et les principaux usages

Selon l’enquête de Benchmark group de mai 2011, 12 % des internautes français ont acheté un bien ou un voyage directement à partir du téléphone soit 3,3 millions de personnes. Pour le voyage (Billets de train, d’avion, hôtels) cela serait 1 million de personnes (soit 33 %). La dernière enquête du Cabinet Raffour Interactif de juin 2011 permet de citer les usages considérés comme les plus utiles par les usagers ou non de l’internet mobile :

  • Réservation d’hébergements (29 %) ;
  • Réservation transports (29 %) ;
  • Locations de voiture ou le co-voiturage (26 %) ;
  • Réservation d’activités de loisir (24 %) ;
  • Consultation des guides touristiques (24 %) ;
  • Les échanges avec les professionnels du tourisme (21 %).
Pour la clientèle américaine, on dispose d’une enquête de Tripadvisor de mai 2011 sur leur usage du mobile en voyage (par contre pas de distinguo entre voyage aux Etats-Unis et à l’étranger). C’est avant tout pour conversation téléphonique (47 %) , mais 38 % utilisent leur mobile pour d’autres usages lorsqu’ils voyagent :
  • 65 % pour prendre ou partager des photos ;
  • 54 % pour naviguer sur Internet ;
  • 52 % pour la recherche d’itinéraires ;
  • 48 % pour de l’information ;
  • (…).
D’une manière générale, les services mobiles doivent tourner autour du besoin de réassurance, ne pas se perdre, trouver une adresse ou bien être alerté en cas de problème (retard, annulation…). Le voyageur cherche des informations utiles (Ex: adresse avec téléphone, horaires d’ouverture…). Les services sont également un moyen d’enrichir l’expérience touristique (audioguide, réalité augmentée…). Il y a une véritable opportunité autour de la réservation de dernière minute. On peut résumer les principaux usages en adoptant un typologie par grand typologie de clientèles : voyageurs d’affaires, touristes d’agrément indépendant, touriste en voyage organisé et les touristes étrangers :
  Voyageurs d’affaires Touristes d’agrément indépendant Touristes en voyage organisé Touristes étrangers
Cible potentiel 25 millions de voyages 60 millions de séjours 20 millions de voyages 76 millions de séjours
Usage des services mobiles

Généralisation de l’usage des services mobiles

Enjeu spécifique lié à la modification des réservations

Les fonctionnalités les plus recherchées : Le suivi de toutes les étapes de son voyage, la recherche d’informations pratiques (horaires de transports, taxis, …), Alertes en temps réel sur le trafic, e-billet et service d’enregistrement/modification sur mobile, réservation de dernière minute

 

Itinéraires et informations pratiques géolocalisées

Mutation du guide traditionnel vers le format numérique

 

Accès aux réseaux sociaux (Donner son avis sur les lieux visités, partager son expérience, prendre conseil auprès de ses amis ou de sa communauté)

Les fonctionnalités les plus recherchées par touriste ne connaissant pas la destination : accès à l’information touristique de la destination, l’accès aux informations pratiques pendant le séjour, la géolocalisation

Les fonctionnalités les plus recherchées par l’habitué (repeater) : recherche d’itinéraires personnalisés en fonction de ses points d’intérêt, l’accès à l’agenda des manifestations temporaires, la fidélisation et l’accès au bon plan, …

Inspiration avant le départ : recherches d’informations complémentaires sur la destination Bridé par le coût d’utilisation du téléphone portable (roaming data) : donner accès au WiFi. Sinon les besoins sont globalement identiques aux autres voyageurs
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Philippe Fabry est responsable Médias Sociaux à ATOUT FRANCE, où il s’occupe en particulier des problématiques autour de la gestion des réseaux sociaux, des stratégies d'optimisation de sa présence en ligne, et de mise en place de tableaux de bord de performance. Il tient également à titre personnel un blog, www.tourisme-tic.com, avec des thèmes de réflexion sur l’etourisme, la mobilité, les usages, les comportements et attentes des internautes, les tic [...]
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